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28 juillet 2025

Los Milei & Co : « L’ARCHITECTURE DU CHAOS »

par Claudio Altamirano*

 

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Un nouveau modèle de domination déguise l’effondrement en liberté et esthétise la cruauté numérique en mérite. L’État ne disparaît pas : il se transforme en instrument de programmation de l’inégalité. Milei n’improvise pas : il exécute un scénario global.

Août 2012, Leicester. Sous un parking marqué d’un « R » repose le corps enterré de Richard III, roi et tyran. Un lieu profane pour un roi. Cette image, celle d’un pouvoir réel caché dans le quotidien et l’apparemment banal, est la porte d’entrée pour comprendre l’histoire que Calixto Bieito propose dans la pièce «  La verdadera historia de Ricardo III  ». Il ne s’agit pas seulement d’une tragédie politique, mais d’une dissection du mal comme partie inséparable de l’ADN humain, de cette double nature où le mal et le bien coexistent dans une tension perpétuelle.

Comme Ricardo, difforme et machiavélique, tyrannique et sanguinaire, Milei n’est pas un fou isolé, mais la manifestation lucide d’un leadership qui manipule, séduit, fascine et terrifie. Son mal n’est pas irrationnel, il est planifié et incarné. La violence la plus profonde n’est pas criée, elle est exercée avec une efficacité dramatique. Ainsi, Milei ne gouverne pas dans le chaos : il gouverne avec le chaos.

L’architecture du chaos n’est pas une improvisation : c’est une conception. La dictature civilo-militaire n’était pas un excès, mais une stratégie. Aujourd’hui, l’offensive globale combine suprémacisme idéologique, capital financier, plateformes numériques et subordination géopolitique pour dissoudre l’État, fragmenter le lien social et coloniser le sens commun. La logique du choc persiste : déstabiliser pour reprogrammer.

Milei, avec sa brutalité grandiloquente, est un dispositif qui relie l’algorithme à la domination. Il n’est pas le pouvoir, il en est le porte-parole. Il interrompt, distrait, polarise. Mais ce n’est pas lui qui est substantiel : c’est le symptôme. Comme dans la pièce, où Ricardo brise le quatrième mur et rend le public complice, le mal a aujourd’hui besoin de regards qui le légitiment. La société participe activement au dispositif : les mèmes qui ridiculisent, les trolls qui propagent la haine, les utilisateurs qui naturalisent la cruauté. La violence est externalisée, privatisée et esthétisée. L’État promeut la haine, mais l’externalise.

Il ne censure plus : il inonde. La vérité n’est pas niée, elle est diluée. Le chaos anesthésie. Le langage est vidé. Tout est crié. Tout brûle. Comme dans le montage de Bieito, où les ossements du passé sont projetés sur des paysages de rêves violents, notre présent est un collage grotesque et tragique : fictions numériques, discours viraux, simulacres démocratiques.

Derrière la théâtralité, il y a un scénario. Le pouvoir ne cherche pas à organiser, il cherche à saturer. Il ne convainc pas, il démoralise. La démocratie devient insatisfaction, la politique devient spectacle, la communauté devient menace. Il n’y a pas de promesse, seulement du cynisme.

Dans cette phase du capitalisme - plus numérique, concentrée et impunie - la domination n’utilise plus de chars d’assaut. Elle utilise des applications, des données, des influenceurs. Elle combat l’État tout en le capturant. Elle parle de liberté tout en harcelant les enseignants, les artistes, les scientifiques. On glorifie l’évadé et on punit le pauvre. Le mérite est un dogme, l’autre est un obstacle.

Le parquet de Paris enquête sur X pour manipulation algorithmique des processus démocratiques. Ici, cette manipulation est célébrée. Les porte-paroles libertaires numériques appellent aux « milices populaires » et au « dynamitage du Congrès », tandis que l’État détourne le regard. Ce qui est sanctionné dans d’autres pays est institutionnalisé ici.

Le chaos est fonctionnel. Il n’y a pas d’erreur : il y a de l’ordre. Il n’y a pas d’anomalie : il y a un système. Comme Richard III, le leadership ne nie pas sa monstruosité : il la transforme en spectacle. Le tyran ne se cache pas : il est influent.

Mais le problème n’est plus seulement le tyran. C’est la société qui applaudit, partage et s’habitue. Comme au théâtre, la distance entre la scène et le public se dilue. Ce qui est représenté est vécu. Le mal n’est pas à l’extérieur : il nous interpelle.

Car l’enfer est vide. Tous nos démons sont ici. Dans ce miroir, nous nous reflétons nous-mêmes. Il n’y a pas d’échappatoire ou d’autre coupable : la responsabilité est collective.

Face à cette architecture du chaos, il ne suffit pas de résister. Il est urgent de recomposer le sens, de retrouver le langage, de reconstruire le lien. Il nous reste ce que nous avons toujours eu : la politique comme création collective, l’État comme garant du commun, la parole comme antidote à la haine. Et l’amour - celui qui ne cède pas sur les réseaux - comme hérésie face à l’algorithme, comme bouclier contre la haine, comme langue des communs.

Claudio Altamirano* para La Tecl@ Eñe

La Tecl@ Eñe. Buenos Aires, 15 de julio de 2025.

*Claudio Altamirano. Néstor Claudio Altamirano est un éducateur, écrivain et réalisateur de documentaires argentin. Il a obtenu un diplôme d’enseignant du primaire, spécialisé dans les élèves souffrant de handicaps intellectuels, auditifs, vocaux et linguistiques. Coordinateur de : «  Educación y memoria  »

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