recherche

Accueil > Empire et Résistance > Bataille pour l’information > « Silences suspects » dans la campagne électorale des États-Unis

30 octobre 2012

« Silences suspects » dans la campagne électorale des États-Unis

par David Brooks*

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Au milieu d’une incessante propagande électorale dans les médias et les réseaux sociaux, débats présidentiels, réunions de campagne, « experts » qui racontent ce qui leur vient à l’esprit, commentateurs qui commentent ce que tout le monde voit, soit le bruit infernal fait par les stratèges et professionnels de l’industrie des relations publiques pour « fabriquent » une crainte, une anxiété, un espoir ou ce qu’ils croient qui fonctionne le mieux pour générer des votes en faveur de leurs patrons politiques, ce se détache le plus n’est pas le torrent de mots et d’images, mais ce qui n’est pas dit et ce qui se cache dans ce grand exercice « démocratique » aux États-Unis (pas si différent de celui d’autres pays).

Par exemple, tandis que j’écris cette colonne, on annonce des évacuations, des états d’urgence dans plusieurs plusieurs Etats de la côte Est, le déploiement de la Garde Nationale et plus t la menace d’un ouragan. Ici dans l’état de New York, le gouverneur Andrew Cuomo a annoncé l’état d’urgence et que la Garde nationale est déjà en état d’alerte, bien qu’il ait ajouté : « il n’y a pas de raison de paniquer ». Dans le Connecticut, l’état limitrophe, le gouverneur Daniel Malloy a aussi déclaré l’état d’urgence et a remarqué : « tout le monde est en danger ». Les médias s’excitent avec une possible catastrophe due à la combinaison de l’ouragan Sandy , d’ un front polaire et d’un type de front humide, dans ce qu’ils nomment un « ouragan hybride » assez rare qui pourrait engendrer des dommages graves à cause des vents, pluies et inondations. Un média l’a nommé Frankenstorm (orage Frankenstein). De fait, si on se laisse influencer par tout ce qui pourrait arriver, il est possible que ce soit la dernière rubrique d’American Curios.

On verra, mais ceci est encore seulement une chose de plus dans une année qui a souffert d’une sécheresse sans précédent depuis des décennies, qui affecte presque la moitié du pays en été, des ouragans dévastateur et d’autres phénomènes qui accompagnent les nouvelles de la fonte accélérée des pôles et des glaciers, de l’élévation des niveaux de la mer qui menacent les côtes et les îles, et des scientifiques qui informent à travers de nombreuses enquêtes des catastrophes à venir à cause du changement climatique.

Mais malgré tout cela, et les coûts humains et matériels de cette crise ambiante, le sujet a été absolument absent dans les grands débats entre les candidats présidentiels. Un seul mot. Cela n’existe pas. C’est comme si les capitaines du Titanic continuaient à danser tandis que leur navire coule.

Un autre sujet presque pas mentionné (une seule fois dans les débats entre les candidats présidentiels, et cela parce que l’animateur l’a demandé) est la nouvelle guerre télécommandée à distance qui se réalise dans plusieurs pays, comme le Pakistan, l’Afghanistan, le Yémen, la Somalie et, d’autres façons, moins létale, dans la zone frontalière avec le Mexique.

C’est la guerre presque secrète, réalisée depuis des bases presque clandestines, ainsi que dans les salles de contrôle situées à des milliers de kilomètres des champs de bataille (parfois dans des banlieues étasuniennes) d’où partent les centaines de vols d’avions sans équipage, des drones qui cherchent et détruisent « des objectifs ». Officiellement des chefs « terroristes ». Il y a une « liste de la mort » que le président lui-même révise et envoie les ordres pour son exécution. Ce qui n’est pas du tout dit, c’ est que lors d’ à peu près 300 attaques de drones , sont morts entre 500 et 800 civils y compris 176 enfants, selon des rapports cités par Amnesty International. Pas un seul mot sur cet aspect de la guerre, ni sur les conséquences sur les populations des pays envahis par les États-Unis, n’ a été prononcé lors du grand débat politique électoral entre les candidats, ni par les médias qui les couvrent.

L’autre sujet pas commenté par les candidats ou les commentateurs est un facteur dont plusieurs observateurs font semblants qu’il n’existe pas, mais qui est omniprésent : le racisme. Avec l’élection du premier président Afro-Etasunien, plusieurs personnes – y compris le président – ont proclamé l’aube d’une société « post raciale ». Mais quand tous se demandent pourquoi les tendances électorales donnent le coude à coude, presque personne ne dit que peut-être c’est en partie la manifestation de quelque chose très simple : l’homme qui occupe la Maison Blanche (certes, un édifice construit avec de la main-d’œuvre d’esclaves noirs) est un Afro-étasunien (bien qu’il ne le soit que par le côté de son père, puisque sa mère est une étasunienne blanche).

Un sondage de l’agence AP diffusé ce week-end donnent des détails brutaux : la majorité des étatsuniens ont des préjugés raciaux. Selon le sondage, 51 % exprime « des attitudes anti-noires explicites », comparé à 48 % en 2008. Quand on procède à un examen des attitudes « implicites », ce niveau s’élève à 56 %. Les attitudes anti-latinos sont aussi partagées par la majorité des étatsuniennes : un sondage d’AP en 2011 a montré que 52 % des gens exprimait un préjugé racial anti-latino. AP croit que Barack Obama pourrait perdre jusqu’à 5 points du vote populaire à cause de ce facteur. L’enquête a trouvé que 79 % des républicains et 32 % de démocrates expriment un préjugé racial, mais à l’examen des attitudes implicites il n’y avait pas de grande différence avec 64 % de républicains et 55 % de démocrates, et plus ou moins la moitié des non militants ont exprimé un certain degré de racisme.

Encore une fois, pas un seul mot sur la race, la discrimination raciale et le préjugé dans les débats entre les candidats présidentiels.

La liste des sujets clé non mentionnés par ceux qui bataillent pour être le chef de la dernière superpuissance est longue, elle inclut le danger nucléaire, la guerre contre la drogue, la relation avec l’Amérique Latine, entre autres. Noam Chomsky a récemment commenté que quand il essayait de choisir entre deux sujets pour un exposé, il a du se demander : « quels sont les sujets les plus importants auxquels nous faisons face ? » et : « quels sont les sujets qui ne sont pas traités de manière sérieuse ou d’aucune façon dans la frénésie quadri annuelle qui survient maintenant et que nous appelons élection ?  ». Et voilà qu’il a terminé : « je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de problème ; ce n’était pas une décision difficile : c’est le même sujet ».

 David Brooks pour La Jornada du Mexique

La Jornada. Mexique, le 29 octobre 2012.

 David Brooks est un journaliste usaméricain et correspondant aux USA pour le quotidien mexicain La Jornada

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 30 octobre 2012.

Contrat Creative Commons
Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported
.

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site