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4 octobre 2015

ONU et Dette souveraine : Une loi anti « Fonds Vautours » bientôt en Argentine

par Estelle Leroy-Debiasi *

 

La résolution de l’ONU concernant la protection des dettes souveraines verra prochainement le jour sous la forme d’un projet de loi en Argentine, pays qui en fut l’initiateur.

Les neuf principes concernant les restructurations de dettes souveraines approuvés par l’Assemblée générale de l’ONU seront prochainement traduits sous forme de loi en Argentine, pays qui fut l’initiateur de cette résolution à travers le G77 +Chine. Un projet de loi va être envoyé au Congrès argentin a annoncé la Présidence de la République, il y a quelques jours.

Lors de son discours devant l’Assemblée Générale de l’Onu, le 30 septembre dernier, la présidente argentine, Cristina Fernández Kirchner a remis quelques pendules à l’heure. « J’aime que les gens puissent comprendre ce qu’est la politique internationale, avec quelles valeurs elle se fait, avec quelle hypocrisie, et que nous devons toujours privilégier les intérêts de notre pays », rappelant ainsi comment l’accord sur le nucléaire iranien a été salué par tous y compris les Etats-Unis et comment l’Argentine a été vouée aux gémonies pour avoir signé un Mémorandum avec l’Iran pour faire la lumière sur l’attentat de l’Amia. Mais la présidente a surtout rappelé à quel point la résolution adoptée par l’ONU sur la restructuration des dettes souveraines était « un triomphe pour les peuples », avec l’aval de 136 pays, 40 abstentions et 6 votes négatifs dont les Etats-Unis.

N’est-ce pas eux qui finalement abritent les fameux Fonds Vautours, dont les agissements sont justement visés par la résolution de l’ONU, et dont l’un des principaux actionnaires, Paul Singer est l’un des grands argentiers du Parti Républicain. Mais surtout est l’artisan d’un organe de lobby anti-argentine l’ATFA, ayant eu recours aux services de quatorze sociétés de lobby faisant tant auprès des démocrates que des républicains campagne contre l’Argentine et son gouvernement, avec un budget depuis 2014, de plus de 1,4 million de dollars.

Une vie après la restructuration

En plus de limiter la marge manœuvre des Fonds Vautours, la résolution de l’ONU légitime le droit des pays de mettre en place une restructuration de dettes qui leur permette de retrouver la croissance et garantisse aux investisseurs de bonne foi de ne pas être affectés par les actions prédatrices du système financier. Le gouvernement argentin a donc décidé d’ajouter les neufs points de la résolution à la loi nationale. Ce que d’ailleurs encourage le texte des Nations Unies pour tous les Etats ; la Bolivie pourrait suivre rapidement le même chemin que l’Argentine.

L’absence de règles internationales pour régir les effets nocifs d’une crise de dette souveraine, les actions prédatrices du système financier ou de certains de ses membres, des décisions parfois contradictoires de certains tribunaux comme dans le cas des tribunaux étasuniens en faveur des Fonds Vautours contre l’Argentine ou ses créanciers, rendent de plus en plus difficile la mise en place d’opération de restructuration de dette souveraine de façon sereine, et s’avèrent un repoussoir pour tout créancier prêt à participer à une future opération de ce type, rendant incertain l’accord qu’ils auraient accepté de bonne foi.

Protéger les Etats et les créanciers

Tout ceci a généré une forme d’insécurité juridique mais aussi économique tant pour les Etats, que les créanciers et les établissements intermédiaires. Cette résolution adoptée par l’ONU est le fruit d’un travail amorcé il y a plus d’un an, autour d’un cadre juridique commun de restructuration de dette souveraine, qui a été initié par l’Argentine.

Bonne foi, durabilité des accords, transparence, impartialité des parties, respect des immunités souveraines, et traitement équitable entre les créanciers en sont les lignes directrices. Le dernier point étant particulièrement sensible puisque c’est le fondement du litige qui oppose l’Argentine aux Fonds Vautours. La résolution de l’ONU établit justement que quand l’accord est accepté par une majorité qualifiée, comme ce fut le cas de l’Argentine avec 92,4 % des créanciers, l’accord de ne peut être remis en question par une minorité.

Cette résolution ne changera rien directement à la longue bataille juridique qui oppose les Fonds Vautours à l’Argentine, d’ailleurs plusieurs de ces principes ont été violés par les précédentes décisions du juge new-yorkais Griesa, toutefois, désormais, l’existence un cadre juridique établi par l’ONU ne pourra être ignorée par les tribunaux. De plus, l’introduction de ces principes va renforcer la législation locale contre toute tentative venant de l’extérieur.

En Argentine, l’adoption de cette résolution par l’ONU a été vécue, à juste titre, comme le rejet de l’action des Fonds Vautours depuis plus de dix ans contre la restructuration de la dette du pays, mais aussi comme le rejet des décisions curieuses du juge new-yorkais Thomas Griesa, comme par exemple, son interprétation de la clause de « pari passu ». Les juges à l’avenir ne pourront ignorer l’existence de cette résolution, et les Fonds Vautours profiter de l’absence de cadre international.

Pour mémoire, l’Argentine a souffert de plus de 200 embargos dans le monde entier, initiés par les les dits Fonds Vautours. Avec cette résolution, Etats et créanciers ont des obligations mais aussi des droits, étant essentiel que les pays puissent restructurer leur dette souveraine sans mettre en danger la sécurité politique, sociale ou leur souveraineté et sans obérer leur avenir.

A la fin du mois d’août la Cour d’appel de New-York avait « rejeté » la décision du juge Griesa du 26 septembre 2013, et lui a demandé de ne pas donner suite à la demande des Fonds Vautours sur l’extension de la notion d’alter ego pour porter atteinte à la souveraineté de la Banque Centrale argentine et à ses comptes au sein de la réserve fédérale de New-York. Ce qui peut paraître, sur le papier, une décision de bon sens : une manche gagnée par l’Argentine sur le terrain de son litige avec les Fonds Vautours.

Estelle Leroy-Debiasi* pour El Correo de la diaspora latinoamericaine

* Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune.

El Correo de la diaspora latinoamericaine. Paris, le 4 octobre 2015

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