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2 août 2009

Le style Obama et l’Amérique Latine.
Raul Zibechi

par Raúl Zibechi *

 

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Six mois déjà se sont écoulés depuis que Barack Obama s’est installé à la Maison Blanche. Un temps bref mais suffisant pour observer des changements et une continuité dans la relation des États-Unis avec l’Amérique Latine. Certains analystes de renom soulignent les changements. "<U>Balance positivo</U>", Ignacio Ramonet titre ainsi sa colonne dans Le Monde Diplomatique, où il soutient qu’Obama n’a pas commis de graves erreurs, conserve un niveau élevé de popularité et a tenu ses principales promesses, notamment celle d’initier une « nouvelle ère » dans relations avec l’Amérique du Sud.

Sûrement l’opinion précédente est encore celle qui domine après les hésitation face au coup d’État au Honduras, qui a mené d’autres analystes à souligner la continuité de la politique extérieure de Washington. Il serait trop simpliste de conclure qu’il n’y a pas eu de changements. Obama arbore un nouveau discours avec des manières plus raffinées, comme cela a pu se voir lors de sa rencontre avec les présidents latinoaméricains, y compris les gestes aimables envers Hugo Chavez, et il semble essayer de comprendre le reste de monde, comme cela émerge de son discours du 4 juin au Caire. Très différent, certes, de l’arrogance du cowboy George W. Bush.

Les gestes et les manières ne sont pas des manifestations symboliques méprisables. L’humanité d’en bas a lutté et lutte encore pour être reconnue, pour sa dignité, qui ne peut pas se limiter à des sujets simplement matériels. Mais les seuls gestes ne suffisent pas. C’est sur le terrain et dans les moments chauds que doivent se matérialiser les changements, s’il est vrai qu’ils existent. Le Honduras est un test où l’administration d’Obama n’est pas très bien placée, mais on ne peut non plus lui imputer un appui direct aux putschistes. Il est encore trop tôt pour savoir comment cette crise sera résolue, bien que chaque jour qui passe sans le retour de Manuel Zelaya à la présidence est un triomphe des putschistes.

En Amérique Latine la région qui continue de brûler c’est la région andine et la Colombie. Qu’offre Obama de nouveau dans ce pays ? On pourrait dire que même pas les gestes qu’il prodigue dans d’autres scénarios. En Colombie le militarisme grandit, la présence militaire étasunienne progresse jusqu’à des niveaux pratiquement irréversibles et cela sous l’administration d’Obama.

Le retrait forcé du Commando Sud de la base de Manta en Équateur a mené le Pentagone à approfondir et à diversifier sa présence en Colombie. À travers le Plan Colombie, il utilise les installations militaires de Tres Esquinas et de Larandia au sud, en plus d’au moins trois autres bases. Maintenant la proposition est de disperser ce qui existait sur la base de Manta dans au moins trois bases aériennes et deux bases navales. Il est sur le point de terminer la négociation pour l’utilisation des bases aériennes d’Apiay, de Malambo et de Palanquero, et les ports de Tumaco et de Bahia Malaga sur le Pacifique. Avec la seule base de Palanquero (au centre du pays) le Commando Sud équilibre largement son retrait de Manta, puisqu’il bénéficie d’ une piste plus longue de 600 mètres, on peut loger 2 000 soldats et 100 navires et que les gigantesques C-17 peuvent y opérer ce qu’ils ne le faisaient pas sur la base équatorienne. Alfredo Molano avance la possibilité que la Colombie autorise qu’un porte-avions soit stationné dans les eaux du Caribe ou du Pacifique.

La nouvelle réartition des forces étasuniennes en Colombie lui permettra d’avancer sur des points clés : l’approfondissement du contrôle territorial des régions décisives de la Colombie, en particulier celles qui ayant des richesses dans leur sous-sol sont convoitées par les multinationales ; se projeter comme une ombre, Venezuela et l’Équateur, mais aussi le Pérou et le Brésil ; et augmenter le contrôle sur le Pacifique, en vue du commerce croissant entre la Chine et la région sudaméricaine, en particulier avec le Brésil et le Venezuela.

Il ne s’agit pas seulement d’une réponse militaire à la perte de la base de Manta, comme le soutiennent plusieurs analystes. Le nouveau déploiement cherche à s’ériger en réponse militaire intégrale, aussi bien politique qu’économique, au déclin stratégique de la superpuissance et à la crise qu’ elle traverse. En Amérique du Sud, la principale menace stratégique pour les États-Unis est l’alliance Chine-Brésil c’est-à-dire Chine-Amérique du Sud, qui a un pied dans l’IIRSA (l’Initiative pour l’Infrastructure de la Région Sudaméricaine), ensemble des travaux d’infrastructure capables de faciliter le flux commercial Pacifique-Atlantique. D’où l’importance de disposer de bases sur le Pacifique.

Bien que l’argument continue d’être le trafic de stupéfiants et le terrorisme, l’objectif est repositionner le Commando Sud comme un axe du contrôle étasunien dans la région. Nous savons que la base de Manta ne s’est jamais proposée de combattre le trafic de stupéfiants. « Manta est maintenant le premier port d’exportation de la drogue dans le pays », soutient Luis Ángel Saavedra, directeur de l’Inredh. Ce dont il s’agit, insiste-t-il c’est de la construction d’un « squelette militaire » permettant le contrôle rapide du Mexique jusqu’à la Patagonie, en articulant ainsi le Plan Puebla Panama avec le Plan la Colombie.

Pour cet repositionnement la Maison Blanche n’a pas hésité à renforcer son alliance avec l’extrême-droite colombienne, avec le président Alvaro Uribe et l’ex-ministre de la Défense, Manuel Santos, tous deux proches des paramilitaires. Même les plus ultras ont appris le langage politiquement correct qu’exigent les nouveaux temps. Le général Freddy Padilla, ministre de la Défense, est l’exemple des nouvelles manières, quand il assure que « on ne permet pas la création de bases militaires des Etats-Unis » et que « cela ne affectera pas d’autres états ». Il va plus loin ; il dit que le nouvel accord qui se négocie respecte la souveraineté de la Colombie, qui ne permettra pas le passage de troupes étrangères mais la coopération à travers le prêt d’installations colombiennes aux étasuniens.

La « nouvelle ère » promise par Obama peut seulement rester dans en paroles si la réalité continue d’être celle d’un contrôle impérial et d’une ingérence délibérée.

Traduit de l’espagnol pour <U>El Correo</U> par : Estelle et Carlos Debiasi.

<U>La Jornada</U> . Mexico, le 31 juillet 2009.

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