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13 de diciembre de 2004

Démocratie américaine et démocratie européenne face à la militarisation du système global

 

Par Alain Joxe
Le Débat Stratégique n º76, sept 2004

Comme tous les quatre ans, le sort du monde paraît suspendu aux évaluations de l’opinion des citoyens américains chargés d’élire le Président, qui se veut Empereur du Monde commandant en chef d’une croisade. Mission délicate, hors démocratie : la guerre et la paix du monde entier sont confiées au corps électoral américain et, par là même, retirée au peuple européen comme aux autres.

Avec l’amorce d’une politique de défense de l’Union européenne, ce serait au tour des Européens, malgré leur désunion d’influencer l’opinion américaine si possible, pour contribuer à mettre fin à l’expédition d’Iraq. C’est en effet une guerre dans notre voisinage, particulièrement mal engagée, non seulement au vu de son " illégalisme " affiché, sa qualité d’action préemptive, offensive hors ONU, mais en termes de realpolitik par les erreurs politiques et militaires grossières commises par l’administration Bush et le désengagement irréversible des quelques alliés.

Dysfonctionnement de la démocratie des Etats Unis

Le sort du monde paraît donc suspendu aux pulsions morales et politiques d’une population relativement ignorante de l’état du monde, naïvement convaincue de l’honnêteté acceptable de ses dirigeants et quadrillée par un système bi-partisan strict où deux partis restent liés " au centre " par une continuité complice. Dans cette démocratie, les débats publics vont très loin dans l’attaque du président en place, même si les programmes de l’opposition démocrate sont prudents et donc peu différents du programme républicain. Le débat se déroule à un niveau imprécis, fait d’attaques brutales, destiné au peuple et à un niveau précis fait de nuances dans une direction commune, destiné à l’oligarchie.

Mais entre les deux niveaux existent parfois des éclairs de communication qui concernent les mensonges criticables à la fois du point de vue du peuple et du point de vue de l’oligarchie. Dans ce sens, la démocratie américaine avec toutes ses imperfections, reste un spectacle fait de stratégies vivantes, car elle ne fonctionne que grâce à des correctifs moraux explosifs. Le mot démocratie ne signifie pas " système électoral correct " mais plutôt comme en grec ancien, " tentative de reprise de contrôle du Peuple sur l’Oligarchie ".

Il faut souligner dans ce contexte, comme un " événement correcteur ", l’appel de D. Ellsberg publié dans le NYT et le NYHT [1], incitant de façon urgente les hauts fonctionnaires civils ou des chefs militaires à mettre en lumière, par des fuites de documents secrets, les évaluations de la situation qui révèleraient une capacité exceptionnelle du gouvernement Bush de mentir au peuple: " Il y a des moments où, dit-il, il faut diffuser les secrets ", c’est-àdire révéler la profondeur de l’échec et la nature de la fuite en avant, que prépare l’administration Bush, si elle est réélue.

Continuer cette guerre serait-ce une nécessité aussi pour le parti démocrate? Sa plateforme, dit que le parti ne peut autoriser " un Etat iraquien en faillite, devenu un havre pour les terroristes et une force déstabilisatrice au Moyen-Orient ". Les démocrates seraient donc liés à la poursuite de la guerre : même si l’instabilité de l’Iraq est une conséquence directe de la maladresse de l’occupation, elle est devenue une cause de la guerre américaine.

Aucun changement non plus n’est à attendre selon la résolution démocrate, quant à la politique d’appui inconditionnel à la stratégie conquérante d’Israël.

Le sort de l’Europe et du Monde paraît donc dépendre d’une démocratie qui fonctionne mal.

Dysfonctionnement de la démocratie dans l’UE

Le correctif au fonctionnement antisécuritaire de la démocratie américaine peut-il surgir de l’in- fluence européenne et en particulier de l’acceptation de la " constitution " du nouveau traité ? Rien n’est moins certain car la souveraineté démocratique européenne n’existera pas de sitôt en matière de défense. Le Parlement européen seule instance élue, n’est pas habilité à recourir à la force. Même si un certain pouvoir de veto s’exerce sur l’OTAN il ne peut pas non plus déclarer une paix. Ce n’est certes pas la " Constitution " prévue par le nouveau projet de traité qui peut nous rassurer sur le poids d’une nouvelle démocratie européenne sur la paix-guerre mondiale. La raison de ce pessimisme tient aussi au fait que le jeu démocratique dans chaque pays, s’exerce en faveur ou contre l’engagement des troupes dans une guerre selon des modalités hétéroclites. Les opinions espagnoles, britanniques italiennes étaient toutes hostiles à la participation à la guerre d’Iraq. Seule l’Espagne s’est retirée de la coalition à la suite d’élections. La Pologne se retirera grâce à la critique du Pape. La France et l’Allemagne freinent autant qu’elles peuvent mais ne projettent pas de former une contre coalition destinée à mener les Etats-Unis à un retrait et à une négociation globale sur le Moyen-Orient.

Une telle reconfiguration serait de l’intérêt de l’Europe qui voit depuis des années sa représentation de la solution pacifique des conflits au Moyen- Orient par le respect des résolutions de l’ONU, foulée aux pieds, tant par Israël que par les Etats-Unis.

Mais un contre-poids crédible à l’empire du désordre, orchestré par Washington, impliquera un appui significatif des opinions publiques européennes et un fonctionnement plus démocratique, et non pas plus oligarchique, que celui des Etats-Unis.

Notes:

Notas

[1D. Ellsberg, There are times to spill the secrets, IHT, 20-09-04

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