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Une synthèse de l’analyse théorique nouvelle sur la macroéconomie du développement, avec comme accent principal, d’un côté, l’économie politique de la mondialisation et les stratégies nationales de développement, et, de l’autre, le rôle que le taux de change (et sa tendance à l’appréciation dans les pays en développement) joue dans le développement économique. Les deux facteurs principaux qui provoquent cette tendance sont la « Maladie hollandaise * » et la politique de croissance avec économie externe.
« Mondialisation et Compétition » discute le problème du développement des pays à revenu moyen dans le contexte des mondialisations commerciale et financière - la première considérée comme une opportunité, la seconde comme une malédiction. L’objectif est de savoir pourquoi certains pays émergents réussissent alors que d’autres non.
L’argument est présenté en deux parties.
Dans la première, je développe six propositions d’économie politique :
1. le capitalisme mondial est caractérisé par une forte compétition, non seulement entre les entreprises mais aussi entre les pays ou États-nations
2. cette compétition rend les États-nations plus interdépendants et relativement moins autonomes, mais leurs gouvernements jouent un rôle plus stratégique
3. les pays qui réussissent dans cette compétition sont ceux qui consolident leur nation et adoptent une stratégie nationale de développement
4. après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs pays en développement ont adopté une stratégie nationale de développement, qui a permis de promouvoir leur industrialisation et les a transformés en pays à revenu moyen
5. une crise majeure de la dette externe, dans les années1980, et l’épuisement des anciennes stratégies nationales, d’une part, combinée, avec l’hégémonie idéologique néolibérale, dans les années 1990, d’autre part, a conduit les pays en développement à se conformer à l’orthodoxie conventionnelle (ou « Consensus de Washington »), causant des crises de la balance de paiement et accroissant les inégalités au lieu de promouvoir la croissance
6. Après les crises financières des années 1990 et au vu des fructueuses stratégies de croissance de divers pays asiatiques, une nouvelle stratégie se dessine : le nouveau développementisme - que je compare, ici, avec l’ancien développementisme et avec l’orthodoxie conventionnelle.
Dans la seconde partie du livre, je développe sept propositions macroéconomiques de développement, centrées sur le taux de change :
1. le nouveau développementisme est une stratégie de développement macroéconomique qui situe les plus grands obstacles au développement du coté de la demande. Il propose, en relation avec le marché interne, une politique salariale liant l’augmentation des salaires avec la productivité, et, en relation avec les marchés externes, un taux d’échange compétitif (et non pas surévalué)
2. un taux de change compétitif est un taux de change viable du point de vue économique des industries de biens échangeables internationalement utilisant la meilleure technologie disponible
3. dans les pays en développement il y a une tendance structurelle à la surévaluation du taux de change. Si celui-ci n’est pas neutralisé, il devient un obstacle majeur à la diversification et à la croissance de l’économie nationale
4. les deux causes structurales à cette tendance (la « maladie hollandaise » et le fait que des taux de profit et d’intérêts plus hauts attirent les capitaux étrangers) sont aggravées par des politiques économiques erronées : la politique de croissance reposant sur de l’épargne externe (déficits en comptes courants), la politique d’ « approfondissement » du capital, l’utilisation d’une ancre de taux de change pour arrêter l’inflation, l’appel à des capitaux externes pour surmonter les « deux écarts » de la croissance, et le populisme du taux de change. Les premières doivent être neutralisées, les dernières rejetées si le pays veut réaliser son rattrapage
5. la « maladie hollandaise » est une faillite de marché majeure par laquelle le taux de change d’équilibre courant est plus apprécié que le taux de change d’équilibre industriel - (le taux de change qui rend viables les industries de biens échangeables utilisant technologie dans l’état de l’art c’est un obstacle fondamental à la diversification et au développement - tout au moins après sa phase initiale
6. à l’inverse d’une croyance très répandue, la politique de croissance avec une épargne externe combinée à une ouverture financière ne favorise pas la croissance mais provoque des crises financiers et gonfle artificiellement les salaires et la consommation - ou, en d’autres termes, produit un haut taux de substitution de l’épargne interne par l’épargne externe
7. dans les pays en développement, les crises financières sont normalement des crises de la balance de paiements, déclenchées par la suspension du « roulage » de la dette externe par les créanciers étrangers c’est là une conséquence non pas des déficits fiscaux mais plutôt de la politique de croissance avec épargne externe.
Luiz Carlos Bresser-Pereira
Mondialisation et Compétition
Paris : La Découverte, 2009
* La maladie hollandaise ou mal hollandais, ou malaise hollandais, ou syndrome hollandais).