Accueil > Empire et Résistance > Capitalisme sénile > La réalité est complexe. Suite sur « la crise » de l’Islande et de Chypre.
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Voyez ces lignes comme une autocritique, pas de ce que j’ai dit dans mon article précédent à propos ses cas de l’Islande et de Chypre, mais pour ce qu’il me restait à dire, puisque parfois, involontairement, le silence avalise le « bon sens » dominant (qui est conservateur et réactionnaire).
J’ai voulu déplacer l’attention du terrain occupé par les économistes (qui se préoccupent surtout de l’évolution du PIB et du caractère néoclassique ou keynésien des recettes qu’ils prescrivent) pour rappeler que ce sont les êtres humains qui établissent les relations économiques et par conséquent, racontent l’histoire, les traditions démocratiques et de lutte et la diversité dans la structure de classes de pays confrontés au même défi, ainsi que la présence ou l’absence de dirigeants qui, d’une certaine manière ont favorisé la préparation des changements et la volonté des peuples d’assumer leur destin. En laissant de côté le contexte international différent, j’ai voulu souligner qu’il n’y a jamais qu’une seule solution pour un problème et que la rébellion islandaise a mené à la croissance actuelle de près de 3 % tandis que l’arrangement chypriote mènera à une chute du PIB d’un cinquième, au moins pendant encore six ans.
La lecture postérieure d’un article documenté et important de Michael Roberts (« Après la crise de Chypre : la rentabilité, la crise de l’euro et les mythes islandais », dans la revue Sinpermiso en espagnol), m’a rappelé l’océan d’encre qui était resté dans mon encrier. En premier lieu parce que, évidemment, il n’y a pas de crise de Chypre ou de l’Islande, mais une crise dans ces pays, comme expression locale de la crise générale du capitalisme. Évidemment, de cette crise générale on ne peut sortir avec des politiques capitalistes et par conséquent l’alternative est fausse entre le keynésianisme et l’austérité déprimante de type orthodoxe, puisque les deux politiques (celle de Krugman et de Stiglitz, dévaluationiste, et celle de Bruxelles) se préoccupent de sauver fondamentalement le capital et donnent pour acquis que les victimes de celui-ci doivent payer les catastrophes causées par leurs exploiteurs et oppresseurs.
En effet, comme j’ai écrit, les islandais ont fait tomber un gouvernement ; ils ont imposé une nouvelle Constitution, qui inclut de soumettre à des referendums les questions importantes ; ils ont refusé par referendum le paiement de la dette extérieure contractée par les spéculateurs et étatisés les banques. Mais, comme le démontre Roberts, quand en subsistant le système, aujourd’hui, à quatre ans du choc de 2008 et de la mobilisation populaire, deux des trois banques principales en faillite ont été cédés à leurs créanciers et devant la justice parmi les délinquants financiers seuls les deuxième couteaux sont allés en prison. De plus, et surtout, la dévaluation de la monnaie souveraine que Krugman recommande comment une solution aussi pour Chypre, avec une rupture avec l’euro, si elle stimulera les exportations et les investissements, c’est parce que cela réduit les coûts pour le capital en diminuant cruellement les revenus et les salaires en monnaie locale et offre à ce dernier une partie importante du niveau de vie précédent des travailleurs. Ainsi, est sortie, l’Argentine de la crise de 2001 et ainsi l’Islande est sortie de celle de 2008, et le pourcentage du PIB correspondant au travail, même avec la croissance postérieure, n’a pas encore dépassé les années (déjà mauvaises) de fin de 90 et subsistent, des poches de misère et de chômage.
Alors : toutes les politiques se valent et il n’y a pas de solution ?
Non, elles ne se valent pas. Quelques politiques capitalistes sont plus féroces que d’autres. Ce n’est pas la même chose que depuis l’étranger on t’impose l’esclavage jusqu’à ce que tu paies des dettes étrangères, comme à Chypre, que tomber dans un régime de servitude pour, aux dépens d’une réduction de tes revenus, comme en Islande, renforcer pour des années le pouvoir de ceux qui t’ont coulé et qui t’ont soumis. Oui, il n’y a pas de solution à l’exploitation avec des politiques destinées à perpétuer le régime des exploiteurs et en revanche elle existe, si la logique du capital est ignorée.
Il est possible d’ignorer la dette qui n’a pas été préalablement déclarée légitime par un audit qui analyse, cas par cas, qui et pourquoi il a-t- elle été contractée. Les banques peuvent être étatisés et destinées à des crédits à la production et à l’investissement, aux coopératives, à des mutualités, des groupes de producteurs-consommateurs, des agriculteurs. Rien n’empêche d’établir un contrôle des changes, d’importer seulement le nécessaire pour la production et la consommation, d’établir le monopole étatique du commerce extérieur, de toucher des impôts directs proportionnels aux revenus, d’éliminer la TVA et d’autres impôts indirects pour promouvoir la consommation. Il est possible de faire un plan de choc de création de postes productifs et de stimuler les coopératives. Toutes ces mesures – bien qu’elles ne sortent pas du capitalisme – affectent les rentiers de toute espèce, l’usure, les monopoles et favorisent les petits producteurs. Surtout, elles combattent la démoralisation, encouragent la résistance, diminuent l’aliénation et la naturalisation du capitalisme, permettent à la population de s’auto organiser, de proposer des plans, d’assumer des responsabilités, de gouverner et donnent lieu à un appareil étatique plus dépendant de la volonté populaire et plus flexible qui pourra établir un autre système d’alliances internationales, toujours dans le marché mondial capitaliste, mais avec une plus grande liberté d’action. Bien sûr, ce capitalisme de l’État démocratique n’a rien de socialiste, mais il ne correspond pas aux intérêts politiques du grand capital et cela pourrait être un point d’appui pour de nouvelles luttes et un exemple pour d’autres pays.
Mais une telle politique a besoin de quelqu’un qui lutte pour l’expliquer, pour démontrer sa viabilité, pour commencer à l’appliquer avec l’organisation des travailleurs. Cela nous porte de nouveau vers la nécessité de la volonté politique pour rendre possible une alternative qui existe, mais qui dépend de la conscience, l’organisation et de la décision des exploités.
Guillerlo Almeyra pour La Jornada
La Jornada. Mexique, le 7 avril 2013.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi
El Correo. Paris, le 8 avril 2013.
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* Guillermo Almeyra Historien, chercheur et journaliste. Docteur en Sciences Politiques (Univ. Paris VIII), professeur-chercheur de l’Université Autonome Métropolitaine, unité Xochimilco, de Mexico, professeur de Politique Contemporaine de la Faculté de Sciences Politiques et Sociales de l’Université Nationale Autonome de México. Domaine de recherche : mouvements sociaux, mondialisation. Journaliste à La Jornada, Mexique. |