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7 mars 2004

L’Argentine tourne en rond avec el FMI.
La nature de la dette n’est toujours pas remise en cause

par Horacio Verbitsky *

 

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Déjà en août 2002 l’analyse de la situation de l’Argentine face monde financier institutionnel était faite. Aujourd’hui 19 mois plus tard ils en sont toujours au "jeux" d’ecritures. En tournée en Argentine pour présenter son livre la « Grande désillusion », Joseph Stiglitz a répondu aux questions de Horacio Verbitsky. En voici quelques extraits. (lire la version intégrale sur El Correo en Version originale). Il explique les limites d’un accord prochain avec le FMI.

Stiglitz et la sortie de la crise

La dette publique argentine s’élève à quelque 150 000 millions de dollars, et les dépôts et investissements argentins à l’étranger s’élèvent à 130 000 millions de dollars. Est-ce que cette fuite des capitaux aurait été possible sans la complicité du FMI et des pays récipiendaires de ces fonds ?
 Il y a deux aspects dans cette question. D’un coté, le FMI et le Trésor des Etats-Unis ont fait pression sur l’Argentine et d’autres pays pour qu’il y ait ce qu’ils appellent une libéralisation du marché des capitaux, de façon à ce que l’argent sorte plus facilement du pays. S’il est admis que la règle du jeu est cette facilité pour sortir les capitaux, et si le système économique ne peut fonctionner -parce que le régime des changes à taux fixe n’a jamais fonctionné dans aucun pays au monde- ce qu’il convient de faire , c’est sortir l’argent et le placer dans un endroit plus sûr. Le deuxième point, c’est que les différents sauvetages ont permis de soutenir pendant beaucoup de temps la surévaluation du change. Les gens qui n’ont pas pu sortir leur argent au départ, ont eu une deuxième puis troisième opportunité de le faire ensuite. (…)

Quelle est la part de la crise qui incombe au FMI, et celle qui incombe aux gouvernements argentins ?
 La responsabilité fut partagée. Chaque gouvernement est responsable de suivre ou non le FMI. On ne peut absoudre le gouvernement de sa responsabilité. Il faut se demander quelles sont politiques qui ont été la cause fondamentale du problème. Par exemple, la surévaluation du peso et les taux de change fixes, avec une parité peso - dollar (qui lui même était surévalué) faisaient que le système ne pouvait fonctionner. Il y aurait eu la crise même s’il n’ y avait eu aucune corruption au sein du gouvernement. La corruption n’a fait que précipiter et empirer la crise.
Le problème de fond est lié au régime de convertibilité dollar - peso. Les autres politiques du FMI ont aggravé la situation : l’imposition de politiques fiscales restrictives en pleine récession, des privatisations mal faites, ont fait que l’Argentine -qui était peu compétitive de par son taux de change- s’est retrouvé avec des prix élevés pour son électricité et ses services publiques.(….)
L’idée était l’équilibre, alors que ces privatisations ont provoqué un déficit de 3%. Ensuite le FMI a fait pression pour qu’il y ait un ajustement. De même que l’Argentine a fait avec ses privatisations ce qui paraissait « correct » pour le FMI, ce dernier l’a puni en la forçant à prendre des décisions encore plus restrictives.

(…….)

Le 9 septembre un accord doit être trouvé avec l’Argentine, le FMI, la Banque Mondiale… à propos de quasiment 3.000 millions de dollars. Qu’arrivera t-il si l’Argentine ne paye pas ?
 Le défaut de paiement ne plait pas à personne. C’est néfaste. Mais il faut comprendre que l’Argentine ne va pas recevoir des capitaux de l’extérieur. Ceci est valable pour tous les pays qui se trouvent dans la même situation que l’Argentine. Les négociations ne portent pas sur l’obtention d’argent pour l’Argentine de la part de ces institutions mais il s’agit seulement de discuter de combien d’argent l’Argentine va t-elle envoyer à Washington. Quand on a compris cela, on saisit que l’Argentine est ou devrait être en position de force pour négocier. Les dommages de cette conjoncture pour les comptes de cette institution financière, si elle ne renégocie pas et prêt à nouveau, seront plus graves pour elle que pour l’Argentine, qui de toutes façons ne va pas obtenir davantage d’argent.
La mise en route de l’économie argentine va dépendre de ce qu’il va se passer ici et non de l’argent qui va simplement de Washington à Washington. Dans le cas du défaut russe, les russes l’ont bien compris et l’ont dit au FMI : « Vous ne nous prêtez pas de l’argent que pour que nous puissions vous payer, très bien. Nous acceptons. Mais que cela soit clair nous n’allons pas tuer notre économie juste pour que vous puissiez nous prêter de l’argent pour que nous puissions vous le rendre ». L’intéressant dans cette situation c’est comment le FMI s’est avéré être plus ouvert dans la charade.
Le FMI a dit « pas un centimes de notre argent ira à Moscou, l’argent restera à Washington ». C’était très clair que cet argent n’était pas pour aider la Russie, mais pour que le défaut n’apparaisse pas dans les comptes du FMI.

L’Argentine est elle en condition de faire comme la Russie ?
 La Russie était dans une position distincte, elle avait un potentiel nucléaire, et était consciente de cela et s’en est servi. Mais ce qu’il est important de comprendre, c’est que tout le débat se situe autour de « combien d’argent l’Argentine est disposée à envoyer à Washington. Quand on a compris cela, toute la rhétorique sur comment avoir un accès aux marchés de capitaux est fausse. Les capitaux ne retourneront pas à l’Argentine tant que l’économie argentine ne démarre pas, et elle ne pourra s’en sortir que par ses propres moyens. Elle pourra obtenir de l’aide d’autres pays latino-américains, de l’Espagne, de l’Europe mais pas du FMI.

La longue récession argentine peut-elle avoir un impact négatif global ? Et dans ce cas serait-il possible que le pays obtienne quelque avantage de cette contagion ?
 Le principal effet à l’extérieur qu’a eu la crise argentine s’est traduit dans la façon de penser de l’Amérique latine et d’autres pays. C’est la reconnaissance que l’Argentine a été le meilleur élève du FMI, celui qui a tout fait bien, et malgré tout les réformes n’ont pas fonctionné. De plus, quand les choses marchaient le FMI était plein d’éloge à l’égard de l’Argentine, quand cela a commencé à aller mal, ils ont fait demi tour, devenant très critiques. Ce qu’ils ne veulent pas dire c’est « nous avons mal organisé les privatisations, nos politiques ont été ambiguës, nous ne faisons pas attention aux pauvres »ils veulent faire la même chose qu’en Asie : accuser la victime. Telle est la politique qu’ils suivent.

Le ministre américain Paul O’Neill dit que son pays ne peut aider l’Argentine avec l’argent des menuisiers et de plombiers nord-américains. Cela est plus qu’une idiotie ?
 C’est une pure idiotie. Malheureusement, il ne semble pas comprendre ce qui se passe, ce qui est plus grave. Les faits sont que presque toujours les crédits du FMI sont remboursés- parfois avec retard- et les contribuables nord-américains ne courent aucun risque. Ce sont les menuisiers et plombiers argentins qui devraient être furieux.
(…)
Ce sont eux qui ont souffert des politiques restrictives imposées par le FMI, qui ont aggravé les choses. Comme encourager un taux de change condamné à l’échec, une privatisation qui a empiré le déficit budgétaire, sans en appréhender les conséquences, une privatisation qui a augmenté les prix des services publiques. Maintenant, ils accusent la victime. Et le Trésor américain qui est le seul a avoir un droit de veto au FMI, dit que les contribuables de son pays payent la facture. Cela devrait rendre furieux les argentins.(…)

Página 12, le 20 août 2002

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