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26 août 2010

Papel Prensa SA :
La justice tarde mais parfois arrive en Argentine

par Aram Aharonian *

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

La présidente argentine, Cristina Fernández de Kirchner, a publiquement dénoncé l’appropriation illégale de l’entreprise Papel Prensa SA par les propriétaires des quotidiens Clarín, La Nación et La Razón pendant la dernière dictature militaire (1976-1983), et elle a été explicite sur les accords existant entre ceux-ci et la junte militaire que Jorge Rafael Videla présidait, après avoir rendu public un long rapport basé sur des documents originaux.

Videla et Herrera de Noble propriétaire du Groupe Clarin le jour de l’inauguration de Papel Prensa S.A. Sept. 1978

Après avoir sanctionné la loi des services de communication audiovisuelle, qui a mis fin aux oligopoles médiatiques et après 33 ans de silences complices et d’impunité, la Présidente a annoncé qu’elle a envoyé à la justice cette information et au Parlement un projet de loi qui déclare d’ intérêt public la production de pâte de cellulose et de papier pour des journaux dans ce pays.

Que s’est-il passé en 1976 ?

Les propriétaires des trois quotidiens principaux de cette époque se sont appropriés, en complicité avec l’État terroriste de l’époque, l’entreprise qui leur permettrait d’avoir le monopole de la production de papier pour les quotidiens en Argentine, une espèce de dictature contre la liberté d’expression.

Dans cette manœuvre menée durant la période la plus brutale et fondatrice de la dictature, on a eu recours à la torture et à la séquestration des actionnaires originaux de l’entreprise, et eut lieu l’alliance stratégique entre la Junte militaire et les représentants des groupes économiques - médiatiques les plus grands de l’Argentine qui avaient besoin du terrorisme de l’État pour éliminer la dissidence politique et sociale qui s’opposait à leurs intérêts. Les dictateurs, garantissaient la presse étouffée et des médias complices de leurs actions.

La Présidente a été plus loin : il ne s’agit pas d’un décret d’expropriation (qui était peut-être ce à quoi s’attendait la droite), mais preuves en main (plus de 20 000 pages dans lesquelles on trouve les détails de la spoliation) elle a eu recours à la transparence et a mis le sujet dans le domaine politique, dans l’agenda des pouvoirs législatifs et judiciaires. Le projet législatif demande instamment la création d’une commission parlementaire, avec des représentants de tous les partis, pour contrôler le respect de ce qui serait un traitement égalitaire qui démocratise l’information.

Sans doute, le langage politico-journalistique adversaire s’arrangera pour qualifier cette démarche qui démocratise la parole, d’autoritaire, arbitraire, totalitaire, chaviste, avance l’analyste Mario Wainsfeld. Mais quelques dirigeants de l’opposition ont été prudents : le radical Ricardo Alfonsín a considéré que la présidente « a fait ce qu’elle avait à faire » en présentent le rapport devant la Justice, mais il a préféré ne pas s’exprimer « sur la question de fond » n’ayant pas les « éléments de jugement ». Il est d’accord avec le gouverneur socialiste Hermes Binner, quant à la décision de s’adresser à la Justice pour approfondir l’enquête.

Ce suivi parlementaire doit être fait au moyen d’un cadre régulateur ce qui n’a jamais été fait, a t- elle dit, ajoutant que les membres de cette commission pourront assister comme observateurs aux réunions du Conseil d’Administration de Papel Prensa. L’objectif est de donner un traitement égalitaire à tous les quotidiens du pays, en cherchant à augmenter la capacité de production de Papel Prensa pour qu’il n’y ait plus d’importation. Avec cette décision, la Présidente obligera l’opposition à discuter d’un projet essentiel “pour la liberté de la presse”, comme l’a défini la présidente elle même.

Après avoir commencé sa présentation, la présidente a montré devant tous les « Unes » de Clarin et de La Nacion du jour, disant que le gouvernement avance sur le Papel Pensa pour contrôler la presse écrite dont ils reconnaissent, soutenait-elle, que ce contrôle est en réalité dans les mains des actionnaires majoritaires de Papel Prensa qui sont les deux quotidiens.

L’enquête de la Commission Spéciale a démontré comment ces médias, qui mentionnent aujourd’hui le sujet de la sécurité juridique, ont acheté des actions à une famille, comme celle du banquier David Graiver, mort dans un accident suspect au Mexique en août 1976, famille qui sera ensuite séquestrée et torturée , et à d’autres entrepreneurs qui ont aussi connu le même sort à la fin de 76 et au début de 77.

La présidente s’est référée aux documents où les directeurs eux-mêmes de Clarin et la Nacion quand ils ont pris le contrôle de Papel Prensa ont reconnu les accords préalables avec la junte militaire, avec laquelle ils ont porté un toast, comme le montre plusieurs photographies de l’époque, dans lesquelles on voit Bartolomé Mitre de La Nacion et Ernestina Herrera de Noble l’actuelle directrice Clarin, portant un toast avec le dictateur Videla.

Les deux directeurs ont bénéficié ensuite de la faillite du quotidien La Razón, en 2000, et grâce à un pacte ils se sont assurés le contrôle des actions de Papel Prensa , en établissant ainsi un monopole au préjudice de tous leurs concurrents.

Cristina Fernández a dit que l’on a démontré que Lidia Papaleo de Graiver, veuve de David Graiver, le propriétaire de Papel Presa, a été forcée sous la torture au centre clandestin de détention Puesto Vasco de signer la cession de l’entreprise seulement quelques jours avant que la junte militaire ne décide l’interdiction des biens de cette famille, puisqu’une fois cette mesure prise il n’était plus possible de mener la négociation. L’objectif des séquestrations fut que les Graiver et leurs associés ne pouvaient percevoir le vil prix qu’ils avaient mis à leurs actions.

Le syndic général de la nacion, Daniel Reposo, a préalablement dit que le rapport a montré la connivence des secteurs du pouvoir civil avec la dictature, en s’appropriant les biens de personnes en état d’incapacité totale à se défendre, comme c’est le cas de Lidia Papaleo de Graiver, qui a été ensuite détenue entre 1977 et 1982, années durant lesquelles elle a été à nouveau torturée et violée.

« Etant une disparue (…) ils me m’emmenaient déclarer enveloppée d’une couverture grise, parce que j’étais totalement brûlée, j’ai perdu mes seins, mon abdomen et aussi mes organes génitaux pendant la torture et ils m’ont opéré dans la prison d’une tumeur cérébrale à cause des coups que j’ai reçu », a témoigné Lidia Papaleo pendant l’enquête.

Lidia a été obligée de vendre les actions de la papeterie (celles qu’elle détenait par la succession) le 2 novembre 1976. « Lidia devait présenter un écrit devant le juge pour enfants, en représentation de sa fille, qui était mineure. Mais le magistrat n’a jamais approuvé la vente. Cependant, à cinq jours de signer le dernier papier, ils l’arrêtent », a raconté la Présidente. Cela fut en mars 1977.

La série d’irrégularité comprend la vente à une entreprise de papier comme Fapel, qui disparaît ensuite pour resurgir sous les noms des vrais acheteurs : les propriétaires de Clarin, de La Nacion et de La Razon. Cristina Fernández a rappelé que les « 28 % du capital que possèdent l’État ne sont pas à un gouvernement, ni celui-ci, ni aux autres », et elle a demandé au Procureur de l’État et au Secrétariat de Droits de l’homme qu’ils poursuivent en justice avec ses éléments.

« Je sais comment les choses se sont passées, mais ce sont les juges qui doivent juger et qui peuvent condamner. Je crois profondément dans la séparation des pouvoirs de l’État et dans la possibilité de dépasser cette situation marquée par 33 ans d’obscurantisme et d’occultations », a-t-elle conclu.

« Avec la justice d’un côté, et le Parlement de l’autre, nous sommes confiants en ce que la démocratie peut traverser cette épreuve. Nous voulons une démocratie sans tutelle et une société sans peur », a terminé la présidente.

Pendant des décennies, Papel Prensa a contrôlé le marché avec des pratiques monopolistes. L’État national a été un associé stupide, muet et soumis devant un pouvoir de fait supérieur à celui des gouvernements successifs, dictatoriaux ou démocratiques, remarque Wainsfeld Pagina 12.

Le Congrès devra analyser un projet de loi (dont le texte n’est pas encore connu) déclarant d’intérêt public la production de papier journal pour les quotidiens et formant une commission parlementaire pour suivre cette activité. Tandis que, le procureur du Trésor, Joaquín Da Rocha, et le secrétaire aux Droits de l’homme, Eduardo Luis Duhalde, aura à sa charge la mission de préparer la voie judiciaire, pour en finir avec autant d’impunité et pour poursuivre ceux qui ont commis des crimes de lèse humanité pour en bénéficier économique et politiquement.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

Alai-Amlatina . Équateur, le 25 août de 2010.-

Vidéo à regarder en espagnol :
Inauguration de Papel Prensa SA, avec Noble, Mitre et Videla

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