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19 décembre 2002

L’Argentine s’enlise dans la dèche

par Frédéric Garlana

 

Il y a un an, les 19 et 20 décembre 2001, des millions d’Argentins massés dans les rues contraignaient à une fuite honteuse le président Fernando de la Rua, qu’ils avaient élu avec les plus grandes espérances deux ans plus tôt pour mettre fin aux excès d’une décennie de politique libérale.

Un an après, rien n’a changé. La classe politique est discréditée et aucun dirigeant d’envergure ne s’est dégagé pour imposer les réformes que tout le monde juge indispensables. La moitié de la population vit dans la pauvreté et des enfants meurent de faim chaque jour dans les provinces reculées du Nord.

Cinq millions et demi d’Argentins sont sans travail ou sous-employés. La classe moyenne, traditionnellement importante, s’est retrouvée paupérisée et les riches, qui avaient placé leurs économies à l’étranger, disposent d’un pouvoir d’achat accru grâce à la dévaluation de 70% du peso intervenue depuis janvier.

« Qu’ils s’en aillent tous ! » : le slogan d’il y a un an sera celui des dizaines de milliers de « piqueteros » - les chômeurs militants et autres laissés-pour-compte de la crise économique - qui convergeront aujourd’hui et demain vers la place de Mai. Avec en toile de fond, la crainte d’une répétition des violences d’alors.

De la Rua, un radical, avait été élu pour son intégrité par un pays écoeuré par le népotisme, la corruption et la richesse extravagante des bénéficiaires de la politique de libéralisation économique du président péroniste Carlos Menem. Il fit surtout très rapidement la preuve de son absence totale de sens politique.

Lorsque les choses commencèrent à se gâter, sa chute fut très rapide. Le 2 décembre, l’impopulaire ministre de l’Économie Domingo Cavallo gèle les dépôts bancaires pour freiner la fuite des capitaux. La rupture est consommée avec les classes moyennes qui seront aux premiers postes dans les manifestations antigouvernementales.

Le 5, le Fonds monétaire international (FMI) refuse le versement promis de 1,26 milliard de dollars. La coopération avec les organisations multilatérales s’engage dans une impasse. Elle y est toujours un an plus tard.

Le 15 décembre, un premier magasin est mis à sac à Concordia, dans la province d’Entre Rios (Nord-Est). Quatre jours plus tard, les pillages se sont étendus à tout le pays. Pas toujours de manière spontanée. Les médias argentins expliquent que nombre de ces pillages étaient manifestement coordonnés. Par qui ? Certains évoquent la main de patrons locaux du parti péroniste, alors dans l’opposition.

Résultat : des centaines de magasins pillés, une trentaine de morts, certains tués par des commerçants tentant de défendre leurs biens. Et pour de la Rua, un sinistre présage : son prédécesseur radical Raul Alfonsin, l’homme du retour à la démocratie, avait lui aussi été poussé vers la sortie sur fond de mise à sac de magasins.

Mais de la Rua refuse de changer sa politique économique. Le pays est en feu. Le président décrète l’état de siège le 19 décembre dans un discours sans passion, ni compassion, qui promet seulement une « main ferme ». La population de Buenos Aires lui répond par un concert de casseroles : des dizaines de milliers de personnes investissent la place de Mai, au pied de la présidence. Cavallo, que de la Rua a défendu jusqu’au bout contre ses propres amis, finit par démissionner.

Le lendemain, de la Rua - étrangement sombre, éteint, sans volonté - prend le même chemin et s’enfuit en hélicoptère de la Casa Rosada, le palais présidentiel. Il est remplacé par l’éphémère Adolfo Rodriguez Saa, qui laissera lui-même la place à Eduardo Duhalde, le « patron » péroniste de la province de Buenos Aires.

Agence France-Presse. Buenos Aires , 20 décembre 2002.

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