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17 septembre 2025

Argentine : Quand tout cela sera fini...

par Jorge Elbaum*

 

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Quand tout cela sera fini– car cela va finir –, nous ferons la fête, soulagés de savoir que nous sommes forts, d’avoir traversé ce labyrinthe démentiel de cruautés sans avoir perdu le cap de l’amour pour notre patrie.

Parfois, nous voyons le début de la fin d’un cauchemar dans la percée d’une nuit. Nous nous réveillons le lendemain et commençons à sentir que nous sommes enfin en train de nous débarrasser des résidus d’une confusion vaporeuse. Après que ce dommage collectif nous ait blessés avec insistance pendant plus de sept cents jours, nous avons le sentiment de respirer un peu mieux. Nous avons toujours su que l’angoisse empêche de respirer. Elle fait des pirouettes dans l’ombre pour nous priver de notre calme. L’angoisse est réfractaire à la dilatation pulmonaire. Cette sensation de ventilation émotionnelle, d’ouverture à l’entrée douce de l’oxygène, c’est ce que nous avons ressenti dimanche soir lorsque nous avons écouté l’enregistrement audio de Cristina Kirchner et les paroles d’Axel Kiciillof.

Quelque chose était en train de se réorganiser. Sur la scène de La Plata, on assistait à un mélange de bon sens, de rationalité et de modération. Alors que nous célébrions la limite imposée à la droite, beaucoup d’entre nous s’interrogeaient sur la temporalité de la résistance. Sur ce qui est considéré comme supportable. Nous ne savons pas avec certitude quel type d’irritation a permis la flagrance de cette folie de cris, d’insultes et d’arrogance lâche. Quelle impuissance a permis à un déséquilibré mental de devenir le cauchemar quotidien d’une société entraînée à survivre à différentes crises économiques.

L’une des origines est probablement liée au traumatisme causé par l’isolement dû au COVID. Les jeunes, en particulier les adolescents, ont particulièrement souffert du confinement et ont formé l’infanterie électorale de la victoire liberticide. Un deuxième élément est certainement lié à la frustration d’un gouvernement qui a abandonné ses engagements, trahissant le mandat confié par Cristina à Alberto Fernández. Un troisième élément a été mis en évidence par les altercations récurrentes entre la vice-présidente et le président. Un quatrième élément était lié à l’éthique apocryphe du plus haut représentant du pouvoir exécutif, qui s’est chargé de célébrer des anniversaires privés en pleine période de confinement pandémique. Un cinquième élément était sans aucun doute lié à l’incertitude inflationniste.

Milei a assuré qu’il allait surmonter les trois derniers, grâce à une combinaison de transparence bureaucratique, de découragement des débats institutionnels et, surtout, de résolution du problème de l’inflation. Tous ces objectifs ont été exploités par les machines communicationnelles des entreprises qui testaient la frustration et la lassitude : leur pari était de soutenir les options radicales fascistes exprimées par le liberticide afin de dépasser le PRO et la médiocrité d’Alberto Fernández. Bingo : ils ont trouvé un outsider à mettre en avant, un personnage frénétique à soutenir, une marionnette avec laquelle jouer – apparemment – en dehors de l’establishment, qui se distinguait des deux derniers gouvernements par ses cris et ses insultes. Le coup a été de courte durée. D’abord, parce que le PRO s’est joint à la croisade criminelle de l’ajustement, puis parce que l’inflation a été artificiellement réduite au prix du « piétinement » des négociations salariales, de l’augmentation des licenciements, de la disparition des PME et d’une récession rituelle accompagnée d’un endettement gigantesque.

Le malentendu a duré 23 mois grâce à la protection médiatique insistante qui a présenté les fanfaronnades de Milei comme une croisade contre la corruption étatique. Ils ont déifié un pantin avide d’argent, qui croit rugir comme un lion et se vante d’être la réincarnation de Moïse. Un prophète dont les acolytes – au micro ou sur les réseaux sociaux – ont omis de recommander l’hospitalisation psychiatrique urgente. Jamais un oxymore n’a été plus catégorique : un néolibéral accro à l’égoïsme extrême qui défend la vente d’organes et d’enfants, qui – du jour au lendemain – est rebaptisé comme un individu qui renonce à l’ambition financière au nom du bien commun, tout en se pavanant comme un économiste expert dans « l’art de faire de l’argent sans argent ». Un renard dans le poulailler motivé par le triple objectif profane de :

a) s’emparer de tous les billets disponibles,
b) séduire les grands capitaux financiers, et
c) gagner la confiance de plusieurs chefs d’entreprise qui lui assureront un petit boulot lorsque la crise politique le destituera.

Ce personnage déchaîné continue de bénéficier de l’autorisation des dirigeants du FMI. Il continue de bénéficier du soutien – de plus en plus minoritaire – de secteurs qui lui permettent de reproduire un comportement gestuel et productif dérangé. Qui accordent leur soutien à quelqu’un qui est incapable de ressentir de l’empathie pour un être vivant autre qu’un chien ou sa sœur. Contrairement à ce qui s’est passé sous la dictature génocidaire, la perversion macri-mileíste n’a pas fait appel à aux langages fantasmagoriques, à la dissimulation. Elle n’a pas dit : «  ils ne sont pas, ils ne sont pas là, ils ont disparu ». La truculence du gouvernement actuel s’est vantée des victimes de manière explicite et débridée. Elle a célébré leur dépossession et a tenté d’enseigner la nécessité d’écraser les blessés pour le plaisir de ceux qui pouvaient se sentir à l’abri de cette machine à broyer la chair.

Quand tout cela sera fini – car cela va se terminer –, Milei restera dans les mémoires comme une aberration psychiatrique de l’argentinité. Son image deviendra un souvenir honteux : comment avons-nous pu élire ce spécimen grotesque, opposé à toute humanité, à la représentation politique ? Lorsque tout cela sera fini, l’un de nos premiers gestes prendra la forme d’un hommage intime à ceux qui ont maintenu la flamme. À ceux qui ont souligné la faiblesse intrinsèque d’un personnage jetable, lâche et dérangé.

Quand tout cela sera terminé – car cela va finir –, nous rendrons hommage à ceux qui nous ont empêchés de croire que c’était la fin des temps. Nous regarderons dans les yeux ceux qui ont souffert, pensé et senti qu’il n’y aurait plus de retour en arrière possible face à tant d’intimidation légitimée par les médias, les juges et les mercenaires des votes législatifs. Nous allons rappeler aux découragés que la vie renaît toujours comme une prophétie d’espoir, même lorsque le voyage traverse les royaumes d’un au-delà infernal et que Virgile n’est pas là pour nous guider.

Quand tout cela sera fini– car cela va se terminer –, nous allons mémoriser la souffrance des grands-parents, des étudiants, des scientifiques, des patients atteints de cancer, des personnes handicapées. Les sentiments tristes de ceux qui ont traversé ce désert d’épines avec des douleurs quotidiennes, des colères accumulées, des angoisses indéchiffrables. Nous allons passer le film – en fermant les yeux – des travailleurs qui ont perdu leur emploi, du mépris enduré par les plus démunis. Nous allons écrire sur les murs le nom du garçon autiste qui a été humilié par une crapule. Dimanche a été un tournant qui nous permet de repenser certaines choses. La fin de cette folie s’approche.

Quand tout cela sera fini – car cela va se terminer –, nous ferons la fête avec le soulagement de savoir que nous sommes forts, d’avoir traversé ce labyrinthe démentiel de cruautés sans avoir perdu le cap de l’amour pour notre patrie.

Jorge Elbaum* para La Tecl@ Eñe

La Tecl@ Eñe. Buenos Aires, le 10 septembre 2025.

*Jorge Elbaum est sociologue, Docteur dans Siences. Économiques. President du « Llamamiento Argentino Judío ».

Traduit de l’espagnol depuis El Correo de la Diaspora para : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo de la Diaspora. Paris, 17 septembre 2025.

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