Portada del sitio > Imperio y Resistencia > Capitalismo senil > Cessation de paiements des Etats, huit siècles d’histoire financière
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A partir d’un échantillon de 66 pays des cinq continents, qui représentent 90 % du produit national brut mondial, on voit que durant la période 1800-1945, 127 épisodes de cessation de paiements - defaulten anglais-, d’une durée moyenne de 6 ans, ont été enregistrées. Sur la période qui va 1946 à 2006, l’interruption du paiement des dettes s’est produit 169 fois, d’un laps moyen de 3 ans. Cet inventaire qui a aussi porté sur la période 1300 à 1799, quand des pays européens considérés aujourd’hui très riches (l’Allemagne, la France) ont comptabilisé plusieurs événements de cessation de paiement, de même que l’Autriche, l’Espagne et le Portugal. Les États-Unis n’ont pas formellement déclaré de cessation de paiements mais ils ont modifié à deux occasions la parité du dollar avec l’or (1933 et 1971), ce qui est revenu à payer leur dette avec une monnaie dépréciée, ce qui dans les faits s’est traduit par une réduction de capital aux créanciers.
Ce parcours historique fait partie d’une enquête foisonnante de chiffres et d’ indicateurs des économistes Kenneth Rogoff (ex-économiste en chef du FMI) et de Carmen Reinhart (ex-vice-président de la banque d’affaires Bear Stearns) dans « Huit siècles de crises financières. Histoire mondiale des defaults » [ This time is different, eight centuries of financial folly
]. Un livre opportun dans les moments où la crainte de la cessation de paiements de la dette d’économies européennes provoque de fortes oscillations dans les cours des actifs financiers et peut plonger les puissances dans une nouvelle récession. La perspective historique offre une analyse plus sereine dans un scénario d’incertitude et démolit les affirmations légères sur ce qu’est une cessation de paiements, en particulier avec l’expérience argentine si voisine.
Rogoff remarque que « les investisseurs, comme les fonctionnaires et les leaders politiques, généralement ignorent les nombreuses expériences historiques de crises financières. Et les rares qui ont une notion minimale de ce qui est arrivé à d’autres époques disent très souvent : ‘ cette fois est différente...’ ». Reinhart et Rogoff ont étufié la cessation de paiements des dettes extérieures de 66 pays: 13 africains, 18 Latinoaméricains, 12 asiatiques, 19 Européens, en plus de l’Amérique du Nord et de l’Océanie. Dans l’une de leurs conclusions ils affirment que « la cessation de paiements en série continue d’être la norme » au long de l’histoire, soulignant qu’entre 2003 et 2007 il n’y a pas eu ces épisodes mais que ce n’est pas un motif de se réjouir parce que ce fut « un répit typique, une trêve typique, après une longue crise », et que depuis une nouvelle vague a débuté.
Dans cette enquête on observe comme facteur distinctif que la cessation de paiements parcoure toute l’histoire du capitalisme. Elles sont survenues à différentes étapes, depuis la formation des États nationaux, le mercantilisme, le capitalisme moderne jusqu’à la mondialisation financière. L’une des caractéristiques qui ressort est que « le phénomène de la cessation de paiements était plutôt un rite de passage universel pour presque tous les pays tandis qui transitent de la condition d’émergent à celle d’États développés ». Ils citent comme exemple la France, qui s’est déclarée en cessation des paiements de sa dette extérieure 8 fois entre 1558 et 1788, tandis que l’Espagne l’a fait 6 fois entre 1557 et 1647. A cette époque la cessation de paiements était si usuelle que les rois français exécutaient leurs créanciers (bloodletting) comme stratégie pour « restructurer les dettes ». Le ministre des Finances français, l’abbé Joseph Marie Terray, entre 1768-1774 estimait que les gouvernements devraient se déclarer en cessation de paiements une fois tous les cent ans, à fin de restaurer l’équilibre. Avec ces précédents, ils affirment qu’il « ne serait pas juste de qualifier aucun des marchés émergents d’aujourd’hui du titre de mauvais payeurs en série ».
Depuis 1800 les données sont plus complètes, ce qui leur a permis de regrouper les épisodes de cessation de paiement en cinq cycles :
– Le premier est pendant les Guerres Napoléoniennes, la période qui fut très important étant donné que seulement au pire moment de la crise de la dette de 1980 on s’approche des niveaux de cessation de paiements du début 1800.
– Le deuxième va de 1820 jusqu’à la fin de 1840, quand près de la moitié de tous les pays du monde étaient en cessation de paiements, y compris tous ceux d’Amérique Latine.
– Le troisième chapitre a démarré au début de la décennie de 1870 et a duré à peu près deux décennies.
– Le quatrième a commencé avec la Grande Dépression des années 30 du siècle passé et s’est étendu jusqu’aux début des années 50. Dans ces années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale le plus grand pique s’est produit dans l’histoire moderne, quand les pays qui ne payaient pas ou restructuraient leurs dettes ont représenté 40% du Produit mondial. Cela s’explique par la guerre mais aussi par le reliquat de la crise économique des années 30.
– L’étape la plus récente fut entre les années 80 et 90 dans les pays en développement, avec le cas argentin comme le plus remarquable.
Bien que c’est le non-remboursement de dette le plus récent et fracassant par sa grandeur, dans l’étude de Rogoff et Reinhart on voit que l’Argentine ne se trouve pas au top des pays qui se sont déclarés en cessation de paiements de la région. Depuis son indépendance jusqu’ en 2006, l’Argentine s’est déclarée en cessation de paiements 7 fois ; le Brésil l’a fait à 9 reprises ; le Mexique dans 8 ; et la Venezuela dans 10. On précise aussi que l’Équateur, le Mexique, le Pérou, la Venezuela et le Nicaragua ont été en cessation de paiements ou en restructurations de leurs dettes plus de 40 % des années écoulées depuis qu’ils ont obtenu l’indépendance. L’Argentine, 32 %. En Europe, en Espagne a déclaré une cessation de paiements 13 fois, record ; l’Allemagne et la France l’ont fait 8 fois chacun. La Grèce, 5 dès 1829, mais plus de 50 % des années fut en cessation de paiement ou en restructuration.
Peu de pays ne se sont pas déclarés en cessation de paiements formellement : Les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Belgique, la Suède, la Norvège, le Danemark, la Finlande, la Corée du Sud, Singapour. En tout cas, certains d’entre eux se sont déclarés en cessation de paiements de fait, comme les États-Unis. Ils l’ont fait quand ils ont baissé la parité or de la monnaie en 1933 ou quand ils ont suspendu la convertibilité au XIXe siècle pendant la Guerre civile et ensuite encore une fois et définitivement en août 1971.
L’un des enseignements le plus marquant que Rogoff et Reinhart extraient de leur enquête monumentale est « la corrélation impressionnante entre la liberté de mouvement du capital et la survenue de crises bancaires ». « Les cessations de paiements sont hautement sensibles aux va-et-vient des flux de capitaux », indiquent -ils, ce qui revalorise une stratégie de désendettement et une marginalisation du marché financier international, conduite qui va à contre sens de l’évolution historique des pays dans un contexte d’abondance de capitaux qui induit un surendettement. Ce processus a débouché sur une crise à cause d’un choc externe (hausse du taux d’intérêt, baisse des matières premières ou u crise de dette dans les puissances) et il met en évidence la vulnérabilité de ces économies.
Dans ce travail apparaît un complément précieux en l’analyse de l’économiste de formation marxiste Rolando Astarita, qui explique dans son blog que « les déclarations de cessation de paiements ont permis de rétablir le cours de l’accumulation au long de pratiquement toute l’histoire du capitalisme ». Il ajoute que celle-ci « est marquée par des périodes d’intense accumulation qui portent au sur développement, poussée par la croissance du crédit et l’augmentation des flux de capitaux ». Les crises bancaires découlent du fait que les phases haussières sont suivies par des crises de surproduction, avec de violentes baisses des prix et des valeurs. « L’accumulation de dettes de la part des gouvernements, et sa violente liquidation postérieure, n’est pas étrangère à cette dynamique », signale-t-il, puisque « la cessation de paiements des dettes extérieures des gouvernements font partie des dévalorisations de capitaux, qui accompagnent toute crise ». Le rejet des dettes ou leur paiement avec une monnaie dépréciée sont les voies au travers desquelles ces dévalorisations sont réalisées. C’est pourquoi aussi, d’une certaine façon, on s’accorde sur le fait que la sortie unique pour rétablir l’accumulation du capital passe par la cessation de paiements et la refonte des dettes. Ce fut ainsi en Argentine en 2001 et c’est ce qui transparait aujourd’hui pour la Grèce.
Comme le disent Rogoff et Reinhart dans le dernier paragraphe de leur enquête, penser que la Grèce ou d’autre pays européen « ne se déclareront plus jamais en cessation de paiements parce que ‘cette fois est différente’ du fait que ‘cette fois est au milieu l’Union Européenne’ pourrait se révéler à tout moment, pas nécessairement à long terme, comme une inférence peu heureuse. Comme tant d’autres de l’histoire financière mondiale ».
Página 12 . Le Buenos Aires, le octobre 2011.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
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El Correo. Paris, 9 octobre 2011.