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21 mai 2025

MILEI, UN PHÉNOMÈNE CRIMINEL COMPLEXE

par Carlos Rozanski*

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Carlos Rozanski souligne dans cet article que concernant le président (argentin) et son cabinet, nous sommes confrontés à un phénomène sociopolitique d’une dimension et d’une gravité sans précédent dans le pays, et que pour le comprendre, il est essentiel de le mettre en perspective. Cette vision et cette analyse, selon Rozanski, doivent inclure l’absence de réaction adéquate de la part de l’opposition politique aux troupes du groupe libertarien au pouvoir.

Portrait de Milei en empereur romain,
tiré d’un compte X attribué à Santiago Caputo

Le gouvernement libertarien actuel en Argentine est un phénomène criminel complexe. Son chef, Javier Milei, présente un étrange mélange de traits de l’Empire Romain où dailleurs il prétend avoir rencontré son chien Conan, il y a deux mille ans, lui étant un gladiateur et le chien un lion. À d’autres moments, il s’exprime souvent de manière similaire à Adolf Hitler dans ses références aux ennemis (en particulier les socialistes et les communistes) et dans la même veine il prend des mesures qui coïncident avec celles du plus féroce criminel nazi de tous les temps. La loi Hitler de 1933, est le prédécesseur de la Loi de bases Milei 2024.

En plus de ces caractéristiques, il y a des références à des personnes que Milei admire expressément comme modèles, des mafieux de la taille de Al Capone ou des économistes brutaux comme Milton Friedman ou le déséquilibré Murray Rothbard.

Enfin, son récit de l’origine du commandement divin auquel il prétend obéir est remarquable. Ainsi, Milei explique que « Moïse était un grand chef, il avait des couilles grosses comme une maison [...] mais il n’était pas doué pour faire passer le message. Moïse était bègue ». Dans cette référence, les larmes aux yeux, l’actuel président poursuit : « Et puis l’Unique envoie Aaron pour divulguer. Et c’est la réalité, Kari est Moïse et je suis Aron ». [Entretien de Viviana Canosa avec Javier Milei, 14 mai 2022, à la Foire du livre de Buenos Aires].

Telles sont les illusions d’un Milei machiste et suprématiste qui se définit comme « blanc, blond et aux yeux bleu clair ». Ajoutant à cette occasion qu’il n’a pas à s’excuser d’avoir un pénis (SIC). [Idem ci-dessus]]

Si ce qui précède n’était pas dûment documenté par des images et des sons directs du président Javier Milei, on pourrait certainement douter de la douloureuse véracité des citations ci-dessus.

Il se trouve qu’à partir du 10 décembre 2023, Javier Milei, dont les signes et symptômes de déséquilibre mental sont de plus en plus évidents, menait le pays aux portes de l’enfer avec un naturel jamais vu sous ces latitudes pour produire la souffrance

Il a commencé par retenir des millions de kilos de nourriture pour les pauvres et a refusé des médicaments aux enfants souffrant de cancer, ainsi que des analgésiques aux patients en phase terminale. Simultanément, il a pris des mesures dans le domaine économique qui ont directement et férocement affecté les revenus des secteurs les plus déshérités de la population, ainsi que l’aide aux personnes handicapées.

Il est indéniable que, depuis le 10 décembre 2023, Milei a mis en place un programme de destruction progressive des secteurs vulnérables de la société, qualifiant ceux qui osent s’opposer à ce plan de « tarés, fils de pute, enculés de gauche, rats, cafards » et autres épithètes qui peuvent lui venir à l’esprit au fur et à mesure qu’il s’exprime.

Génocides

L’anéantissement de collectifs humains au cours de l’histoire est une constante. Avec des intervalles différents et des intérêts pervers, des personnages sont apparus qui, au fil des siècles, ont produit des tragédies humanitaires d’extermination massive qui ont marqué des générations entières de victimes.

Comprendre les mécanismes qui ont facilité ces étapes permet d’approcher la dimension de ces crimes et cela est essentiel pour éviter qu’ils ne se répètent. En ce sens, rien n’est plus clair que la proposition du chercheur Daniel Feierstein : « observer ces processus d’anéantissement non pas comme une exception dans l’histoire contemporaine, mais comme une technologie particulière de pouvoir, avec des causes, des effets et des conséquences spécifiques, qui peuvent être retracés et analysés ». [1]]

Ce concept de ne pas analyser les processus génocidaires comme quelque chose d’exceptionnel est fondamental pour mieux comprendre le phénomène que nous vivons aujourd’hui en Argentine. Il est compréhensible que, pour les collectifs de victimes, les tragédies subies soient considérées comme incomparables. Mais la perspective historique s’accorde avec Feierstein pour dire qu’il existe un fil conducteur dans ces tragédies qui, comme le dit l’auteur, sont une « technologie de pouvoir ». Bien entendu, cette technologie prendra dans chaque cas les caractéristiques propres à l’époque et aux personnages qui l’incarnent.

En ce sens, comme d’autres tyrans de l’histoire, Milei est entouré d’un petit groupe de personnages ayant des traits de personnalité similaires en termes de cruauté. Sa sœur Karina, selon Milei, est Moïse - le bègue - et occupe le poste de secrétaire général de la présidence avec un rang et un salaire de ministre.

Conformément à ce postulat, son cabinet est entièrement composé d’hommes et de femmes qui n’ont aucune empathie pour les gouvernés. Cette cruauté unificatrice est indispensable à la « technologie de pouvoir » avec laquelle les libertariens mènent cette nouvelle forme de « génocide au goutte-à-goutte », comme l’a si bien défini le Dr Eugenio Zaffaroni.

La post-vérité

Ce qui s’est passé il y a quelques jours lors de la manifestation pacifique des retraités sur la Plaza del Congreso est un exemple éloquent de ce qui a été dit. Le 12/3/25, la répression la plus impitoyable et la plus sauvage depuis 2001 a eu lieu dans la ville de Buenos Aires.

Sur l’une des images, on peut voir un grand bloc de policiers en uniforme. L’un d’entre eux jette au sol une femme de 81 ans. En tombant en arrière, elle s’est cogné le crâne sur l’asphalte, a saigné abondamment et a dû être recousue. Interrogé sur l’incident, le chef de cabinet, Guillermo Francos, l’a décrit comme suit : « la dame, après avoir frappé le policier avec sa matraque, est tombée d’elle-même ».

Au même moment, dans une interview télévisée, la ministre de la sécurité Patricia Bullrich, directement responsable de la répression avec Milei, a décrit l’épisode en ces termes : « C’est une femme avec une matraque, qui a commencé à le frapper avec dix coups de bâtons jusqu’à ce que le policier se retourne et que la femme s’écroule ».

Pour sa part, Milei a plus tard déclaré publiquement à propos de la répression brutale : « Les bons sont ceux qui sont en bleu... les autres sont des fils de pute... ».

Aucun des visages des trois fonctionnaires n’a bougé d’un poil lors de cette description farfelue. Bien que l’on puisse citer une infinité d’exemples similaires au cours de ces quinze mois de gouvernement libertarien, ce qui est arrivé à la femme de 81 ans et la description perverse des fonctionnaires constituent un bon résumé de la situation actuelle.

Dans ce contexte et face aux tragédies quotidiennes, il convient de se demander quelles sont les caractéristiques de ces personnes capables de causer tant de douleur et de donner ensuite de fausses versions de ce qui s’est passé.

À cet égard, l’Espagnol Vicente Garrido Genovés souligne que la personnalité du psychopathe est l’absence de culpabilité, et il ajoute qu’"il est entendu que cette absence de remords ou de sentiment de culpabilité est ancrée dans une grande incapacité à ressentir les émotions sociales humaines fondamentales, celles qui nous permettent de construire une vie engagée dans les rêves et les chagrins de notre famille, de nos amis ou d’autres personnes de notre société. La tragédie du psychopathe est que sans émotions réelles d’amour, d’épanouissement ou de bonheur, d’empathie (se mettre dans le monde effectif d’une autre personne, ressentir ce qu’elle ressent), de tristesse, de honte et de culpabilité, il n’est pas possible de se lier à qui que ce soit de manière pleine et sincère... «  [2].

A son tour, Robert Hare, dans un magnifique ouvrage sur le sujet, propose la définition suivante : « Les psychopathes sont des prédateurs qui charment, manipulent et traversent la vie sans pitié, laissant une trace de cœurs brisés, d’attentes ruinées et de portefeuilles vides ». [Robert Hare (2003), « Without Conscience. El inquietante mundo de los psicópatas que nos rodean », Paidós, Buenos Aires]].

Le récent scandale de l’escroquerie mondiale dirigée par Milei et sa sœur [$LIBRA] s’inscrit clairement dans la lignée du concept de « portefeuilles vides » auquel le remarquable psychologue canadien cité plus haut , fait allusion et qui intègre la description des impitoyables escrocs au pouvoir.

Comme nous l’avons indiqué au début, le gouvernement de Javier Milei est un phénomène criminel complexe. Il présente, d’une part, des traits observés dans les régimes meurtriers du siècle dernier - y compris le régime génocidaire des années 1970 - et, d’autre part, il possède ses propres particularités, inédites et conformes à sa personnalité déréglée. Cependant, les actes criminels commis par lui et ses complices sont parfaitement typés dans notre code pénal. En ce sens, l’obstacle le plus sérieux que l’on puisse mentionner est celui généré par les secteurs les plus réactionnaires du pouvoir judiciaire qui, pour l’instant, couvrent les crimes de Milei et de sa bande.

En ce qui concerne le président et son cabinet, nous sommes confrontés à un phénomène sociopolitique d’une dimension et d’une gravité sans précédent dans le pays. Pour le comprendre, il est indispensable de le mettre en perspective.

Cette vision et cette analyse doivent inclure l’absence de réaction adéquate de la part de l’opposition politique face aux outrages du groupe libertarien au pouvoir. Il s’agit d’un exercice qui se réfère non seulement aux victimes directes, enfants, femmes, malades, personnes âgées, travailleurs ou étudiants, mais aussi aux dirigeants chargés d’agir pour mettre fin à la barbarie résumée dans ces lignes.

Quant à l’intégrité émotionnelle de Javier Milei, sa détérioration psychologique et cognitive est évidente. Toutefois, en l’absence d’un diagnostic spécialisé, il serait hâtif de procéder à une évaluation pathologique. Ce qu’il est possible de faire, en revanche, c’est de constater que les signes et les symptômes qu’il présente depuis le jour de son entrée en fonction confirment que nous avons affaire à un personnage dont la cruauté et le plaisir de nuire mettent en danger l’ensemble de la société, à commencer par les secteurs les plus vulnérables.

De la réaction qui commence à se manifester au sein de la direction de l’opposition et de la société , dépendra la possibiité de mettre fin à tant de douleur et de souffrance le plus rapidement possible.

*Carlos Rozanski pour La Tecl@ Eñe

La Tecl@ Eñe. Buenos Aires, le 18 mars 2025.

*Carlos Rozanski. Ex Juez de Cámara Federal y ex presidente del Tribunal Oral en lo Criminal Federal N.º 1 de La Plata.

Traduit de l’espagnol pour https://www.elcorreo.eu.org/MILEI-U... par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo de la Diaspora. Paris, le 21 mai 2025.

Notes

[1Daniel Feierstein, « Le génocide comme pratique sociale : Du nazisme à l’expérience argentine ».
MētisPresses. Collection Imprescriptible, Genève, 2013)

[2Vicente Garrido Genovés «  Cara a cara con el psicópata  » (2004), Ariel, Barcelona

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