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23 avril 2011

Naissance du mot :
Une autre dette avec l’Afrique

 

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Un article publié la semaine dernière, en date du 15 avril 2011, dans la revue «  Science  », signée par le scientifique néo-zélandais Quentin Atkinson, propose une démonstration mathématique selon laquelle le langage a pour origine de même que l’espèce humaine elle même, le sud-ouest africain, il y a environ 50.000 années.

Atkinson a réalisé une comparaison mathématique [1] sur les phonèmes des (syllabes) présentes dans près de 500 langues parlées dans le monde entier, et a découvert un schéma général : comme pour l’ADN, la diversité des phonèmes décroît à mesure que nous nous éloignons du point d’origine, en Afrique du sud. Dans plusieurs langages aborigènes de cette zone - spécialement ceux qui emploient des bruits ou claquements en plus des sons articulés - les phonèmes peuvent atteindre cent, alors qu’à Hawaï, l’un des points les plus éloignés auxquels est arrivée la migration humaine depuis l’Afrique, il y a à peine treize phonèmes de la langue.

Il ne s’agit pas d’une idée absurde, comme le confirme le prestige de la publication qui l’a divulguée. De plus, Atkinson est un linguiste extrêmement reconnu, qui a travaillé sur ce domaine depuis des années. Déjà en 2003, il avait publié une étude basée sur le même système d’analyse similaire à celui de l’ADN (dénommé « Inférence bayésienne</U>  », basé sur le Théorème de Bayes, de Thomas Bayes) par qui les trois langues indoeuropéennes basiques ont été reconstruites, et on a déterminé que leur expansion s’est produite il y a dix mille ans, avec l’avance de l’agriculture.

La première réflexion possible est que les langues africaines, souvent considérées primitives, sont en réalité beaucoup plus complexes phonétiquement que, par exemple, l’anglais, qui dispose d’à peine quarante-cinq phonèmes. Mais, non moins important il semble, de plus, que nous les humains devons au continent africain non seulement notre naissance et nos premiers outils, mais aussi cette technologie magnifique, encore aujourd’hui irremplaçable : le langage.

De nos jours, et depuis l’apogée du capitalisme, les pays centraux essaient d’obtenir jusqu’au dernier centime de bénéfices des nouvelles technologies qu’ils génèrent, à travers le système des brevets ou des « copyright ». Les ambassades, et en particulier celles des Etats-Unis, s’érigent ainsi en procureur pour l’encaissement de ces « droits » qui embrassent chaque fois des domaines plus vastes et abusifs. Ainsi, on essaie d’imposer le paiement de redevances pour l’utilisation de quelques semences alimentaires, pour ne pas parler de l’exploitation ignominieuse qui est faite, par exemple, de l’image de quelques personnages célèbres, aussi protégée par un supposé « copyright ».

Le capitalisme, qui a l’habitude de se présenter comme une force dynamique et de progrès, fonctionne en réalité comme un facteur de retard et d’obnubilation du potentiel humains. Les pays périphériques, qui fournissent souvent les hommes de science, et aussi les cobayes pour prouver de nouvelles inventions - particulièrement pharmaceutiques - finissent par jouir du progrès humain dans une forme limitée et, certainement, trop chère. Ce qui est curieux c’est que, si la même logique s’appliquait, toute la planète devrait être en train de payer beaucoup plus que des droits considérables comme redevances aux peuples africains, non seulement pour nous avoir élevé de la condition simiesque, mais aussi ensuite pour l’invention du mot, sans lequel la science, la technologie, l’art, la littérature, la politique et les lettres de l’amour, n’existeraient pas.

La Arena. La Pampa, l’Argentine, le 22 avril 2011.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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El Correo. Paris, le 23 avril 2011.

Notes

[1Quentin Atkinson publie l’édition du 15 avril de la revue Science (vol. 332, issue 6027) un article où est abordée la diversité génétique et phénotypique, citant en exemple le continent Africain. Selon la théorie du « serial founder effect », dans laquelle goulots successifs de bouteille dans différentes populations selon le rang d’expansion vont réduire la diversité, ce qui soutient une origine des humains dans le continent africain. L’article montre comment le nombre de phonèmes qui sont utilisés dans au moins 504 différents langages appuient une théorie du founder effect, ces mécanismes modèlent aussi la diversité génétique et linguistique et appuient un modèle dans lequel l’Afrique se voit comme le lieu d’origine des langages modernes.
- Abstract  : Phonemic Diversity Supports a Serial Founder Effect Model of Language Expansion from Africa</U>

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