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26 septembre 2025

Beaucoup de crédits, mais les dollars ne sont pas là

Milei s’est approprié les fonds internationaux destinés au handicap, aux catastrophes ou à la science

 

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Le gouvernement n’explique pas où se trouve l’argent qui devrait être consacré à la science ou au handicap. L’hypothèse du Congrès est que les fonds se trouvent au Trésor afin de contenir le système de change.

Quelques heures après la défaite électorale dans la province de Buenos Aires, Javier Milei a reçu à la Casa Rosada le président de la Banque interaméricaine de développement (BID), Ilan Goldfajn. Lundi midi, tous deux ont posé pour la photo aux côtés de Luis « Toto » Caputo, Guillermo Francos et la tronçonneuse en bronze qui trône dans le bureau présidentiel. Le président de l’organisme avait également été sollicité pour rencontrer les dirigeants de l’opposition, mais il a prétexté être très occupé. La Commission bicamérale de révision des comptes du Congrès, dirigée par le député Miguel Angel Pichetto (Encuentro Federal) et le sénateur Mariano Recalde (Fuerza Patria), souhaitait le rencontrer pour examiner en détail les crédits accordés au pays par l’organisme au cours des derniers mois. La préoccupation, qui a été exprimée explicitement lors de la dernière session de la commission, est que bon nombre de ces fonds - des centaines de millions de dollars - initialement destinés à financer des travaux publics et des programmes d’inclusion tels que le handicap ou la recherche scientifique, affichent des niveaux d’exécution nuls ou très inférieurs à ce qui avait été convenu lors de la signature. Cela laisse supposer que le gouvernement détourne ces ressources vers les comptes du Trésor afin de contenir le système de change actuel.

Depuis le début de l’année, le gouvernement a reconnu avoir dépensé environ 277 milliards de pesos (un peu moins de 250 millions de dollars) provenant des différents crédits d’investissement accordés par la BID et d’autres organismes. Au total, quelque 140 programmes de développement sont en cours, allant du financement du Programme Progresar [1] à l’extension et au renforcement du réseau d’eau potable, mais le pays n’a jusqu’à présent vu que peu ou pas de ces fonds. À ce stade de l’année (en huit mois), les deux gouvernements précédents (Cambiemos et Frente de Todos) avaient déjà dépensé en moyenne plus de 1,5 milliard de dollars. En d’autres termes, l’utilisation des fonds par Caputo représente pratiquement 20 % de ce qui était prévu. Parallèlement, le Trésor a utilisé 500 millions de dollars pour faire baisser le dollar dans les semaines précédant les élections à Buenos Aires.

En juillet dernier, la BID a approuvé la « Stratégie pays 2025-2028 » pour l’Argentine, un programme de soutien financier d’un montant total de 10 milliards de dollars (7 milliards pour le secteur public et 3 milliards pour l’investissement privé). Si l’organisme travaille avec tous les gouvernements et que chacun a une orientation spécifique, dans ce cas précis, il soutient une administration qui se préoccupe uniquement de maintenir le système électoral et monétaire, tout en affichant un mépris palpable pour les travaux publics et en sabrant dans des secteurs sensibles. C’est tout le contraire de ce que recherchent a priori les organismes de crédit lorsqu’ils soutiennent des pays.

Malgré tout, Goldfajn continue de miser sur Milei : selon certaines informations, la rencontre à la Casa Rosada a permis de débloquer de nouvelles lignes de crédit qui étaient sur la table depuis mars pour financer les provinces. Caputo a déjà commencé à les négocier lors de ses rencontres avec une poignée de gouverneurs, afin de montrer une certaine force politique au milieu de la débâcle. Ce qui ajouterait un nouveau détournement, cette fois politique, des programmes de financement. Dans ce cas, ce sont les provinces qui s’endettent et non le gouvernement national. « Cela est géré de manière irresponsable », ont déclaré à Página/12 les membres de la commission sur le rôle de la BID. « Tôt ou tard, tout cela finira devant les tribunaux », ont-ils ajouté.

Pas d’argent pour la science

Pendant ce temps, pour les politiques publiques qui ont réellement besoin de ces fonds internationaux, le gouvernement affirme qu’il « n’y a pas d’argent ». Un cas qui a fait grand bruit est celui des 53 millions de dollars réclamés par l’Agence R&D&I du Conicet. En février dernier, à la suite d’un article publié dans elDiarioAr, plus de 2 000 scientifiques ont dénoncé auprès de la BID la gestion irrégulière de ces fonds destinés à la science, l’un des secteurs les plus touchés par les mesures d’austérité sans fin. Ils n’ont jamais obtenu de réponse. Ils ont même saisi la justice pour obtenir une explication officielle : ils ont déposé un recours contre l’État national pour « refus de fournir des informations publiques » devant le tribunal fédéral n° 2 de La Plata, présidé par Alejo Ramos Padilla, qui a donné suite à la mesure et fixé un délai de 15 jours à l’exécutif pour répondre de manière adéquate. Cependant, le gouvernement a fait plusieurs démarches pour retarder sa réponse et reste toujours silencieux.

Selon les réponses du chef de cabinet, Guillermo Francos, dans l’un de ses rapports au Congrès, le gouvernement a reçu 46 millions de dollars et pourrait même avoir accès à 196 millions supplémentaires déjà alloués à la science par l’intermédiaire de l’Agence. Cependant, le Red de Autoridades de Institutos de Ciencia y Tecnología de Argentina (Raicyt) a indiqué que cela fait près de deux ans que aucun nouveau projet n’a été financé et que les bourses sont gelées depuis 15 mois. L’une des personnes lésées est Soledad Leonardi, docteure en sciences biologiques et chercheuse à l’Ibiomar Conicet, qui a déclaré à Página/12 qu’on lui devait près d’un million de pesos pour les dépenses liées au projet. « Je les ai rendus et je n’ai jamais récupéré mon argent. Le projet est resté à mi-chemin et je n’ai jamais pu le mener à bien parce qu’ils ne m’ont pas envoyé la totalité de l’argent. En plus, comme les délais ont continué à courir et que le projet est maintenant terminé, nous devons envoyer un rapport final sur ce que nous avons fait sans avoir reçu ne serait-ce que la moitié des fonds, c’est complètement délirant ».

Mais ce n’est pas le seul programme bénéficiant d’un financement international dont la mise en œuvre est insuffisante. Selon l’enquête menée par le Groupe d’économie politique du Centre ibéro-américain de recherche en CTI, d’autres programmes ont également été insuffisamment mis en œuvre, comme « Innovation pour une nouvelle croissance » (de la BIRD), dont le taux de mise en œuvre s’élève à 11,9 % ; le « Programme de renforcement des capacités de R&D » (de la BCIE), à 17,9 %, et le programme « Soutien aux exportations de l’économie de la connaissance » (de la BID), à seulement 0 %.

« La stratégie du gouvernement en matière de crédit extérieur est particulièrement grave en raison des coûts liés à la non-utilisation et de la discontinuité qu’elle impose à des instruments qui, aujourd’hui, après avoir détruit tout le reste, constituent le seul guichet disponible au sein du système scientifique pour obtenir des financements à moyen et long terme pour des choses autres que les salaires », a déclaré Nicolás Alejo Lavagnino, directeur du groupe EPC, au journal Página/12.

Le programme « Innovation fédérale », également de la BID, est exécuté à un peu plus de 60 % et la majeure partie de ces fonds est destinée à des bourses. Face à cela, M. Lavagnino a soutenu que « ce que faisait l’Agence, c’était financer des projets qui répondaient à tous les systèmes non salariaux : intrants, biens de consommation, équipements et infrastructures. Comme le ministère a disparu, la seule fenêtre qui reste est celle du financement externe, et comme elle est bloquée par cette question des contreparties et la décision de ne pas utiliser les crédits, ils détruisent la seule fenêtre non salariale permettant de dynamiser les activités scientifiques et technologiques dans le pays ».

D’autres scandales liés au handicap ?

Les organisations de personnes handicapées se demandent également où est passé l’argent. Non seulement Milei et son avocat Diego Spagnuolo ont versé des pots-de-vin, mais on s’interroge également sur la destination des fonds provenant de deux crédits, l’un de la CAF et l’autre de la BID. Les deux ont été signés en 2023, avec un délai d’exécution de plus de cinq ans. À eux deux, ils totalisent 565 millions de dollars et couvraient des ressources destinées au paiement des pensions d’invalidité et au financement de politiques d’inclusion.

Le crédit de la BID s’élevait à 265 millions de dollars et, selon les registres de l’organisme, il a déjà été entièrement déboursé, mais en avril de cette année, seuls 68,22 % avaient été utilisés. Il reste donc dans les caisses du Trésor environ 84, 228 571millions de dollars inutilisés. Il est curieux de constater que, selon les rapports officiels de l’organisme, près de 90 millions de dollars ont été dépensés entre mi-2024 et début 2025. Personne ne sait – ni les organisations, ni les employés de l’Andis interrogés par ce journal – où cet argent a été dépensé. En tout cas, il n’a pas été affecté à des politiques publiques.

On sait qu’une partie de cet argent a été utilisée pour une consultation engagée par Diego Spagnuolo en 2024 auprès de la société israélienne Negitech. Le journaliste de Perfil, Pablo Varela, a révélé que cette consultation avait été engagée dans le cadre du prêt et par voie de contrat direct. Le service consistait en des formations dispensées en personne par un citoyen argentin-israélien souffrant d’un handicap psychomoteur, nommé Eric Necht, à San Luis, Tucumán et dans la ville de Buenos Aires.

Anecdote : Spagnuolo s’est rendu deux fois en Israël cette année, et une délégation de fonctionnaires de différentes provinces a voulu faire de même, mais sans succès.
Ils ont mal choisi la date : ils ont dû annuler leur voyage car celui-ci coïncidait avec le début du conflit armé avec l’Iran. La délégation s’est retrouvée bloquée à Dubaï, où elle avait fait escale. Ils ont profité de ce temps d’arrêt pour se promener et prendre des photos, qu’ils ont ensuite publiées sur les réseaux sociaux, déclenchant un scandale.

Le crédit restant, accordé par la CAF, a été entièrement versé à la mi-2023 et était principalement destiné au paiement des pensions d’invalidité. Il ne reste plus qu’environ 12 millions de dollars à utiliser. Aucun des deux crédits n’a été vérifié par l’AGN. Pour la commission bicamérale, il en existe beaucoup d’autres dans la même situation.

Fonds pour la ville inondée de Bahía Blanca

Mais ce n’est pas tout : l’un des prêts que le gouvernement de Javier Milei aurait pu utiliser pour aider Bahía Blanca après les terribles inondations qui ont détruit des maisons entières est le « Projet d’infrastructures résilientes au climat pour la gestion des risques d’inondations urbaines ». Quelque 200 millions de dollars avaient été approuvés par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) depuis août 2023, sous le gouvernement d’Alberto Fernández, et auraient pu être utilisés dans une situation aussi dramatique que celle qui s’est produite en mars dans cette ville (où La Libertad Avanza a remporté de manière spectaculaire les élections dans la province de Buenos Aires).

L’ancien ministre des Travaux publics, Gabriel Katopodis, a confirmé à Página/12 que le crédit avait été approuvé mais n’avait jamais été utilisé. « C’est pourquoi nous sommes sur le point de le perdre, en payant certainement des intérêts et des pénalités pour le crédit que nous n’utilisons pas. Mais le plus grave, c’est que nous laissons de côté un grand nombre de villes qui pourraient à ce stade être en travaux et lancer des appels d’offres pour prévenir le problème des inondations ».

En lien avec le thème des inondations, le « Conseil consultatif du bassin du Salado », composé des quatre entités agricoles, a également alerté sur la paralysie des travaux et indiqué que plus de 175 milliards de pesos sont disponibles dans le « Fonds hydrique » de la Banco Nacion.

Selon les explications de l’actuel ministre des Travaux publics de Buenos Aires, le gouvernement de Milei n’accorde pas de prêts, mais n’autorise pas non plus les provinces à le faire. « Pour obtenir un crédit, il faut l’aval de Banco Nation. Aucune province ne peut s’endetter avec un financement externe sans cela, mais tout au long de l’année dernière, nous avons fait de nombreuses demandes qui, faute d’avoir l’aval de Banco Nacion, n’ont été autorisées ni par la Banque mondiale ni par la BID. C’est également grave », a-t-il souligné.

Matías Ferrari y Celeste del Bianco pour Página 12

Página 12. Buenos Aires, le 14 septembre 2025.

Traduit de l’espagnol depuis El Correo de la Diáspora par : Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo de la Diaspora. Paris, le 29 septembre 2025.

Notes

[1C’est un Programme de soutien aux étudiants argentins, une bourse accordée par le gouvernement argentin aux jeunes qui souhaitent commencer ou terminer leurs études, poursuivre des études supérieures et/ou acquérir une expérience professionnelle et suivre une formation. Il a été créé le 22 janvier 2014 par le décret 84/14 du pouvoir exécutif national.

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