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28 mars 2014

Ukraine : Welcome Mr Marshall

par Guadi Calvo *

 

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Le génial réalisateur valencien Luis García Berlanga filme en 1953, « Bienvenue, monsieur Marshall ! », une satire bien dans son style, où il joue vertement avec les rêves des habitants de Villa del Río, une petite ville espagnole, qui se dispose à attendre les « américains » qui vont apporter la prospérité, le bonheur et beaucoup de dollars. Le peuple entier espère voir le fameux général et Secrétaire d’État George Marshall, qui saluera depuis les balcons de la mairie.

Le Plan connu officiellement comme European Recovery Program ou ERP, cherchait à reconstruire les pays européens dévastés après la Deuxième Guerre mondiale. Le plan a principalement été destiné à freiner l’avance du communisme, mais tout a été si rapide, comme le passage de l’« américain » par la Villa del Río.

Maintenant en Ukraine, peut-être un metteur en scène pense en ce moment à une nouvelle version du film de Berlanga, mais après par ce qui s’est passé hier, il semble que les ukrainiens n’ont pas vu ce film.

Avec la vitesse de la foudre, la Rade Suprême, le parlement illégal ukrainien, a approuvé le monumental ajustement néolibéral par lequel les salaires seront gelés , les impôts et les tarifs augmenteront , des coupes auront lieu dans les dépenses sociales, et dans les subventions et comme cerise sur le gâteau on annonce le licenciement d’environ 24 000 fonctionnaires sur 249 000 , un autre 20 % sera « liquidé » après que soient approuvées les réformes constitutionnelles qui élimineront des administrations de l’Etat. Après l’héroïque décision des libéraux de Kiev, en accord avec son éthique, le Fonds monétaire international (FMI) annoncera un accord pour le sauvetage, octroyant à Kiev entre 14 000 et 18 000 millions de dollars dans les deux années prochaines.

Le coup de massue néolibérale qu’ils viennent d’ assener au peuple ukrainien, rend évidentes les raisons occultes des manifestations qui ont forcé la chute du président Viktor Yanukovich, qui s’était refusé à accepter les exigences du FMI. Par exemple, parmi les mesures les plus sévères, se trouvent, l’augmentation de 100 % des impôts et les tarifs d’hydrocarbure pour les grands monopoles, la suspension des restitutions de la TVA en espèces aux entreprises en échange d’obligations d’État, tandis que le tarif du gaz augmentera de 50 %.

On estime que pour 2016 seront supprimées le reste de subventions à l’énergie, oubliant que le 25 mai prochain, il y aura des élections présidentielles qui apporteront peut-être avec elles des changements dans la direction économique, s’ils n’ont pas déjà le gagnant in pectore.

Les ukrainiens se souviendront avec colère les manifestations d’Athènes et de Nicosie d’il y a à peine quelques mois. Il est logique de soupçonner qu’à partir de ces jours et quand les lettres de licenciement commenceront à arriver et l’affichage des prix et des tarifs atteindront le paroxysme, de nouvelles vagues de manifestants occuperont la Maidán de Kiev et d’autres villes de l’Ukraine.

Bien que d’autres pays européens ont été déjà rongés par les plans du FMI, comme en Amérique Latine dans les années quatre-vingt-dix, la différence avec l’Ukraine est que c’est un un pays violenté constitutionnellement, avec d’ importantes différences régionales, un gouvernement faible avec de profondes différences internes, sans réelle possession du territoire et une importance géostratégique clef, qui n’admettrait pas de résolutions en demi-teintes, ce qui empêcherait un partage pacifique et mènerait à une guerre de conséquences apocalyptiques.

L’Ukraine financièrement est dans un état dangereusement délicat, des décennies de corruption et d’indécision politique ont généré une économie squelettique. Et par ici –en Amérique Latine- nous savons bien, que jamais, jamais, aucun plan du FMI, n’a sorti ni va sortir n’importe quel pays de la stagnation et encore moins de la faillite, au contraire il le mettra dans une spirale sans fin. Les intérêts de l’Union Européenne sont maintenant beaucoup plus personnels que jamais. Aussi épuisée que l’Ukraine, l’UE a besoin de tirer désespérément les ressources de n’importe où et pour cela même elle prend le risque d’allumer un feu à côté d’une poudrière appelée la Russie.

Avec la réintégration à la Fédération de Russie de la Crimée et prochainement de la république de Transnistrie, la Russie a bien mis au clair que ce qu’elle ne négocie pas et fera de même si les régions russophones de l’Ukraine demandaient leur incorporation à la Russie, ce qu’ils ne tarderont pas à faire , si ces plans économiques se poursuivent.

Depuis Rome, le président US, Barack Obama, a décrit les arrangements avec le FMI, comme « un signe concret de l’unité du monde au sujet de l’Ukraine », tandis que les Nations Unies ont déjà approuvé la résolution qui défend l’intégrité territoriale de l’Ukraine et repousse la sécession de la Crimée à la Fédération de Russie. Comme si quelque chose de se genre allait faire peur à Moscou.

Pour arriver aux élections de mai en Ukraine, les candidats avec le plus de chances, font tous partie des putschistes comme l’ex-Première ministre ukrainienne Yulia Tymochenko, destituée en 2010 pour corruption et récemment libérée, le sinistre ex-champion du monde de boxe Vitali Klitschko, bien que celui qui se trouve en tête des sondages soit le multimillionnaire Piotr Poroshenko. Le magnat chocolatier, qui a été le sponsor principal des manifestations de Kiev, fournissant de la nourriture, des vêtements, des tentes et du chauffage aux manifestants, en plus du matériel pour la construction de barricades et agiter à l’opinion publique depuis le canal 5 de télévision qu’il possède.

Les cousins imprésentables de la campagne.

Comme toujours la bourgeoisie utilise l’extrême-droite comme force de choc et une fois parvenue à ses fins, elle ne sait pas comment cacher les cousins imprésentables de la campagne.

Ceci est le petit problème que le nouveau gouvernement ukrainien a ces jours-ci et sûrement qui va durer. L’un des leaders de l’organisation néonazie, Leviy Sektor (Secteur de droite) Alexánder Muzychko, surnommé « Sashko Biliy », a été assassiné dans une embuscade [Voir un vidéo : Murder of Alexander Muzychko aka Sasha Beliy captured by surveillance Сameras ]], dont ses camarades rendent responsabilise le ministre de l’Intérieur Arsén Avákok. Le leader nazi a été surpris dans un village près de la ville de Rovno, à l’ouest du pays, par la force de sécurité. Après avoir résisté à son arrestation, Muzychko, a ouvert le feu et a essayé de s’échapper, ce à quoi la police a répondu par deux coups de feu en plein milieu dans le thorax, selon le vice-ministre de l’Intérieur, Vladimir Evdokimov.

En mars dernier le Comité d’Investigations de la Russie avait accusé Muzychko d’être lié avec des terroristes tchétchènes et d’être responsable de la torture et de la mort de plus de vingt soldats russes en Tchétchénie.

Le même Muzychko, il y a deux semaines avait en registré une vidéo où il assurait que le ministre de l’Intérieur Arsén Avákok arrangeait une série de disparitions ou d’assassinats et qu’il était le premier de la liste.

Cela a fait que de nouveau la Rade de Kiev soit encerclée par quelque mille cinq cents hommes du Leviy Sektor, armés avec des AK47, de couteaux de combat et de haches afin d’avoir une conversation avec ceux qu’ils croient les responsables de l’assassinat de leur führer trapu, ce bonasse de Biliy...

Ainsi vont les choses dans la vieille Ukraine, le nouveau gouvernement met en danger la population avec des recettes du FMI, et les néonazis mettent en échec le gouvernement. Sans doute le président russe Vladimir Poutine suivra les images à la télé sans bouder son plaisir.

Guadi Calvo pour Hamartia.

Hamartia. Buenos Aires, le 29 mars 2014.

* Guadi Calvo est un écrivain et journaliste. Analyste international spécialiste de l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie centrale. Collabore avec différents médias et radios en Amérique Latine : dirige sur Facebook : « Linea International », « Journal Hamartia », et « Jornada Latinoamericanas », « Revista Archipielago » (Mexique), « Caratula » (Nicaragua), « A Plena Voz » (Venezuela) Radio Madre (530 AM) Radio Grafica (89.3 FM )

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.

El Correo. Paris, le 29 mars 2014.

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