Portada del sitio > Reflexiones y trabajos > Pourquoi la mafia a-t-elle besoin de la politique et de l’État ?
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Dans ce bref essai, nous analysons le cas du député national et président de la Commission du budget et des finances de la Chambre des députés argentine, José Luis Espert, comme un exemple de la mafialisation d’un État, en l’occurrence l’Argentine, un système valable pour toute l’Europe.
Le cas José Luis Espert montre une tendance : une autorité publique qui dépasse les limites élémentaires de la vie institutionnelle, limites qui font la vie républicaine et l’État de droit. La catégorie - et l’action - qui désigne la rupture de ces limites pour relier le légal au criminel est la mafia, mot qui désigne un organisme qui fonctionne comme un État occulte, parallèle à l’État légal et, en même temps, lié à celui-ci. D’un point de vue mafieux, l’affaire Espert doit être interprétée ainsi : ce n’est pas seulement Espert qui a utilisé à plus de trente reprises l’avion ou les avions du Fred Machado [extradé au Etats-Unis accusé de narco trafique] pour la campagne, mais c’est Machado qui a utilisé la campagne pour circuler librement avec les avions, faire ses affaires et passer inaperçu.
D’un point de vue économique, le pouvoir mafieux s’incarne dans le marché de la drogue, des armes (de guerre), du trafic d’êtres humains ou d’organes et du blanchiment d’argent. Le trafic de drogue est toujours un symptôme du pouvoir mafieux, surtout si ce pouvoir se confond avec le pouvoir politique. Le mot « mafia » désigne un pouvoir criminel étroitement lié au trafic de drogue, mais il désigne surtout un gouvernement invisible qui guide les désirs collectifs.
L’objectif immédiat du pouvoir mafieux est l’enrichissement fulgurant grâce à des activités illicites : le trafic de drogue, par exemple. En effet, si l’on prend l’exemple d’Espert, son patrimoine « a augmenté de 789 % en quelques années et s’est accru d’environ 230 millions de pesos entre 2022 et 2024 » (Lorena Pokoik, « La frontera difusa »). L’objectif du pouvoir mafieux est donc l’enrichissement soutenu par des moyens illégaux, mais ce qui le guide, c’est l’accumulation de pouvoir politique et social.
En infiltrant l’État. Le pouvoir mafieux infiltre l’État et implique dans ses réseaux criminels aussi bien des professionnels de la société civile que des fonctionnaires publics. Certains fonctionnaires acceptent différentes formes de cohabitation avec les mafieux en échange d’un soutien économique et/ou électoral, dans le cadre d’un échange de faveurs avantageux pour les deux parties. Une structure criminelle moderne devient mafieuse lorsqu’elle obtient la coopération et le soutien de secteurs extérieurs à son organisation. Cela inclut aussi bien des acteurs de la société civile que des institutions représentatives.
Grâce au pouvoir économique accumulé grâce à des activités illicites, comme le trafic de drogue, les structures mafieuses finissent par prendre le contrôle de secteurs importants de l’économie et de la société, et vont même jusqu’à coloniser les institutions de l’État. Le pouvoir mafieux génère une profonde déstabilisation des sociétés démocratiques. Son avancée délégitime les institutions, affaiblit l’État de droit, génère une instabilité politique, favorise la décomposition sociale et affecte le fonctionnement de l’économie formelle. Ce processus conduit à une dégradation progressive de l’État. Je dis cela à propos d’Espert, qui n’est qu’un élément émergent d’un système qui, s’il faisait l’objet d’une enquête, révélerait de nombreux autres nœuds au sein des institutions représentatives et de la société. Le mot « mafia » fait en fait référence à cela : un système.
C’est-à-dire : un mode de vie, une forme culturelle, un ordre rationnel et psychologique, un ensemble de normes comportementales, un code de valeurs et une manière d’agir dans la réalité quotidienne à travers une forme particulière de pouvoir.
En ce sens, le pouvoir mafieux ne cherche pas à détruire l’État. Son objectif est de l’infiltrer. Dans quel but ? S’approprier de l’intérieur la richesse et le pouvoir que cet appareil synthétise et administre. La mafia désigne donc un organisme qui fonctionne comme un État occulte, parallèle à l’État légal et, en même temps, en permanence lié à celui-ci, car l’État est le pouvoir. Une fois constituées, les structures mafieuses opèrent dans différents domaines de la vie sociale, économique et politique. Parmi leurs stratégies, on trouve celle qui consiste à dépouiller l’État du contrôle de certains territoires (des quartiers à des régions entières) ; une autre consiste à porter atteinte à la capacité de l’État à organiser des politiques publiques à caractère social ; une autre encore consiste à affaiblir les institutions représentatives par la corruption et la complicité avec des acteurs politiques ; une autre consiste à intervenir dans l’économie formelle pour la fausser, affecter la concurrence et créer des monopoles ; déstabiliser les marchés financiers afin de les rendre vulnérables aux délits économiques.
La mafia est la création, le maintien et la célébration d’un pouvoir invisible qui ne peut se passer de l’appareil politique et de l’État. L’État soit elle le coopte- en capturant des sujets politiques qui ne font pas partie de ses organisations pour les mettre à son service – soit elle le colonise - avec des hommes qui œuvrent dans les structures mafieuses.
Pour que son pouvoir secret puisse opérer au grand jour sans être reconnaissable, pour produire un sens social et politique massif et ne pas être réprimé par les pouvoirs disposés à cette fin. Lorsque l’État est capturé par la mafia, il fonctionne selon les modes propres à ce pouvoir. Et la corruption devient un symptôme évident, qui enrichit les secteurs mafieux de la politique : affaire $Libra, pot-de-vin de 3 %, affaire Espert.
Faut-il en dire plus ?
Rocco Carbone* pour La Tecl@ Eñe
Titre original : Comportamiento Ex Pert
La Tecl@ Eñe. Buenos Aires, le 6 octobre 2025.
Traduit de l’espagnol depuis El Correo de la Diáspora par: Estelle et Carlos Debiasi.
El Correo de la Diaspora. Paris, le 10 octobre 2025.