« Les glaciers, n’y touchez pas ». Une grande manifestation est organisée aujourd’hui à Buenos Aires à 19 heures pour la défense des glaciers : « Los glaciares no se tocan », derrière ce mot d’ordre de l’ONG Conciencia Solidaria et à l’appel de nombreuses associations, la défense du texte de loi adopté par la Chambre des députés face à celui soutenu par le Sénat, plus permissif avec les groupes d’exploitation minière.
Alors que la préservation de l’environnement, en particulier de zones contenant des réserves d’eau douce qu’il faut absolument protéger de dommages irréversibles, est devenu est sujet d’attention internationale, l’Argentine est en proie depuis deux ans à un débat de fond à propos d’une loi sur la préservation des glaciers.
La chambre des députés a adopté le 11 août dernier la « Ley de Presupuestos Mínimos para la Preservación de los Glaciares y del Ambiente Periglacial », loi sur la protection des glaciers et leur environnement. Aujourd’hui de nombreuses associations et organisations appellent à défendre ce texte, alors même qu’autre texte est présenté au Sénat, nettement plus favorables aux grands groupes d’exploitation minière.
Pour les organisations qui appellent à la mobilisation « Los Glaciares no se tocan » [1], le projet de loi voté par la Chambre des députés contient les éléments nécessaires pour établir une protection efficace des zones glacières et périglacières, avec un système de surveillance et de contrôle de celles-ci.
Il est donc vital que le Sénat argentin approuve le texte voté par les députés, afin d’octroyer non seulement la protection nécessaire pour ces ressources vitales mais aussi de mettre en place une planification stratégique pour une zone sensible sur le plan environnemental comme l’est la cordillère des Andes.
Dix raisons pour appuyer la loi de protection des glaciers :
Un argumentaire en dix points a été établi par un groupe de professeurs et d’ONG [2] face aux arguments erronés que différents gouverneurs et entreprises minières sont entrain de défendre devant le Sénat.
Le texte approuvé à la Chambre des députés est une avancée importante pour la sauvegarde des ressources hydriques et la défense de l’écosystème de la Cordillère des Andes, et de la « fabrique d’eau » , il interdit comme s’est indiqué dans l’article 6, différentes activités et pas seulement minières, sur une très petite proportion du territoire argentin.
Dans son article 2, ce texte stipule qu’en plus des glaciers la loi inclut la zone de l’environnement périglacier : la loi protège seulement 1% du territoire argentin. N’y est pas inclus une grande partie du territoire national ou des provinces de la Cordillère comme prétendent le faire croire certains rapports défendus par gouverneurs pro-miniers ou des publications soutenues par des entreprises minières. Néanmoins il est vrai que loi limite la réalisation du train transandin à Mendoza ou du tunnel d’Agua Negra à San Juan. Et la seule transnationale Barrick Gold Corporation, numéro un mondiale du secteur, voit deux de ses mines menacées : Veladero et Pascua Lama.
Non moins important le fait que la loi de protection des glaciers votée a l’Assemblée vise à protéger les bassins hydriques, qui présentent une unité écologique et fonctionnelle de caractère interprovincial, et ne peuvent relever de la seule juridiction provinciale. Les eaux naissent dans une province traversent son territoire et continuent leur cours à travers une ou deux provinces….
En parlant de bassins interprovinciaux, il revient donc à l’Etat fédéral d’être garant de l’unité des bassins. L’objectif est ainsi avoir le meilleur instrument pour un usage efficient et durable de cette ressource, en garantissant la solidarité entre les provinces en fonction d ‘un concept de territoire national. Ce qui veut dire que les provinces ne peuvent disposer exclusivement et de façon discrétionnaire des ressources hydriques.
Dans son article 7, ce texte inclut l’évaluation environnementale stratégique (ce que le texte du Sénat ne prévoit pas) dans les zones protégées. Ce type d’évaluation comprend l’analyse des relations et des effets des différents projets entre eux.
Les gouverneurs pro-miniers ont en ligne de mire l’article 15, qui exige que là où existent des activités interdites par l’article 6, soit établi un inventaire des glaciers dans un délai de 180 jours. Si l’impact sur l’environnement de ces activités est avéré, elles devront cesser ou être transférées.
Pour la Chambre des députés ce délai court dès la mise en œuvre de la loi. Pour le texte du Sénat, il faut faire au préalable l’inventaire des zones concernées sur toute la province. Une façon de légitimer les projets en cours qui affectent les glaciers comme les projets de la Barrick Gold de Pascua-Lama.
L’article 17 de la loi voté par les députés introduit le principe de précaution en matière d’environnement (établi par la déclaration de Rio), qui rejoint l’article 4º de la Ley General del Ambiente (Nº 25.675), en cas d’absence d’informations, il y a obligation d’agir de façon préventive quand il y a un danger un dommage irréversible ou grave. Tant que l’inventaire n’est pas établi, il est donc impossible d’autoriser de nouvelles activités d’extraction.
Les provinces dites minières ont beau jeu de mettre en avant leurs prérogatives sur leurs ressources face à l’Etat fédéral, allant chercher des graines d’inconstitutionnalité, bien que la distinction de compétences entre la Nation - provinces existe clairement dans les textes.
Anticipant un revers au congrès national , ces provinces minières ont voté en urgence des lois provinciales de « protection » des glaciers, qui laissent les portes grandes ouvertes à l’exploitation minière dans des zones protégées par la loi nationale soutenue par la Chambre des députés , prétendant convertir ces loi provinciales en un obstacle juridique pour l’application de la loi nationale de protection des glaciers. Ce qui ne semble pas tenir puisque les lois provinciales ne pourraient s’appliquer qu’au delà loi nationale si seulement elles étaient encore plus protectrices et non moins comme certaines provinces souhaitent le faire.
Sans compter que le texte voté à l’Assemblée Nationale est le produit d’un consensus très large et a reçu le soutien de nombreuses associations socio-environnementales, universitaires, experts… d’Argentine . Reste que les groupes miniers font une énorme pression sur le Sénat, pression à la hauteur de leurs enjeux financiers.
El Correo. Paris, 27 septembre 2010
Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported.
[2] Mirta Antonelli (Universidad Nacional de Córdoba) ,Pablo Bergel (Instituto Nacional de Tecnología Industrial-INTI) ,Norma Giarracca (Universidad de Buenos Aires) , Marcelo Giraud (Universidad Nacional de Cuyo) , Horacio Machado Aráoz (Universidad Nacional de Catamarca) , Maristella Svampa (CONICET-Universidad Nacional de La Plata) , Miguel Teubal (Universidad de Buenos Aires) , Enrique Viale (Asociación Argentina de Abogados Ambientalistas)