Portada del sitio > Imperio y Resistencia > Capitalismo senil > Moishe Postone: « Repenser Le Capital à la lumière des Grundrisse »
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Ci-dessous un article de Moishe Postone assez fondamental pour comprendre de nombreux aspects de la nouvelle lecture du Marx de la maturité au sein de la mouvance de la Critique de la valeur. Cet article, traduit par Julien Bordier, est paru dans la revue francophone « Variations. Revue internationale de théorie critique » (octobre 2012) dans son numéro 17 sur la Critique du travail.
L’interprétation traditionnelle du capitalisme portée par les marxismes traditionnels est ici abandonnée parce que le capitalisme y est toujours interprété du point de vue du travail, parce qu’également de manière scandaleuse (« spécieuse » dira Postone), la théorie de Marx est assimilée à une continuation, à un peaufinage et un approfondissement de la théorie bourgeoise de David Ricardo, déjà formulée en partie par John Locke, sur la « valeur-travail », alors qu’elle rompt totalement avec elle, c’est-à-dire l’ensemble de ses présupposés (cf. TTDS, pp. 82-94). Les catégories marxiennes de la critique de l’économie politique, le statut du premier chapitre du « Capital », la théorie fondamentale du « caractère bifide » (Marx) du travail sous le capitalisme, mais encore le noyau social (qui n’est pas selon Marx le niveau de l’exploitation du surtravail), la contradiction de base (qui n’a rien à voir avec l’antagonisme social entre les classes) et la forme de dynamique du capitalisme (qui n’est pas la lutte des classes pourtant existante), sont grandement mésinterprétés par une très large variété de théoriciens marxistes ou post-marxistes aux XXe et XXIe siècles, de Rosa Luxemburg à David Harvey, en passant par Daniel Bensaïd, Pannekoek, Castoriadis, Althusser ou Paul Mattick, et tant d’autres.
Dans cette réinterprétation de l’oeuvre de la maturité de Marx, les « Grundrisse », ces brouillons préparatoires appelés également les Manuscrits de 1857-1858, constituent une clé majeure pour comprendre « Le Capital », sa structuration si particulière qui a échappé à tant de commentateurs, et ses catégories critiques introduites dès le premier chapitre. Publiés en 1939 en U.R.S.S., ils seront seulement traduits et édités en Occident à partir des années 1960, ouvrant dans les années 1970-1980, à des réinterprétations fondamentales de l’oeuvre de la maturité de Marx (l’historien et théoricien marxiste ukrainien Roman Rosdolsky, en fera dès 1967, une étude philologique sérieuse et très précise, poussant déjà l’interprétation de Marx au-delà du marxisme traditionnel, malgré certaines limites pointées ici par Anselm Jappe). Dans cette séquence qui suivra la publication et la découverte en Occident de l’extraordinaire richesse théorique contenue dans les « Grundrisse », la plus forte des réélaborations de la théorie de la maturité de Marx est sans nul doute le maître-ouvrage de Moishe Postone, « Temps, travail et domination sociale. Une réinterprétation de la théorie critique de Marx », qu’il mettra plus d’une quinzaine d’années à écrire, pour ne le faire paraître aux Etats-Unis qu’en 1993. « Ce livre a pris naissance il y a plusieurs années note Postone, alors que, préparant mon doctorat, j’ai découvert les Grundrisse de Marx. Au fil de la lecture, j’ai été frappé par les profondes implications du texte, qui m’ont suggéré une réinterprétation fondamentale de la théorie sociale critique du Marx de la maturité – une relecture qui romprait avec les principaux postulats du marxisme traditionnel » (TTDS, p. 589). Longtemps épuisée, la traduction française des « Grundrisse » est depuis 2011 à nouveau disponible aux éditions sociales pour le lecteur francophone, et qui plus est, traduits sous la responsabilité de Jean-Pierre Lefebvre qui a réalisé la seule traduction valable du « Capital », publiée en 1983 par ces mêmes éditions et rééditée ensuite par les PUF (les traductions de Joseph Roy/Marx ou de Maximilien Rubel étant complètement inutilisables pour travailler sur Marx en Français).
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L’intégralité du texte de Moishe Postone est disponible dans le PDF ci-dessous, sur cette page un extrait seulement du texte pourra être consulté.
Plan du texte :
Critique de la valeur. 24 novembre 2012.