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Tambours de guerre par les ondes
Par Humberto Márquez
IPS. Caracas, 10 février 2006.
Le gouvernement américain de George W Bush a demandé au Congrès de l’argent pour que la station émettrice de radio et télévision officielle La « Voix de l’Amérique "améliore sa diffusion d’informations " vers le Venezuela, avec qui il entretient une forte polémique politico-diplomatique.
La mesure répond apparemment à la diffusion de Telesur, une chaîne de télévision internationale de l’État vénézuélien en partenariat avec l’Argentine, Cuba et l’Uruguay, qui essaye de se constituer comme une reproduction régionale à l’image de la chaine arabe Al Jazeera, afin d’offrir "un point de vue du Sud sur les problèmes latino-américains", a rappelé à IPS son directeur, Aram Aharonian.
Telesur a commencé sa diffusion en juillet dernier, avec des films documentaires, longs métrages et des informations, accessible au Venezuela 24 heures sur 24 sur un canal pour abonnés, tandis qu’à Cuba sont transmis des résumés quotidiens aux stations émettrices étatiques et autres, alors que la diffusion commence ce week-end sur le canal Ciudad Abierta, du gouvernement de Buenos Aires.
Washington a expliqué que la Voix de l’Amérique "améliorera son information sur les Etats-Unis et le monde vers le Venezuela, Zimbabwe et Afghanistan", avec des coûts qui feront partie du budget 2007, qui commencera à entré en fonction en octobre.
Le conseil d’administration de la radio officielle, aussi identifiée comme « Voix des Etats-Unis de l’Amérique », a seulement annoncé un nouveau programme de télévision en Espagnol pour l’Amérique du Sud, sans offrir plus de détails.
Pour leur part, les porte-parole de Caracas ont affirmé que la proposition de Washington "fait part d’une politique interventionniste cautionnée par les législateurs de l’état de Floride, liés à la maffia anti cubaine de Miami".
Le président du Venezuela, Hugo Chavez, soutient continuellement que les Etats-Unis ont dans leur horizon stratégique, de le renverser, le tuer ou y compris envahir son pays.
Une déclaration du Ministère de l’Information de ce pays sud-américain a exprimé "indignation pour le gaspillage de l’argent des contribuables américains et la concurrence déloyale que représente la « Voix de l’Amérique » en transmettant ce que transmettent ici, avec égale inefficacité et à moindre coût, les médias de communication de l’opposition locale".
Quand Telesur a été lancée , le député de Floride Connie Mack, du Parti Républicain, a proposé à la Chambre des Représentants de promouvoir des émissions de radio et télévision pour "offrir aux vénézuéliens une information précise et objective", et pour résister "à l’antiaméricanisme (contre les Etats-Unis) " dont il devinait qu’il serait diffusé par ce canal latino-américain.
La semaine dernière la chaîne de télévision par satellite du Qatar A le Jazeera et Telesur ont signé à Doha un accord , pour échanger des programmes, partager des expériences de qualification journalistique et technique, et apporter un appui mutuel à leurs correspondants respectifs.
Mack est alors retourné à la charge, parce que l’alliance d’Al Jazeera-Telesur "a l’effet de créer une chaîne globale de télévision pour terroristes", puisqu’à son avis la station qatari "a fréquemment servi de porte-parole du terrorisme".
Selon Mack, Chávez "exagère". "cela ne lui a pas suffit de diffuser sa publicité socialiste en Amérique latine. Il est maintenant dans la même catégorie que la télévision terroriste originale ", il a ajouté.
Aharonian a dit n’avoir "aucun problème à passer des accords avec tout organisme, qui sont bénéfiques à notre canal. Je ne comprends pas sur quoi se base Mack. Nous continuons à croire dans des valeurs comme la démocratie, le pluralisme et la liberté d’expression ".
Caracas a considéré les déclarations de Mack comme "une insulte aux gouvernements d’Argentine, de Cuba, d’Uruguay et du Venezuela", ainsi « qu’une menace voilée", et a rappelé des rapports selon lesquels l’Administration Bush a proposé dans un passé récent de bombarder les installations de Al Jazeera à Doha.
Elizabeth Safar, ex directeur de l’Institut de Recherches de la Communication à Caracas, a dit à IPS que "ceci peut être compris comme une guerre des ondes, idéologique, politique et de propagande" entre les Etats-Unis et le Venezuela.
Toutefois, "l’efficacité de telles guerres est limitée, si nous surveillons ce qui est fait par Radio et TV Martí, dont les transmissions sont continuellement bloquées où sont interférées par le gouvernement de Fidel Castro ".
La Radio et la Télévision Martí a été créée il y a deux décennies par les Etats-Unis et diffuse des émissions expressément vers Cuba et reflète des points de vue de l’exil anticastriste.
"En revanche, la Voix de l’Amérique transmet une information avec davantage d’équilibre sur les points de vue américains, non pas vers un pays ou sur un sujet, mais à travers une diffusion partout dans le monde et dans beaucoup de langues", ont expliqué à IPS plusieurs de ses correspondants dans la région.
Pour Andres Cañizález, professeur de l’Université Catholique Andres Bello et auteur d’un rapport annuel sur la liberté d’expression au Venezuela, "le rapprochement avec ce qu’ont été Radio et TV Martí est évident ".
Mais "non seulement il s’agit de situations politiques différentes, mais ici, il n’existe pas un système de contrôle gouvernemental comme celui de Cuba sur ce qu’on diffuse ou pas. Malgré les dérapages, la liberté d’expression existe et fonctionne ", a jugé Cañizález.
Safar a rappelé que, depuis que le Congrès américain a décidé de contrecarrer Telesur, Chavez a annoncé qu’il utiliserait la même stratégie qu’ a employée La Havane, et il a évoqué le mur avec lequel Castro réplique aux messages que projette sur sa façade le bureau d’intérêts américains dans la capitale cubaine.
Selon le diagnostic de Safar, "au Venezuela il existe un gouvernement militariste et autoritaire qui restreint le droit à la libre circulation de l’information, par exemple avec les chaînes radio et TV obligatoires pour transmettre les messages du président, qui durent parfois jusqu’à sept heures", et avec ce style il est sûr qu’il réplique à une offensive ou une "guerre" d’ondes qui vient du Nord.
Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi