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6 novembre 2010

Quand la chasse à l’immigrant rapporte plus que la main d’œuvre pas chère

La grande affaire de la chasse aux sans papiers aux Etats-Unis

par Juan Gelman *

 

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On peut tout faire pour de l’argent aux Etats-Unis, même sur des immigrants sur le point d’être déportés. Quelques entreprises privées administrent les prisons par lesquelles près d’un million de sans papiers sont passés en attendant leur expulsion et dans des conditions cauchemardesques : des femmes et des enfants violés par les gardiens et des morts causées faute d’une attention médicale minimale. Les plus importantes sont le Corrections Corporation of America (CCA) et le GEO Group, financées par le gouvernement elles jouissent du plein soutien de Wall Street. Ce n’est donc pas bizarre alors qu’elles encouragent fortement la criminalisation et l’emprisonnement des habitants de l’Amérique Centrale, Mexicains et d’autres qui sont entrés dans la puissance du Nord à la recherche d’un travail.

La T. Don Hutton, une vraie prison dont le siège est Taylor au Texas, est un cas criant : aux premiers jours de mars 2006 on a commencé à y enfermer les parents et leurs enfants qui allaient être extradés et les rapports et les plaintes n’ont pas tardé à arriver sur le mauvais traitement que le personnel de la CCA administrait aux enfants. L’union Américaine des Libertés Civiles (ACLU, par ses initiales en anglais) a établi les faits dans une plainte judiciaire et il a été interdit de loger des familles dans T. Don Hutton, seules pouvaient être admises les femmes (www.aclu.org, 26/8/07). Le remède fut pire que la maladie : les abus sexuels et viols ont augmenté (www.aclu.org, 20/8/10). La Maison Blanche s’occupe d’autres choses, des guerres, par exemple.

Les prisonniers doivent payer leur protection médicale et ceux qu’ils le peuvent c’est difficile et voire impossible : au centre d’arrêt du comté texan de Reeves cinq hommes sont morts entre août 2008 et mars 2009 – dont deux suicides – par manque de soins. Le 12 décembre 2008 Jésus Manuel Galindo, atteint d’épilepsie est décédé enfermé à l’isolement, et les gardiens ont retiré son corps dans un sac. Cela a déclenché à la mi journée une importante mutinerie : le 12 décembre l’on célèbre le Jour de la Vierge de Guadeloupe, un Hondurien et un Mexicain enfermé dans un cachot ont brûlé un matelas et les autres détenus ont obligé leurs surveillants à les libérer (www.texasobserver, 7/10/09). Des policiers, Rangers, agents du FBI, et des membres du Département de Sécurité publique sont arrivés, mais ils n’ont pas pu étouffer la révolte.

Les négociations ont commencé et les intermédiaires ont découvert, à leur surprise, qu’il ne s’agissait pas d’un affrontement de gang, d’une question raciale ou d’une explosion spontanée de violence : les demandes des prisonniers portaient sur les conditions auxquels le Group GEO les soumets. Ils ont exigé une réunion avec des membres du Consulat mexicain, le FBI et les gardiens pour exposer leurs revendications. Dans l’après-midi, une délégation de sept détenus – un Vénézuélien, un Nigérian, un Cubain et quatre Mexicains – ont dénoncé la nourriture immangeable, l’abus de l’isolement pour punir ceux qui demandaient un traitement médical et, surtout et avant tout, un manque complet de soins dans ce domaine. Les autorités ont promis des solutions et la mutinerie a pris fin le jour suivant.

Des promesses sont des promesses et moins de deux mois après, le 31 janvier 2009 les prisonniers ont à nouveau pris le contrôle de la prison. Cette fois la rébellion a duré cinq jours et le coût des dommages causés par la répression et la résistance s’est élevé à 20 millions de dollars. Le GEO Group a été obligé de payer des compensations pour les mauvais traitements que son personnel avait infligés aux détenus en Pennsylvanie, Texas, Illinois et le Nouveau Mexique – jusqu’à 40 millions de dollars pour la mort d’un prisonnier à Raymondville – mais cela n’a pas beaucoup abîmé ses finances : il amasse 1,7 milliard annuel.

Le site Seeking Alpha, qui présente des analyses de marché très suivies par Wall Street, a révélé que les revenus de la CCA s’élevaient à 1600 millions de dollars dans 19 états, avec une marge de gain de 9,4 % (//seekingalpha.com, 23/3/10). Et pas étonnant que dans le budget fédéral, la rubrique répression aux immigrants occupe chaque année plus d’espace. Ces entreprises pratiquent un lobby très efficace dans les départements gouvernementaux compétents : chaque dollar que le GEO Group a investi dans l’activité précitée dans la période 2005/2009 est devenu 662 billets verts dans les contrats qu’il a obtenus pour un montant total de presque un milliard de dollars. C’est ainsi que l’investissement du gouvernement dans ce domaine a augmenté 51 % de 2006 à aujourd’hui.

La Maison Blanche applique la législation approuvée en 1995 avec plus de dureté chaque fois. Le nombre d’agents pour arrêter les immigrants sur les lieux de travail, le voisinage et même aux arrêts de transport public et stations du métro a doublé en 2007 par rapport à 2006, selon les derniers chiffres connus, et la quantité des détenus est passée d’environ 250.000 à plus de 310.000 dans ce laps de temps. Cependant, les cerveaux de Wall Street conseillent à leurs clients d’acheter des actions de la CCA et du GEO Group. Poursuivre, arrêter et déporter des immigrants est une bonne affaire aux Etats-Unis.

Página 12 . Le Buenos Aires, le 31 octobre 2010.

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