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Dossier realisé par Matthew Riemer
PINR 28 Avril 2003
La région des Andes qui regroupe le nord et l’ouest de l’Amérique du sud sera sans aucun doute d’un intérêt croissant pour l’administration Bush et le point focal de sa politique étrangère, la "guerre contre le terrorisme", au fur et à mesure que l’instabilité se répandra et que l’on s’attend à une augmentation de la production de pétrole dans la région.
Le Vénézuéla a fait la une des journaux à plusieurs reprises au cours de l’année écoulée, suite à la tentative de coup d’Etat d’Avril 2002. Le président Hugo Chavez avait été chassé du pouvoir mais il ne fallut que quelques heures aux loyalistes de sa propre armée pour le restaurer.
La tentative suivante de défaire le gouvernement démocratiquement élu du Vénézuéla, survint en décembre dernier lorsque les leaders de l’opposition poussèrent à une "grève générale" en signe de protestation contre la présidence de Chavez, même si, en réalité, il s’agissait d’un "lockout" car la plupart de ces opposants et les cadres des entreprises avaient fermé les lieux de travail, forçant ostensiblement la plupart des travailleurs à prendre part à la grève.
Après deux mois, la grève se brisa et, au grand désarroi de beaucoup à Washington, Chavez resta au pouvroir une fois de plus. Récemment, pour célébrer le premier anniversaire du coup manqué, les supporters de Chavez organisèrent des rencontres à Caracas.
L’année qui vient de s’écouler a été acclamée comme porteuse de beaucoup de victoires pour les mouvements gauchistes au Vénézuéla, dans la région, et dans l’hémisphère en général. De toute évidence, cela n’est pas passé inaperçu à Washington. Le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, a observé la semaine dernière qu’il avait "des inquiétudes à propos de l’attachement de Chavez aux genres d’institutions démocratiques que nous croyons vitales dans une démocratie."
Au cours de ces récentes semaines, le Vénézuéla s’est illustré par son engagement dans les affaires de son crucial voisin occidental, la Colombie. Bogota, de même que des éléments anti-Chavez au Vénézuéla, ont accusé Caracas de non seulement sympathiser mais aussi d’aider et de recuellir les guérilleros gauchistes colombiens sur le sol vénézuélien, dans des zones frontalières reculées. Le gouvernement colombien, alerté par ses propres villageois habitant le long de la frontière nord-est avec le Vénézuéla, est en train de conduire une enquête sur des soit-disant attaques militaires par l’armée vénezuélienne à l’interieur des frontières colombiennes contre des forces paramilitaires de droite engagées avec les Forces Armées Révolutionnaires de la Colombie (FARC).
Le vice-président vénézuélien, Jose Vicente Rangal, a rejeté de telles allégations, affirmant que des paramilitaires colombiens avaient traversé la frontière vénézuélienne: "C’est un tissu de mensonges concocté en permanence pour discréditer le Vénézuéla et lui donner l’air d’ être un refuge pour les guérillas ainsi que d’autres éléments engagés dans la violence en Colombie."
Chavez est supposé rencontrer le président colombien nouvellement élu, Alvaro Uribe, le 23 Avril, pour adresser ces problèmes ainsi que d’autres d’intérêt global.
Du côté de Washington, l’éditorial du 16 Avril du Washington Times est une indication sur la manière dont on voit la situation. En effet, celui-ci observait avec alarmement: "Les narcotiques de la Colombie et les cabales terroristes répandent la violence au-delà de la Colombie. Ils ont trouvé asile au Vénézuéla, cultivent le coca au Pérou, sont derrière une partie de la violence liée à la drogue au Brésil et mènent des raids en Equateur. Cet aspect régional du problème colombien a développé une dynamique fort dangereuse. Des témoins occulaires déclarent que l’armée vénézuélienne a décidé de quels groupes de narco-terroristes soutenir, et bombardent leurs adversaires en Colombie. Jusque-là, la réponse colombienne a été limitée. Mais si de pareils bombardements continuent, la situation peut conduire à un conflit."
De pareils évènements et de telles réactions illustrent à quel point n’importe quelle région dans le monde peut être modelée et conditionnée pour s’accorder avec le paradigme de la "guerre contre le terrorisme". Du côté de Bogota, l’administration Uribe sait qu’elle peut facilement gagner l’attention de Washington avec l’utilisation de la rhétorique "guerre contre le terrorisme". La seule chose qu’on ait besoin de souligner est la gravité d’une situation donnée ou de justifier ses actions en taxant ses ennemis de "terroristes."
Chavez, Rangal, et les autres membres du leadership vénézuélien sont bien imprégnés de l’efficacité de ce genre de propagande, quand bien même se trouvant accusés aujourd’hui, devant se défendre contres les différentes allégations de "terrorisme".
Feigant un air indifférent et réservé, Washington ne l’est pas en réalité, ayant exprimé son inquiétude et son engagement du côté de la Colombie plusieurs fois lors de l’année écoulée. Dans son discours du 4 décembre à Bogota, Colin Powel avait promis à la Colombie: "à mon retour à Washington, j’ai l’intention de présenter une plaidoirie au Congrès pour soutenir pleinement nos programmes en Colombie. Ceci est une collaboration qui marche et dans lequel on doit continuer d’investir." Il ajouta plus tard: "Je voudrais pouvoir obtenir plus de fonds pour le Plan Colombia mais, comme vous le savez, ils y a des limites à ce que les Etats-unis peuvent faire à l’intérieur de notre propre pays et dans le monde."
La Colombie a aussi été mentionnée de manière notable dans le rapport de l’année 2002 du département d’Etat à propos des droits de l’homme comme étant la source de 44% des attaques terroristes contre les intérêts américains par l’intermédiaire du FARC.
La production pétrolière de la Colombie, bien que de très loin inférieure à celle du Vénézuéla, est malgré tout l’une des plus grandes de l’Amérique latine. Beaucoup de compagnies étrangères telles que Occidental Petroleum de Los Angeles y ont des investissements non-négligeables. La production d’or noir de l’Equateur est aussi supposée augmenter dans les années à venir et peut atteindre 600.000 barils par jour d’ici 2005.
Présentement, le gouvernement vénézuélien déclare avoir la "preuve" que les USA étaient impliqués dans la tentative de coup d’Etat d’Avril 2002 contre Hugo Chavez. Sans grande surprise, l’embassade américaine à Caracas à nier ces allégations, les traitant de pures mensonges.
Avec les récentes élections de Lula da Silva au Brésil et Lucio Gutierrez en Equateur, tous deux considérés comme des populistes par nature et ayant une tendance à rendre les néo-libéraux nerveux à propos de l’état de l’économie sud-américaine, le gouvernement pro-américain d’Alvaro Uribe en Colombie se sent un peu isolé.
Du fait de la concommittence de beaucoup d’évènements-clés telles la popularité des leaders "gauchistes", Chavez, Lula et Gutierrez, la tension continuelle et les frictions entre Washington et Caracas, la soi-disante implication grandissante du Vénézuéla dans la guerre civile colombienne et l’importance du FARC étant à l’origine de 44% des attaques terroristes contre les intérêts américains, de même que l’importance croissante du pétrole sud-américan ces 25 dernières années, les Etats-unis ne pourront que s’impliquer plus intimement dans les affaires de la région.
Traduit de l’Anglais par Mamadou Tounkara.
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