Accueil > Empire et Résistance > Capitalisme sénile > Vrai ou intox juste avant le G-20... La Chine crée un fond de réserve (…)
L’opération établit la mise à la disposition d’une somme équivalente à 10 milliards de dollars de chaque pays en faveur de l’autre, mais en monnaie nationale. Il permettra d’esquiver la part de l’impact de la crise que répand à travers le dollar.
Par Cristian Carrillo
Página 12 . Buenos Aires, le 31 mars 2009.
Les banques centrales de l’Argentine (BCRA) et de la Chine sont parvenues hier à un accord de type "swap" de facilités réciproques pour l’accès à des produits de l’autre pays sans la nécessité d’utiliser des dollars. La banque Populaire de la Chine mettra à la disposition de l’Argentine un montant en yuans (70 milliards) équivalent à 10 milliards de dollars, pour trois ans et sans intérêt même s’il n’est pas utilisé, qui pourront être utilisés le moment venu. À son tour, l’Argentine ouvre un compte en faveur de la Chine pour l’équivalent de la même somme mais en pesos (37 milliards), qui pourra s’appliquer à des achats sur le marché local, dans les conditions égales que le précédent. Ainsi, l’échange est facilité sans le besoin d’obtenir des dollars (ni dans les réserves internationales, ni en devant les acheter sur le marché) et l’accord assure mutuellement liquidité et crédit, comme protection face à un durcissement éventuel des conditions financières internationales à la suite de la crise.
L’opération s’avère la première de ce type que le gouvernement chinois mène dans un pays hors de l’Association des Nations du Sud-Est Asiatique (ASEAN). L’initiative permet de diminuer les risques que présente la volatilité de la devise étasunienne dans le contexte actuel de crise mondiale. En plus, de généraliser son usage comme moyen de paiement pour le commerce extérieur, les organismes monétaires pourraient comptabiliser les yuans comme réserves.
L’accord a été présenté par le gouvernement chinois lors du déroulement du Sommet Annuel de la banque Interaméricaine de Développement (BID) à Medellín, en Colombie. L’initiative se conjuguera au plan local avec la défense des réserves, au moment où la fuite de dollars s’aiguise. Les autorités de la BCRA insistent en ce que c’est « une manière de garantir l’accès à une monnaie internationale en cas d’éventuelle non liquidité », est-il souligné dans un communiqué publié par cet organisme.
Le « swap » est une opération d’échange grâce à laquelle chaque partie accède à la devise de l’autre, en mettant en échange une somme équivalente dans sa propre monnaie. La durée initiale de l’accord sera de trois ans, mais pourra être prolongée. « C’est un signe positif ; cela servira pour payer des importations et se libérer de l’usage du dollar, pour soulager la pression exercée sur les réserves internationales », a expliqué à Página/12 , le chercheur du CEDES, Roberto Frenkel.
Ce n’est pas la première fois que la banque Populaire de la Chine octroie une ligne de crédit de ce type dans le monde, mais cela l’est hors des pays émergents de la région asiatique. En octobre dernier, le Brésil et le Mexique ont reçu des facilités de la part du Trésor des États-Unis, pour les retenir au sein de la zone dollar en pleine poussée de la crise internationale.
L’accord a été signé par le directeur de la Centrale, Martín Redrado, et son homologue chinois, Zhou Xiaochuan. « Nous avons signé un mémorandum. Les deux côtés ont besoin de travailler encore sur les procédés locaux pour le finaliser », a dit Xiaochuan. Le gouverneur de l’organisme asiatique a assuré que « l’accord servira à stabiliser le système monétaire régional, à le protéger contre des risques financiers et à limiter l’étendue de la crise en ce moment clef ».
Pour sa part, le communiqué de la banque Centrale argentine remarque qu’il s’agit d’un accord cadre dans lequel « les transactions sont réellement effectuées seulement quand c’est nécessaire et adéquat ». « Aucune partie ne paie un quelconque coût même si la liquidité n’est pas utilisé », prévient le document. Ils remarquent aussi que, dans la pratique, l’accord renforcera la position financière du pays.
Les spécialistes consultés par ce quotidien ont écarté l’existence d’un lien avec la santé financière domestique à court terme, bien qu’ils reconnaissent un certain d’impact sur les réserves. « Si nous avons un excédent avec la Chine nous allons le recevoir en pesos. C’est le coût-bénéfice de disposer d’un système stable et d’éviter les fluctuations du dollar », a dit Frenkel. Cependant, actuellement cet effet collatéral joue en faveur de l’Argentine. L’échange commercial avec le bloc asiatique, deuxième en importance pour le pays, a fini les deux premiers mois de l’année avec un solde négatif de 118 millions de dollars, selon des chiffres publiés par l’Indec.
De toute façon, c’est un pari sur le futur. La présence d’un flux de fonds chinois ne semble pas « innocente », tandis que les États-Unis octroient de la liquidité au Brésil. Mais la question en suspens est : est-il possible d’utiliser des yuans pour payer un tiers ? « Précisément, l’usage de la devise comme moyen de paiement international, sans aucune restriction, permettrait qu’elle soit comptabilisée comme réserve internationale », a expliqué Frenkel. Sur ce point, les autorités de la BCRA sont confiantes. « Tout indique que le yuan est l’une des devises qui commencent à circuler fortement et qui jouira d’une liquidité croissante sur les marchés monétaires internationaux », pronostique le communiqué de l’organisme.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi