Portada del sitio > Argentina > Economía > La disparition de la « bourgeoisie nationale » argentine continue à grand pas.
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Dans l’Argentine de l’après-parité avec le dollar, la croissance économique permet de faire de bonnes affaires. Cependant le patronat argentin continue de se détacher de ses entreprises. La progression de la prise en main de notre industrie nationale par des mains étrangères ouvre des doutes sérieux sur notre développement futur.
Pendant des décennies dans notre pays et en Amérique Latine on discutait du fait qu’un projet de développement requerrait l’existence d’une « bourgeoisie supposée nationale ». On comprenait par cela un large groupe d’entreprises locales participant à la croissance d’un marché interne et, éventuellement, au succès à l’exportation de ses produits. Des rivières d’encre ont couru sur l’existence et la conduite de ce secteur social.
Dans notre pays, sans tomber dans des considérations historiques sur son rôle au cours du XXe siècle, le débat s’est « soldé » par un fait irréfutable : si cette bourgeoisie avait existé, et si à un quelconque moment, elle avait joué un rôle favorable dans la croissance d’un marché, tout cela était terminé. Des centaines de milliers de petites entreprises moyennes, le cœur de l’industrie locale, a fait faillite à la première chaleur de la désindustrialisation de la dictature militaire. Et ensuite leurs restes héroïques ont été dépecés par les ajustements de la décennie des années 80, l’hyperinflation de 89/90 et, si quelque chose restait, par la nouvelle ouverture économique de la décennie menemiste.
Cependant, jamais la disparition, évidemment, touche le fond. Et, après la dévaluation de 2002, et en particulier depuis la rhétorique du gouvernement de Kirchner, on a à nouveau commencé à écouter le discours d’un nouveau « modèle » de développement avec axe une bourgeoisie supposée nationale. Mais les chiffres ne semblent pas donner raison à ce type de récits. Et tous les deux mois les titres des quotidiens nous réveillent avec la vente à des mains étrangères d’une autre marque argentine.
Quelques chiffres
En 1993, 44 % des 500 entreprises « leaders » qui opéraient dans le pays étaient détenues par des capitaux étrangers. Cela reflétait déjà le processus pointu de désindustrialisation et les faillites des entreprises locales précédemment cité. Et aussi commençait, par le biais des privatisations, à être une « vague » d’entrée de capital étranger. Aujourd’hui, après quelques années d’une certaine « substitution des importations », les chiffres sont terribles : 72 % des 500 premières entreprises sont détenues par des capitaux étrangers. En 1993 il y avait 25 entreprises nationales parmi les premières 200 ; en 2000 seulement 9 restaient et actuellement il en reste à peine environ 5. Si nous nous en remettons exclusivement au bilan du gouvernement de Kirchner, nous savons que pendant sa gestion se sont vendues 438 entreprises d’une valeur de 18.700 millions de dollars.
La liste est terrifiante : Sont passés à des mains étrangères des fleurons du tissu local industriel comme Alpargatas, Acindar, Quilmes, Loma Negra, Bieckert et Palermo, la filière viande comme Swift (et d’autres), Grafa (textile), Gatic (textile), Fargo(boulangerie industrielle) et la compagnie pétrolière Pérez Companc. Dans les années 90 c’était l’ère du débarquement espagnol, accompagné par le capital omniprésent étasunien. Maintenant les États-Unis (34 % du capital investi dans les nouvelles acquisitions) sont toujours présents mais la nouvelle étoile est le Brésil, qui représente 24 % des nouvelles acquisitions.
Si nous faisons un bilan un peu plus large, en plus des entreprises mentionnées, les « noms » de marques argentines classiques suivants sont passés à des mains étrangères dans les dix dernières années : les Supermarchés Disco, Terrabusi, Bagley, Canale, Fargo, Commercial del Plata, EG3, les Supermarchés Nord, les Supermarchés TIA, mais aussi Banco de Crédito Argentino, Banco Río, les Caves Norton, Trapiche et Peñaflor, et jusqu’à une entreprise de télécommunications comme Impsat.
Les brésiliens arrivent
Il y a un vrai débarquement brésilien dans le secteur du textile : Alpargatas qui a fini dévorée par sa ’jumelle’ de San Pablo mais dans les faits elle a été acquise par Cabargo Correa, il faut ajouter Paquetá, avec son usine à Chivilcoy (ville), qui exploite les marques Adidas et Diadora. En réalité, ils cherchent à profiter de la différence de change avec la monnaie argentine pour produire bon marché dans le pays et tout de suite réexporter et vendre aux brésiliens. Dans le cas de Camargo Correa, son intérêt ne s’en tient pas au secteur textile, bien que déjà avant ils étaient dans Grafa. Mais c’est la même firme qui, il-y-a deux ans environ, avait ramassé Loma Negra, le plus grand cimentier argentin. Et qui, « comme si de rien n’était », est resté avec la concession du Chemin de Fer du Sud.
La présence brésilienne est incroyable : en juillet 2002 les firmes originaires de ce pays ont acquis 58 % de Perez Companc, de la deuxième compagnie pétrolière du pays. Ensuite a suivi le cas de Loma Negra en avril 2005. Et depuis ont suivi le groupe JBS-Friboi qui a acheté des abattoirs comme Swift, l’ex- CEPA, des Consignations D’élevage et Col Car ; de son coté Marfrig est présent avec Quickfood (le propriétaire de la marque Paty), les Estancias du Sud et de Maryí. En 2006, le groupe In-Bev (ex-Ambev, ex Brama) a fini par acheter par « morceau » Quilmes, qui contrôle 60 % du marché de la bière et Baesa, la propriétaire locale de Pepsi. Les brésiliens ont aussi collaboré à la dénationalisation du négoce de l’acier : Belgo Minería avec Acíndar bien qu’aujourd’hui, par les « tranferts » de la globalisation, l’entreprise finît contrôlée par les Espagnols.
Bien que étasuniens et brésiliens sont ceux qui apparaissent comme gagnants quant au nombre d’entreprises acquises et aux millions de dollars sur le tapis, les Chiliens (très actifs dans les branches du commerce, où ils concentrent leur pouvoir dans les hypermarchés) ne sont pas absents et certains « récemment arrivés » : l’indien Arcelor-Mittal (numéro un mondial de sidérurgie) a acheté ce qui restait d’Acindar. Il y a même eu des rumeurs à la Bourse du Buenos Aires qu’il ferait une offre hostile sur Ternium, l’entreprise phare du Groupe Techint.
Pourquoi vendent-ils?
La première réponse consiste en ce que les entreprises argentines sont extrêmement bon marché en dollars. Sans en parler en euros, vue l’actuelle dévalorisation de la monnaie yankee sur les marchés financiers internationaux. Et, plus encore, avec un real brésilien réévalué de 40 % contre le dollar et le peso argentin, y compris quand l’affaire est bonne si nous faisons les comptes dans la monnaie brésilienne. Si bien que la politique du peso « bon marché » n’a pas nécessairement pour résultat le bienfait de l’industrie locale.
Le deuxième motif est la propre composition et la conduite de la soi-disant « bourgeoisie nationale ». Les nouveaux « bourgeois » qui apparaissent à côté du gouvernement n’arrêtent pas de profiter comme toujours de l’engagement de l’État (devenant « spécialistes » dans ce domaine), comme Sergio Taselli ou les gens de Pampa Holding. Leurs affaires sont liées à ce champ. Ou, tout au plus, ils apparaissent comme « des acheteurs » dans la rubrique financière : s’il y a un secteur où il y a eu « une avancée » des capitaux argentins, c’est juste et exclusivement dans le bancaire : les banques Patagonia, Macro ou Comafi ont grandi grâce à la sortie du pays de la Scottia Bank, Sudameris et la Société Générale. Peu et rien (plus rien que peu) dans le secteur industriel. Et les exceptions, les grands groupes Techint et Arcor, que continuent à se développer, le font avec des affaires qui ne sont plus en Argentine : leurs investissements sont au Brésil, Venezuela, Mexique, Canada ou en Asie.
Et la troisième cause de ce passage des entreprises à des mains étrangères, c’est l’inaction d’un gouvernement, au-delà de la rhétorique, qui n’a absolument rien fait pour freiner cette vague. En fait, une seule fois il est intervenu, quand s’est posée la vente de la Sancor à la française Adeco Agro, générant d’immenses protestations chez les membres des Coopératives Laitières de Santa Fé. Là oui il y a eu une série de mouvements qui ont culminé avec l’obtention de crédits et de nouveaux marchés de la part du Venezuela qui ont évité la vente de la compagnie. Mais c’était l’exception à la règle.
Elle n’existe pas
La réalité est qu’une « bourgeoisie nationale » intéressée au développement capitaliste indépendant de notre pays n’existe pas. Elle ne le semble pas l’être notre classe entrepreneuriale qui - après avoir ô combien bénéficié d’affaires, quand les roulettes financières sont passées sur nos terres, ou vécu des contrats publics - depuis plus d’une décennie a choisi de se détacher directement de ses propres actifs physiques. Les travailleurs argentins nous devons avoir un débat profond sur quel secteur social sera capable de mouiller la chemise pour porter un projet de développement de notre économie qui, pour une fois, sera la réponse aux urgences et aux besoins populaires toujours reportés.
José Castillo est Économiste. Professeur d’Économie Politique et de Sociologie Politique à l’UBA. Membre de l’EDI (les Économistes de Gauche).
Argenpress /La Arena. Argentine, le 26 octobre 2007.
Traduction de l’espagnol pour El Correo de : de Estelle et Carlos Debiasi.