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Les efforts de l’économie solidaire peuvent progresser avec l’union des groupes qui représentent "le Sud au sein du Nord", et avec la constitution d’un agenda commun sur la conduite à tenir vis-à-vis de leurs frères et sœurs dans le monde.
Par Lorette Picciano
Solutions novatrices trouvées par les communautés contre les impacts destructeurs des politiques néolibérales ; enseignements et principes tirés de leurs stratégies de survie pour la restructuration des économies locales et mondiale, dans le but d’un développement démocratique durable.
Proposition et stratégie
Les efforts de l’économie solidaire peuvent progresser avec l’union des groupes qui représentent "le Sud au sein du Nord", et avec la constitution d’un agenda commun sur la conduite à tenir vis-à-vis de leurs frères et sœurs dans le monde. Ces groupes devraient également progresser dans leurs tentatives de construire une coopération économique en alternative à la domination des entreprises.
Des groupes tels que Rural Coalition ont soutenu pendant plusieurs années les combats pour les droits civiques et les droits de l’homme menés par des ouvriers agricoles, des indigènes et des fermiers de couleur qui ont été déracinés et éloignés de la terre. D’autres organisations similaires ont récemment remporté quelques batailles contre la puissance dominante des entreprises dans la vente des produits agricoles. Le système économique et politique dominant aux Etats-Unis reste toutefois difficile à modifier. Malgré quelques petites avancées sur le territoire national, les militants engagés dans l’économie solidaire n’ont pas pu empêcher l’injustice constituée par la loi sur l’agriculture (US Farm Bill) de mai 2002. Une des raisons de cette défaite est le manque d’union autour d’un agenda largement partagé, orienté sur les alternatives en matière de prix, de fournisseurs, de commerce, de dumping et de sécurité alimentaire. Nous proposons un développement urgent du dialogue, essentiel pour définir un agenda commun clair sur l’agriculture, d’une manière aussi stratégique que possible.
Les personnes engagées pour la justice et l’économie solidaire aux Etats-Unis, qui forment le Sud au sein du Nord, ont l’énergie et la motivation de porter dans l’arène politique étasunienne un tel agenda partagé relatif à la coopération. Une telle action est possible uniquement avec une compréhension spécifique d’un agenda mutuel issu de l’expérience de nos frères et sœurs dans d’autres pays.
Les mouvements sociaux ruraux aux Etats-Unis ont également une conscience aiguë et une connaissance approfondie de l’agenda des entreprises dominantes dans l’agriculture. Ils en ont déduit de nombreuses stratégies, par exemple une campagne pour annuler la taxe sur la vente des porcs (pork checkoff ), qui a été récemment jugée inconstitutionnelle par la Justice étasunienne. Dans de nombreuses arènes du pouvoir, il existe une tentative de dresser une séparation politique Nord-Sud sur des questions de principe, par exemple en utilisant l’agriculture comme une manière de détourner l’attention de ce que les entreprises peuvent chercher à gagner de cette analyse. Nous proposons de discuter de manière ouverte de cette stratégie, et de continuer à étudier les combats en cours contre les entreprises. Le mouvement social rural aux États-Unis est également prêt à analyser et à partager son expérience d’une agriculture orientée vers l’exportation, et à transférer ces stratégies aux communautés.
Il existe aussi une volonté croissante, à la base du secteur rural étasunien, de traiter également les questions Nord/Sud et du commerce mondial, et les questions essentielles de l’immigration et de la justice pour les ouvriers agricoles. Le mouvement de paix renaît, et les abus des entreprises ont suscité des craintes vis-à-vis de l’étendue de leur domination. Là aussi, nous proposons un dialogue très spécifique avec nos homologues, en particulier dans cet hémisphère, pour définir un agenda partagé sur les questions qui préoccupent chacun de nos mouvements sociaux respectifs. Nous proposons également de nous engager dans une collaboration économique plus directe et dans un commerce des produits des communautés solidaires situées dans diverses régions.
STRATÉGIE
Les organisations de base qui travaillent dans les communautés rurales pauvres des Etats-Unis se sont déjà unies avec des communautés au Mexique afin de traiter des sujets de politique commune et de construire un nouveau modèle de collaboration transfrontalière, appelé "Supermarketcoop". Chaque communauté a commencé à augmenter les ventes des produits des autres communautés et à éduquer le consommateur sur la qualité et l’origine de ces produits, et sur les nombreuses questions relatives à l’économie solidaire. Nous avons tenté d’ajouter une part de militantisme à la consommation éthique afin d’établir un nouveau soutien et une base économique plus forte.
Simultanément, nous considérons notre collaboration dans l’économie à grande échelle comme une stratégie pour en tirer des enseignements.
Nous ne pouvons pas nous laisser décourager par la dimension relativement modeste de nos efforts, par leur apparente insignifiance et par la difficulté de produire des bénéfices économiques, car l’économie à grande échelle ne facilite pas notre participation. Lorsque nous mettons en place le commerce de groupe à groupe, nous en apprenons davantage sur les combats, l’histoire et les cultures des uns et des autres. Ce sont des ressources considérables, que nous partageons avec les consommateurs qui ont remarqué qu’ils se sentent déconnectés des communautés dans l’économie mondiale. Il est particulièrement utile d’apprendre aux consommateurs étasuniens à ouvrir leurs yeux aux injustices qui existent partout et à chercher des alternatives.
Le militantisme politique pour assurer les droits civiques et les droits de l’homme est également une stratégie essentielle. Nous venons de terminer le débat sur la loi sur l’agriculture (US Farm Bill). De nombreux groupes se sont unis et ont consolidé ce sujet dans leur agenda commun. Dans tous les cas, trois choses étaient tout à fait essentielles : l’implication à un niveau fondamental de ceux qui sont touchés par les décisions ; une vue unifiée des principaux acteurs progressistes dans le combat ; et une compréhension avisée des détails techniques de la formulation de la conduite à tenir.
Dans le cadre de nombreuses politiques concernant les denrées agricoles ayant des implications hémisphériques et mondiales, les décisions ont été prises avec très peu de dialogue entre les minorités et petits producteurs étasuniens et leurs homologues dans les autres pays.
Nos mouvements veulent partager avec leurs homologues des informations et des stratégies spécifiques sur nos combats contre les entreprises, afin de renforcer cette analyse et de construire un agenda partagé. Notre stratégie pour les prochaines années est d’établir le dialogue entre ces acteurs afin de construire et soutenir un tel agenda commun. Le dialogue d’union est essentiel à notre succès, et nécessaire au bénéfice mutuel de toutes les communautés rurales ravagées par la mondialisation.