Portada del sitio > Argentina > Economía > Privatizadas > Le Tribunal Arbitral (CIRDI /CIADI) entre annulations et sanctions
Investissements étrangers en Argentine
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L’Argentine en quelques semaines a fait l’objet de décisions à première vue contradictoires du CIRDI ( ou CIADI en espagnol), Tribunal arbitral qui dépend de la Banque mondiale, intervenant sur des litiges avec des investisseurs étrangers. Une question de fond demeure, la souveraineté d’un pays face aux traités bilatéraux .
Le comité d’annulation du CIRDI –Tribunal international d’arbitrage des différends relatifs aux investissements a fait savoir à la Procuration du trésor de la Nation en Argentine sa décision d’annuler définitivement la plainte déposée par les deux entreprises Enron Creditors Recovery Corp et Ponderosa Assets L.P..
Les deux entreprises avaient porté plainte devant le CIrdi en tant qu’actionnaire de Transportadora de Gas del Sur (TGS), alors que le gouvernement argentin avait refusé une augmentation des tarifs en dollars du transport. Le gouvernement argentin avait argué l’ « état de nécessité » - une exception prévue dans le traité bilatéral d’investissement - compte tenu de la loi d’urgence en vigueur et de l ’abandon de la pesification (parité peso-dollar).
Pourtant le CIRDI , en mai 2007, avait malgré tout condamné l’Argentine à payer 106 millions de dollars, au titre d’indemnisation des sociétés en question, pour avoir violer ses obligations de traitement « juste et équitable » envers les entreprises investisseuses et pour le non respect de ses engagements vis-à-vis de l’investissement.
A cette époque le CIRDI avait rejeté alors l’argument d’ « état de nécessité » pourtant prévu dans le droit international (article XI du BIT) et dans le traité bilatéral. C’est pourquoi l’Argentine fit appel de cette décision devant le Comité d’annulation. Celui-ci a rendu son verdict. En l’occurrence, l’annulation de la sentence.
C’est la deuxième annulation définitive de sentence dont bénéficie l’Argentine en moins d’un mois de la part du Comité d’annulation du CIRDI. La première fut celle concernant l’entreprise Sempra Energy,
pour laquelle l’Argentine avait été condamnée à payer 128 millions de dollars.
Selon le Comité d’annulation, le Tribunal arbitral en condamnant l’Argentine sur ces affaires avait dépassé ses prérogatives, ce qui est en soi une cause d’annulation, en ne faisant pas référence aux normes de droit international qui régissent l’ « état de nécessité ». De plus, le Tribunal a omis d’exprimer les motifs de sa décision, ce qui constitue une autre cause d’annulation.
Mais quasi au même moment le Tribunal Arbitral a rendu fin juillet son verdict sur les dossiers de Aguas Argentinas et Aguas Provinciales de Santa Fe, pour lesquels le groupe Suez avec Sociedad General de Aguas de Barcelona S.A. e Interagua Servicios Integrales del Agua S.A. ont traduit l’Argentine devant le CIADI.
Le Tribunal était composé par un président étasunien, un arbitre suisse et un autre vénézuélien. Il s’agissait de concessions qui ont débuté au milieu des années 90, pour la fourniture d’eau potable et l’évacuation d’eaux sales dans la ville de Buenos Aires -l’une des concessions les importantes au monde - et dans celle de Santa Fe.
Ces concessions ont été octroyées dans le cadre du processus de privatisation des entreprises de services publiques qui a dépecé le pays. Sur fonds de crise généralisée en Argentine, des re-négociations ont été demandées, et n’ont pas abouties, et finalement les concessions ont été résiliées en mars 2006 El Correo).
Or, dans sa décision le Tribunal considère que les investissements –et donc les investisseurs n’ont pas eu un « traitement juste et équitable » mais a rejeté l’exposé des plaignants selon lequel ils ont été expropriés directement ou indirectement de leurs investissements. Mais le Tribunal n’a pas retenu contre l’entreprise française qu’elle n’avait pas à son tour respecté ses engagements.
Un des arbitres a à toutefois formulé une opinion divergente quant à la notion de « traitement juste et équitable » c’est à dire l’obligation de satisfaire ou de ne pas frustrer les « légitimes expectatives » des investisseurs, une phrase à confronter au droit international et lourdes de conséquences pour les Etats.
Pour finir le Tribunal n’a pas établi le montant des dommages et intérêts , le reportant à plus tard, Suez réclamant 1200 millions de dollars.
Curieusement, ces deux dossiers ont un fondement juridique qui repose sur le traité bilatéral d’investissement, avec des clauses identiques à celles prises en compte dans les dossiers de Sempra Energy et de Enron, qui eux ont fait l’objet d’une annulation des décisions prises contre l’Argentine, justement par ce que dans ce traité existe des clauses qui protègent l’ « état de nécessité » auquel le pays s’est vu soumis pendant ces années de grande crise.
Le CIRDI ( CIADI en espagnol) semble être un passage obligé ou plutôt un mal nécessaire la vie des affaires. Pourtant il génère des dommages collatéraux, et soulève une vraie question de souveraineté nationale face aux traités bilatéraux. Dans un très intéressant article intitulé « CIADI - ICSID
Retirarse para denunciar a tratados comerciales bilaterales contrarios a las soberanías nacional » , l’avocat international Alejandro Teitelbaum soulève cette question avec acuité: « les Etats en acceptant cette juridiction pour trancher les conflits avec les entreprises privées, renoncent a une prérogative fondamentale de la souveraineté comme la compétence territoriale de leurs tribunaux nationaux ».
Et de poursuivre « les Tribunaux arbitraux manquent d’indépendance, puisque sur les trois arbitres, deux représentent de fait les intérêt de l’entreprise : l’arbitre que nomme l’entreprise et le président du tribunal, qui quand il n’y a pas accord entre les parties, ce qui est quasi toujours le cas, est nommé par le président du conseil d’administration du CIRDI, qui n’est personne d’autre que le président de la Banque Mondiale ». Et cela sans exclusion de nationalité comme le souligne cet avocat international « par exemple dans le cas de Aguas del Tunari (Bechtel) contra la Bolivie, fut nommé Président du Tribunal Arbitral, David D. Caron, citoyen étasunien, c’est dire de la même nationalité que Bechtel ».
Et dans son article Alejandro Teitelbaum de revenir sur l’histoire de la création du CIRDI ou CIADI par la Banque Mondiale …. Et de l’adhésion des pays sud-américains, dont la majorité eut lieu dans les années 90. « En mai de 2007 Bolivie, Nicaragua et Venezuela ont annoncé leur retrait du CIADI, mais seule la Bolivie a fit connaître son retrait au CIADI dans le même mois de mai ». Car il est possible d’en sortir. « Il est nécessaire de préciser que la ratification de l’accord CIADI n’oblige pas les Etats qui en font partie de soumettre au Tribunal arbitral international les différends avec les investisseurs étrangers » précise Alejandro Teitelbaum.
Le fait de soumettre à l’arbitrage les différends entre les Etats et les investisseurs étrangers « fait partie des obligations assumées dans les TPPI - traités de protection et de promotion des investissements étrangers, les traités de libre échange, et d’autres similaires… » poursuit-il.
Et l’avocat international de rappeler que l’Argentine a signé 54 TPPI dans la décennie 90 et que le parlement les a quasiment tous ratifiés : « les TPPI signés par l’Argentine satisfont scrupuleusement les exigences du pouvoir économique transnational » explique t-il. Et de se demander pourquoi depuis 2003 les gouvernements populaires de Néstor et Cristina Kirchner ne se sont pas retirer du CIRDI -CIADI et n’ont pas dénoncé les TPPI ?
Pour conclure Alejandro Teitelbaum présente différentes façons de se libérer de ces traités via l’initiative gouvernementale ou à travers des actions populaires. Encore faut- il qu’existe une volonté politique de le faire. Il a retenu et détaillé huit manières de procéder, dont voici un rapide résumé :
– éviter la reconduction automatique de ces traités ;
– évoquer la prééminence d’une norme juridiquement supérieure ;
– rétablir la compétence territoriale des tribunaux nationaux ;
– contrôler la constitutionnalité des traités ;
– vérifier l’existence de vices de forme ou de procédure d’un traité qui entraînerait sa nullité ;
– évoquer la nullité d’un traité signé par des autorité d’un Etat qui en le faisant ont violé leur mandat , violant par exemple la souveraineté du dit Etat ou les droits fondamentaux de la population ;
– promouvoir des initiatives populaires législatives ou autres contre ces traités ;
– promouvoir des actions en défense collective sur le plan judiciaire.
Autant de pistes à suivre pour se sortir d’une situation qui fait peser une « lourde hypothèque » selon les termes de Alejandro Teitelbaum sur les générations futures.
Sources :
– Télam
– Alejandro Teitelbaum
– Site internet du CIADI
El Correo Paris, 14 août de 2010