Accueil > Réflexions et travaux > Nouveau scénario pour l’Amérique Latine Santiago O’Donnell
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La crise du Honduras se poursuit sans être résolue, mais avec la campagne électorale en marche quelques scenari possibles sont déjà perceptibles. Vu de Washington, la solution multilatérale qui avait leur préférence fut tentée et elle a échoué quand le dit « Accord de San José-Tegucigalpa » est tombé.
Bien entendu les États-Unis n’ont pas été étrangers à ce processus multilatéral dès l’instant où ils ont imposé Oscar Arias comme négociateur, chose que les autres pays de la région ont acceptée. Et au delà du fait qu’il aient appuyé, consenti, ou pas fait assez quand l’avion qui emmenait en exil le président légitime a fait escale sur la base [US en Honduras] de Palmerola , à l’heure de négocier le gouvernement d’Obama a accepté que le retour de Zelaya au pouvoir soit une condition indispensable pour parvenir à un accord, et il a compris que le dictateur Micheletti accepterait la dite solution seulement sous pression de la communauté internationale. Alors il a annulé les visas des putschistes, il a expulsé leurs diplomates, a gelé leur crédit international, et les a dénoncés dans le Conseil de Sécurité de Nations Unies.
Et peut-être un peu plus. Ce chroniqueur n’a pas pu en avoir confirmation, mais une source diplomatique européenne lui a glissé que le retour de Zelaya dans son pays s’est aussi fait via la base de Palmerola. La route du retour est un sujet tabou parmi les zelayistas, et en tout cas le gouvernement des États-Unis fut le premier à lui souhaiter la bienvenue et à lui apporter à manger quand Zelaya s’est réfugié dans l’ambassade brésilienne de Tegucigalpa. Makes sense.
Mais comme a raconté une source proche du gouvernement d’Obama, quand l’accord a échoué, il y a deux semaines, les zelayistas et les gouvernements latinoaméricains ont dit aux États-Unis de résoudre le problème. Alors Shannon s’est rendu à Tegucigalpa et a négocié un accord qui disait que le Congrès doit décider le rétablissement de Zelaya dans ses fonctions, « dans l’esprit de l’accord de San José de Costa Rica ». C’est à dire, le Congrès doit résoudre la question, mais avec l’idée que Zelaya soit rétabli dans ses fonctions.
Il est clair que dans des termes légaux « esprit » , est un mot difficile à soupeser. Quand Zelaya n’a pas été rétabli par le Congrès dans le délai qui avait été défini dans la négociation, avec raison, il s’est considéré comme trompé et a considéré l’accord comme caduque. Mais mercredi dernier Ian Kelly, porte-parole du Département d’État, a dit que l’accord est toujours en vigueur parce qu’il ne fixait pas de délai au retour de Zelaya dans ses fonctions. Et avant-hier le dictateur a annoncé que, pour faciliter la transition, il pense « s’éloigner du pouvoir » alors que les élections auront lieu dimanche prochain. Le mandat du futur président commencerait à la fin janvier.
Vu de Washington, les choses sont en route. Le scénario idéal est de convaincre Zelaya de réassumer ses fonctions, même si c’est le dernier jour de son mandat, pour légitimer le prochain gouvernement. Les Etats-Unis croient que la dictature n’aurait pas de problème pour que Zelaya assume ses fonctions quelques heures ou quelques jours avant qu’il ne termine son mandat constitutionnel, et qu’ils pourraient encore négocier avec Zelaya, pour qu’il change d’idée. Depuis que l’accord est tombé, Zelaya a dit que les élections du 29 novembre seront une fraude et une farce et qu’il ne sera pas disposé aux manœuvres pour les légitimer.
« Au pire que peut-il se passer ? Qu’il y ait des élections raisonnablement libres, bien que Zelaya ne les appuie pas, et qu’un nouveau gouvernement soit choisi ? Bien sûr ce n’est pas la solution idéale, mais les autres options sont pires », argumente une source étasunienne.
Alors, vu de Washington, il reste maintenant à Zelaya l’option d’accepter un retour symbolique pour légitimer les élections, ou d’exposer le prochain gouvernement du Honduras à encore quatre ans d’isolement diplomatique, parce que l’Organisation des États Américains (OEA) a déjà dit que que sans rétablissement de Zelaya dans ses fonctions il ne reconnaîtra pas le gagnant des élections.
Le premier serait le scénario idéal pour les Etasuniens ; le deuxième serait un scénario alternatif mais également acceptable. L’isolement du Honduras serait seulement partiel. Pour commencer, l’Union Européenne a récemment dit qu’elle se prononcera à ce sujet après les élections. La majorité des pays de la région et l’organisme lui-même maintiendraient leur position de ne pas reconnaître les élections du 29 novembre. Mais au sein de l’OEA, d’aucuns évaluent que le Panama, la Colombie, le Canada et peut-être le Pérou accompagneraient les États-Unis dans la reconnaissance du nouveau gouvernement.
Toujours si pratiques ces Yanquis. Une solution typique de leur manuel « nation building », celui qui est plein des promesses, mais qui compte déjà trop d’échecs, le dernier étant ces élections honteuses en Afghanistan le 20 août. Le déjeuner gratuit n’existe pas. En Amérique Latine, cela a coûté trop de sang pour comprendre que les peuples ne tolèrent pas les leaders proscrits, ni ne supportent le lourd héritage d’un coup d’Etat impuni.
Lamentablement, à l’heure de choisir, beaucoup d’ex-colonies, continuent de se comporter comme des colonies, presque par inertie, surtout à l’heure de distribuer les fautes. Les vrais propriétaires des clefs pour dénouer le conflit sont les hommes politiques honduriens. Si les principaux candidats se retirent de ces élections illégitimes, ils forceraient le retour dans ses fonctions de Zelaya et dérangeraient la stratégie des Etats Unis de maintien du statu quo.
Ce scénario rendrait possible une vraie refondation du Honduras. Le point de départ serait une discussion sur l’outil principal de contrôle des groupes conservateurs et proétasuniens qui ont forcé la sortie de Zelaya.
Cet outil de domination est la Constitution hondurienne. Elle a été sanctionnée en 1982, en pleine guerre de contre-insurrection, quand ce pays était la plate-forme de lancement des opérations militaires et de l’intelligence du gouvernement de Ronald Reagan pour déstabiliser le gouvernement sandiniste et pour combattre le groupe de guérilleros du Salvador et Guatemala.
Une Constitution si rigide, que interdit même toute tentative pour la réformer, et en même temps si perfectible qu’il ne contemple pas même de processus de jugement politique pour un président accusé de la violer. On pourrait dire que c’est la contradiction qui a donné lieu à la crise politique hondurienne. Les erreurs de calcul de Zelaya et surtout l’ambition de pouvoir de la droite putschiste locale et internationale ils ont fait le reste.
La crise trouve à la région dans un état d’ébullition, sans grands drames mais avec quelques scénarii potentiellement explosives. La dispute entre le Pérou et le Chili par un cas d’espionnage, les tensions croissantes à la frontière entre la Colombie et la Venezuela, la menace putschiste qui aiguillonne le président paraguayen, l’affrontement entre gouvernement et entrepreneurs au Guatemala sont nuages qui s’accumulent sur l’horizon. Les nuages qui semblent prédire un changement d’époque.
Avant, sous la tutelle de Washington, plusieurs de ces conflits seraient déjà résolus ou dirigés vers un dénouement prévisible. Les scénarii qui peuvent être aperçues aujourd’hui pour l’Honduras et la région ne sont pas encourageants, mais ils ne sont pas non plus si catastrophiques comme quand tout était résolu par la baïonnette des Marines et le chéquier du FMI.
Les traces que laisse le repli étasunien - un repli tactique, stratégique, temporaire, permanent, cynique, sincère, opportuniste, inévitable : le temps le dira -ce sont des traces qu’ils conduisent à une scénario dense, fragmentée, fluide et imprévisible.
Un scénario sans divas ni des fins téléphonées, qu’invite à la construction collective. Ou bien, à l’émergence de nouveau leadership, à la création et au perfectionnement d’instruments régionaux, à la convergence économique, politique et culturelle, au paiement de dettes internes.
Des nouveaux acteurs, nouveau livret, un public qui s’est renouvelé. Le scénario a changé. Pas tout à fait, mais il a assez changé. Et qui a assez a coûté de le changer comme pour penser qu’il a seulement changé le décor.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
Página 12</U> . Buenos Aires, le 22 Novembre 2009.