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24 de noviembre de 2014

Néo-libéralisme, corporations médiatiques, sujet.

 

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Depuis Gramsci [1], « dans le champ émancipatoire », le pouvoir ne peut plus être réduit à son seul aspect coercitif et localisé. En suivant l’axe qui part de Gramsci et se poursuit avec Althusser [2], Foucault [3] et bien d’autres, nous observons que non seulement le pouvoir opprime, mais aussi qu’il fabrique des consensus, détermine l’orientation subjective et engendre une trame symbolique qui fonctionne de manière « invisible », rendant naturelles les idées dominantes et où, dans tous les cas, tel est le secret de son succès définitif, se dissimule sa nature de contrainte. Le comportement des médias influencé par les corporations dominantes se définit comme un acte d’énonciation qui cherche toujours à occulter, d’une part, son caractère historique, d’autre part les intérêts qu’il soutient sous couvert d’universalité. L’ordre symbolique qui sous-tend le néo-libéralisme fonctionne comme un dispositif rationnel qui feint de favoriser différentes formes de subjectivité, alors que sa répétition dans le circuit illimité du commerce poursuit son avancée permanente et circulaire. Cependant, dans la mesure où les moyens de communication, au-delà de leurs différentes modalités de transmission, s’appuient sur le langage, il est nécessaire, selon nous, de nous affranchir d’une confusion très commune entre les sciences sociales et les philosophies contemporaines concernées par cette question.

Il apparait fondamental de reconnaître que lorsqu’il s’agit d’ordre symbolique, de langage dans ses différentes variantes et modes d’apparition, il faille établir une distinction entre deux dimensions différentes de cet ordre. Tout d’abord signalons en préambule la « dépendance et la sujétion » de l’être doué de parole à l’ordre structurel ou ontologique du langage relatif au sujet. L’être vivant s’approprie le langage pour en faire un sujet, une telle acquisition se fait bien avant sa naissance et se poursuit après sa mort. Cette dépendance du sujet qui peut seulement s’établir comme telle, étant toujours une résultante du langage qui la précède, demande à être différenciée de celle établie sur des critères socio-historiques. Ce sont les deux aspects du symbolique qui, bien qu’ils apparaissent confondus dans la réalité dite phénoménale, obéissent à des logiques radicalement différentes. La première dépendance symbolique est indestructible et constitutive du sujet ; en revanche, la seconde, en tant qu’élaboration socio-historique est sujette à transformation selon les époques.

La spécificité explicite du néo-libéralisme vient de sa position de premier régime historique à essayer d’atteindre la première dépendance symbolique. Notons que c’est cette dépendance constitutive qui opère comme condition de legs historiques et héritages communs où la mémoire peut encore capter la douleur des exclus passés. Sous cet angle, le néo-libéralisme doit créer un “homme nouveau” engendré par son propre présent, indépendant de toute cause ou legs symbolique et précaire, « liquide », fluide et volatil comme un simple produit. Si un quelconque avis de ce que j’appellerais « la gauche lacanienne » doit être pris en compte, c’est bien celui qui démontre que la politique, aujourd’hui plus que jamais, doit s’opposer au « crime parfait » du néo-libéralisme, qui, dans son expansion contemporaine, tente, grâce à sa domination socio-historique, d’attenter et d’altérer sérieusement l’espace de l’accession du sujet dans le champ du langage. Ce que Lacan a si bien su établir.

Actuellement le néo-libéralisme conteste le champ du sens, la représentation et la production biopolitique de subjectivité. Et il y aura toujours des essayistes comme le sud-coréen Han, successeur de Baudrillard [4], bien que d’importance moindre, pour insister sur le fait que le crime parfait du capitalisme néo-libéral s’est définitivement perpétré. Mais la politique, dans la mesure où elle est mise en œuvre par des êtres doués de parole et ne peut donc être réduite à une simple gestion professionnelle, est la seule à pouvoir, de nos jours, faire jaillir et protéger le caractère imparfait de toute représentation. Par définition, le sujet est celui-là même qui ne peut jamais être complètement représenté, sa dépendance structurelle de langage l’interdisant. L’être doué de parole, sexué et mortel, assujetti au langage, ne trouve jamais en celui-ci une représentation significative de son intégralité. Voilà, en conclusion, la raison pour laquelle le néo-libéralisme, dans sa soif de représenter la totalité, jusqu’à disparaitre en tant que représentation, n’est pas la fin de l’histoire. C’est pour cela que nous devons insister sur l’énorme valeur politique qu’a, dans un projet émancipatoire, la distinction clé entre la dépendance du sujet dans son accession au langage et la domination socio-historique, qui, elle, n’épuise jamais le sujet par son ouverture aux possibilités d’une transformation à venir.

Jorge Alemán para Página 12

* Jorge Alemán Psicoanalista y consejero cultural de la embajada argentina en España.

Página 12. Buenos Aires, 20 novembre de 2014

Traduit de l’espagnol pour El Correo de: Florence Olier-Robine

El Correo. Paris, le 24 novembre 2014.

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Notas

[1Antonio Gramsci : Ecrivain et activiste politique. Membre fondateur du Parti Communiste Italien et Secrétaire Général du même (1924-1927) Emprisonné sous le régime mussolinien. NDLT

[2Louis Althusser (1918-1990) Philosophe français ; membre du Parti Communiste, il est à l’origine d’un important renouvellement de la pensée marxiste

[3Michel Foucault (1926-1984) Philosophe français dont les travaux portent sur les rapports entre pouvoir et savoir

[4Jean Baudrillard (1929-2007) Philosophe politique

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