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16 février 2005

L’idée d’une réactivation andine de ce que fut « l’Opération Condor » dans les années 70 grandit.

 

L’enlèvement d’un leader des FARC au Venezuela ranime la « guerre sale ». Le gouvernement de Chavez investigue les cinq militaires qu’ont capturé le dirigent rebelle des Farcs.

Par Stella Calloni
La Jornada. México, 21 janvier 2005.

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L’enlèvement d’un dirigeant de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) le 14 décembre passé au Venezuela, qui a ensuite été livré au gouvernement d’Alvaro Uribe, a lancé l’idée d’une réactivation andine de ce que fut « l’Opération Condor », la coordination criminelle des dictatures du Cône sud dans les années 70 [1]

Le « Plan Condor » a été conçu par l’Agence centrale de renseignement états-unienne (CIA) et mis en route en 1974 par la dictature d’Augusto Pinochet au Chili. Puis, il fut « institutionnalisé » quand s’installa, en mars 1976, la junte militaire en Argentine. Il regroupait le Chili, l’Argentine, la Bolivie, le Paraguay et l’Uruguay dans une coordination pour surveiller, échanger entre services secrets des renseignements et des prisonniers politiques, assassiner et faire disparaître.

Mais l’ombre du crime s’est étendue à d’autres pays d’Amérique latine. Dans les archives du « Condor » au Paraguay, découvertes dans les années 90, on a retrouvé des demandes d’information sur l’emplacement et le suivi des dissidents politiques du Cône sud dans plusieurs pays dont, en plus de ceux déjà cités, la Colombie, le Venezuela et le Pérou.

On a peu enquêté sur la participation des services de sécurité colombiens ou de la Direction de la sécurité et des renseignements vénézuélienne (Disip) durant ces années. Il y avait alors au Venezuela, par exemple, une présence active de groupes cubains anti-castristes dont le siège était à Miami. En faisaient partie des gens comme Luis Posada Carriles qui, en 1976, a dirigé depuis Caracas l’attentat contre l’avion de Cubana Aviación qui explosa sur la Barbade, faisant 73 morts.

L’opération d’enlèvement de Rodrigo Granda, considéré comme « l’ambassadeur » des FARC, a pu s’inspirer du « Condor » et a été en outre utilisé, dans ce cas, pour saper les bases du gouvernement d’Hugo Chavez, au moment où la pression états-unienne contre ce pays est en recrudescence et où la secrétaire d’Etat des Etats-Unis vient de définir le Venezuela, dans son intervention au Sénat, comme une « influence négative » en Amérique latine.

Des antécédents en Equateur

Un cas antécédent à celui de Granda fut la capture en Equateur - mais dans le contexte cette fois d’une demande d’Interpol et avec le consentement du gouvernement local- du dirigeant des FARC Simón Trinidad, qui fut ensuite remis à la Colombie puis extradé le 31 décembre aux Etats-Unis qui le réclament, comme d’autres chefs de la guérilla colombienne, pour des « soupçons » de narcotrafic.

Ce qui est certain, c’est que le versement d’argent à des membres des services de sécurité vénézuéliens pour collaborer à l’enlèvement -ce qu’a admis le président colombien Uribe dans le cas Granda, bien qu’il ait parlé d’une « récompense » pour les agents vénézuéliens qui ont livré le guérillero- fut aussi utilisé par des dictateurs comme Pinochet, avec ses associés de la Triple A (Alliance anticommuniste argentine) qui collaborèrent à des assassinats. On peut citer comme exemple le meurtre du général chilien constitutionnaliste [opposé au coup d’Etat] Carlos Prats et de sa femme Sofía à Buenos Aires en septembre 1974, c’est-à-dire avant l’arrivée de la dictature [argentine] en 1976.

Les membres des agences de sécurité de la région jouissaient de bénéfices économiques quand ils réalisaient ces opérations pour éliminer des opposants des dictatures voisines qui s’étaient réfugiés dans le pays ou cherchaient à s’enfuir.

Au Venezuela, le procureur général Isaías Rodriguez a décidé d’ouvrir une enquête contre le ministre de la Défense colombien, Jorge Alberto Uribe, pour déterminer s’il a commis un délit en soudoyant des fonctionnaires vénézuéliens. Les cinq militaires accusés d’être les auteurs matériels de l’enlèvement de Granda ont déjà été présentés devant un tribunal militaire qui a ordonné leur réclusion au Centro Procesador de Militares.

Accusés de « trahison à la patrie, abus d’autorité, manque à l’honneur militaire et mise en péril de l’indépendance du pays et de ses relations avec les autres nations », ces militaires ont reproduit un schéma de la « guerre sale », qui a provoqué un grave conflit bilatéral pour le gouvernement de Chavez.
C’est le même schéma d’action que dans le Chili de Salvador Allende, le président constitutionnel qui a préféré mourir dans le palais présidentiel de La Moneda, bombardé par les putschistes menés par Pinochet.

Beaucoup de ces personnages du passé, expérimentés dans ce type d’action en Colombie comme au Venezuela, et des vétérans du « Condor » - retranchés derrière leur impunité - pourraient être de retour.

Rappelons que Posadas Carriles, tout comme Guillermo Novo Sampo - qui prit part à l’assassinat à Washington d’Orlando Letelier, ministre des Affaires étrangères d’Allende - ne se sont pas retirés mais sont libres, après avoir été détenus au Panama suite à leur tentative d’assassinat du président cubain Fidel Castro, pendant qu’il assistait, dans ce même pays, à la Conférence Ibéro-américaine en 2000.

Les archives du « Condor » du Paraguay montrent que des demandes d’information ont été requises par les régimes du Cône sud à la Colombie (qui figure dans les rapports comme Col), au Venezuela (Ven) et au Pérou (Pe), comme le dévoilent plusieurs documents.

En 1978, des groupes de militaires et de policiers argentins ont participé en Colombie à la persécution d’Argentins qui, fuyant la dictature, étaient dans le pays. Au cours de ces années, la Disip répondait aux demandes de renseignements sur les citoyens du Cône sud, parmi lesquels le paraguayen Valentín Quintana, comme le montrent les archives découvertes grâce au travail de l’avocat paraguayen Martin Almada. Au Pérou, également dans les années 70, des enlèvements d’opposants argentins eurent lieu.

Il y a donc eu des antécédents d’expériences conjointes, qui pourraient inspirer de nouvelles opérations, déjà influencées par le géostratégique Plan Colombie.

Traduction : Cynthia Benoist, pour RISAL (http://risal.collectifs.net).


Récit d’une persécution permanente

Mon nom est Galvarino Sergio Apablaza Guerra, citoyen chilien, domicilié 1653, Schifely, dans la localité de Moreno, Province de Buenos Aires, Argentine. Depuis le 29 novembre 2004 je suis détenu et mis à la disposition du juge fédéral Claudio Bonadío, suite à un mandat d’arrêt provisoire remis par Interpol Chili. Je suis logé à la Brigade Antiterroriste de la Police Fédérale Argentine, située avenue Alcorta y Cavia de cette ville.
Je suis l’avant-dernier de 6 frères et soeur, fils de Galvarino Apablaza Orrego et de Luisa Guerra Urrutia. Je suis né à Santiago du Chili le 9 novembre 1950. Mon père, décédé en 1985, était un sous-officier de l’Armée chilienne, retraité après plus de 25 ans de services. Ma mère, femme au foyer, a aujourd’hui 82 ans et sa santé s’est aggravée ces dernières années et elle souffre d’insuffisance cardiaque.

[...]

Avec le triomphe de l’Unité Populaire en septembre 1970, il semblait que les rêves commençaient à devenir réalité. Dès qu’Allende est arrivé au gouvernement, les difficultés ont commencé à apparaître et avec le temps, la situation a empiré.

Les mesures populaires suscitaient la résistance des groupes puissants qui, par des actes terroristes et des sabotages constants à l’économie, cherchaient à déstabiliser le nouveau gouvernement en créant une sensation de chaos et d’anarchie. Notre réponse a toujours été la même : aider à réduire les effets de la crise qui tendait à paralyser le pays.

Ainsi, nous avons été des milliers d’étudiants à participer à des journées de travail volontaire productif, chargement et déchargement d’aliments, cueillette et culture de produits agricoles et travaux destinés à améliorer le travail des associations et coopératives des petits paysans. Pendant l’été 71, nous avons construit un barrage à Petorca, un petit village dans le Nord du pays, et en 1973, un canal d’irrigation dans la zone de Rengo. Nous comprenions que notre vie en tant qu’étudiants était étroitement liée aux succès du gouvernement populaire.

Ma famille se déclarait "allendiste", sans appartenir à aucun parti politique. Elle participait activement aux activités de voisinage. Les dernières années, nous vivions presque à l’université et nous participions à toutes les activités sociales, en faveur des secteurs les plus défavorisés, surtout dans des situations de catastrophe comme les inondations, tempêtes et tremblements de terre. Nous participions aussi, bien sûr, aux activités politiques liées aux élections municipales ou nationales.

Notre vie intense -sur tous les plans- a été dramatiquement et brutalement démolie le matin du 11 septembre 1973. La force des armes mettait fin à nos volontés et à nos rêves et c’était le début de la plus grande persécution de notre histoire et pour moi, un calvaire qui continue encore aujourd’hui.
Depuis ce jour néfaste, ma famille n’a plus été la même. La joie de vivre est partie et on nous a séparés.

La terreur s’est imposée. La maison de mes parents était tout le temps perquisitionnée et surveillée, toute communication était contrôlée. Mes frères ont été renvoyés de leur travail. Et même ma soeur qui, après la mort de mon père, était devenue le principal soutien de la famille, pendant les premières années de transition vers la démocratie, elle a été interrogée et licenciée dès qu’on a su qu’elle avait un lien de parenté avec moi.

Vers la fin 73, l’Université a été rouverte après avoir été fermée à cause des événements du 11 septembre. J’étais alors étudiant en dernière année de Chimie. Et pour la troisième fois consécutive, j’étais le président du Centre des Étudiants de cette section, qui appartenait à la faculté de Philosophie et des Lettres de l’Université du Chili.

À ce moment-là on m’a informé que je n’avais pas le droit de m’inscrire et que je serais interrogé par un fiscal nommé à l’université sur les charges suivantes que je reproduis textuellement :

 Faire du prosélytisme politique
 Être sectaire

Participer à des actes contraires au développement normal de la cohabitation universitaire
J’ai commencé à préparer ma défense à ces étranges accusations. La seule chose que je pouvais faire était avoir recours aux étudiants. J’ai commencé à recueillir des signatures qui démentaient ces accusations. Seulement en quelques jours -et malgré la peur qui existait- près de 80% des étudiants ont signé.
Dans ce contexte et pendant ces activités, lorsque je me suis rendu à l’université, le mardi 14 mai 1974 à 8 heures du matin, devant de nombreux étudiants, j’ai été arrêté à l’intérieur de l’université, de façon violente, sans aucune explication ni identification, par des agents de l’État qui appartenaient à la Direction d’Intelligence Nationale (DINA).

J’ai été immédiatement menotté et conduit à un véhicule stationné à 300 mètres de l’entrée principale de la Faculté. Pendant ce trajet, j’ai crié aux étudiants qu’ils préviennent chez moi que j’avais été arrêté, ce qui a signifié une poursuite interne pour éviter que ce soit fait.

Une fois dans le véhicule, ils m’ont mis du scotch sur les yeux et ils m’ont conduit jusqu’à un centre de détention, pendant le transfert, ils m’ont interrogé sur une série de noms et sur l’endroit où se trouvait une série de personnes que je connaissais forcément puisque -comme moi- elles étaient des dirigeants d’étudiants ou des politiciens.

Tout de suite -et grâce à d’autres détenus- j’ai pu déterminer exactement que je me trouvais prisonnier dans ce que l’on appelait la "maison de la terreur, des chaises, de la musique ou des cloches". Ce dernier nom à cause de la proximité de l’église de San Francisco. Ce centre de tortures, très connu aujourd’hui grâce aux dénonciations des parents de détenus-disparus et aux torturés qui ont survécu, se trouvait au numéro 38 de la rue Londres, à Santiago, Chili.

Dans ce centre, depuis le premier jour, j’ai subi de longs interrogatoires qui commençaient régulièrement par de forts coups de poing et avec d’autres objets. Ils continuaient avec le sous- marin sec et ils finissaient avec le grill. C’est-à-dire, des décharges électriques sur différentes parties du corps, en particulier les parties génitales. J’ai passé deux semaines dans ces conditions et en qualité de détenu-disparu.

Ensuite, avec les traces fraîches de la torture, j’ai été transféré au Stade Chili, qui est un stade fermé à la charge des Carabiniers, sous le commandement du colonel Conrado Benítez.

Ce lieu était un centre de rétablissement et de transit des prisonniers. Toute la vie se déroulait sur le terrain de cet établissement. Les gradins et les virages étaient réservés pour les punitions. Des deux côtés ils avaient installé des mitrailleuses orientées vers le milieu du terrain. Fréquemment c’était le branle-bas de combat quand ils simulaient une attaque venue de l’extérieur.

Depuis ce centre j’ai été transféré à la Prison Publique de Santiago, et là ils ont commencé un procès à la Fiscalie Militaire de Santiago, commandée par le fiscal Joaquín Elbaurn.

J’ai bénéficié d’un non-lieu et je suis resté en prison pour infraction à la loi de Sécurité Intérieure de l’État. Ils m’ont transféré à l’ex Pénitencier de Santiago qui, comme la Prison Publique, était un lieu essentiellement destiné aux délinquants communs. Dans ces deux endroits ils avaient aménagé quelques rues et galeries pour les prisonniers politiques.

Après un certain temps j’ai été transféré à Tres Álamos, un autre centre de détention et de tortures sous le commandement du même corps et du même personnel que le Stade Chili, qui à cette date avait été fermé.
Depuis cet endroit, après un certain temps, j’ai été transféré au camp de prisonniers de Melinka, situé dans la localité de Puchuncaví, à 200 Km de Santiago vers la côte du littoral central.

Étant détenu là, j’ai reçu la visite du Comité Pro Paz, et parmi ses membres, il y avait un très cher camarade.
Ce camp de concentration de détenus était sous le commandement de l’Infanterie de Marine, et il avait la même structure que les camps nazis : grillage double, miradors surélevés, projecteurs mobiles et sirènes.

Le personnel tournait chaque semaine et le seul permanent était un sergent nommé Núñez. On nous obligeait tous les jours à chanter des hymnes militaires comme le célèbre Lily Marlen, ou l’hymne de l’Infanterie de Marine, "Barquito de papel" et autres.
Plusieurs fois, quand un commandant du camp trouvait que nous chantions mal, on nous obligeait à répéter pendant des heures et, en général, cela finissait par un manège de châtiments. Il fallait courir et courir en répétant les ordres des gardes et faire différentes sortes d’exercices physiques. Personne, ni les vieux ni les malades, n’y échappait.

Je me souviens que, pendant la Semaine Sainte en 1975, un spectacle avait été organisé pour les détenus. Une fois le spectacle terminé, très tôt le matin, ils ont sorti tous les prisonniers des cabanes en les frappant et en les insultant. Évidemment, le lendemain les visites ont été suspendues et on est resté enfermés toute la journée.

Un jour on a eu la visite de membres des services d’intelligence qui ont fait une enquête et ont fait signer aux prisonniers un document dans lequel il était écrit qu’il "souhaitait sortir de son plein gré du pays".

Par conviction pour mes idées et mes valeurs morales, j’ai refusé de signer ce document, tout comme de nombreux prisonniers.

Après cela, j’ai été transféré à 4 Álamos, centre de détention et de tortures, situé sur la Commune de San Miguel à Santiago, près de 3 Álamos.

Je suis resté dans le secteur des visites, endroit où on nous a à nouveau fichés et on nous a préparé un passeport avec la lettre "L" qui était valable seulement pour sortir du pays, c’est-à-dire qu’on nous expulsait du pays.

Mon exil commence ainsi. Peu avant de sortir et pour avoir la possibilité de demander le regroupement familial postérieurement, nous avons décidé avec mon ex femme et mère de mes deux grandes filles -aujourd’hui décédée- de nous marier. Un officier civil est venu et a réalisé la cérémonie au milieu d’une garde fortement armée.

[...] Le 5 septembre, entre 18 et 19 heures, ils nous font monter dans un autobus et ils nous conduisent à l’aéroport avec un sac pour tout bagage. Du bus, nous sommes directement montés dans l’avion, en route pour le Panama. Le gouvernement du général Omar Torrijos avait accepté de recevoir ce contingent de 125 chiliens.

On nous a logés à l’Hôtel Central, un vieil hôtel qui avait servi aux ouvriers qui avaient construit le canal. On nous a attribué une petite aide économique et l’alimentation de base tandis qu’on cherchait à résoudre les situations. Malgré les efforts des organisations locales de défense et de solidarité et l’aide mutuelle entre les exilés, les possibilités de travail, d’accès aux soins et de regroupement familial étaient précaires.

Face au manque de perspectives et pour des raisons de santé, comme une façon de soigner les blessures des tortures et de l’enfermement, je lance un appel à la solidarité cubaine et en décembre de la même année, je suis parti à Cuba. J’ai été opéré et on m’a enlevé un testicule, signe permanent des coups et des décharges électriques reçus.

Toute cette expérience douloureuse a conditionné ma vie et aujourd’hui ils prétendent se servir de moi comme monnaie d’échange dans l’affaire des violations des droits de l’homme. C’est toujours comme cela chaque fois que l’on avance dans la vérité, comme c’est le cas actuellement avec la Commission Nationale sur la Prison Politique et la Torture, dirigée par l’évêque catholique Sergio Valech et un groupe de professionnels, et c’est la première fois que l’on reconnaît que la torture n’a pas été une pratique isolée ni l’excès d’un fonctionnaire mais qu’elle a fait partie d’une politique officielle menée par les principaux pouvoirs de l’État et appliquée dans la pratique par les Forces Armées et les forces de police en tant qu’institutions, avec la complicité de secteurs civils -comme les journalistes, politiciens et entrepreneurs-. Dans ces 14 années de fin formelle de la dictature, quand il y a eu des plaintes et des procès contre Pinochet et les personnalités de son régime terroriste, on nous utilise, nous qui avons lutté, comme le contrepoids et c’est pour cela que je suis sûr et certain que mon arrestation n’est pas due au hasard.


Sergio Galvarino APABLAZA GUERRA a été arrêté le 29 novembre 2004 en Argentine à la demande d’Interpol Chili.

Dirigeant du Front Patriotique Manuel Rodríguez sous le nom de "Commandant Salvador", il est accusé d’être "l’auteur intellectuel" de l’assassinat de Jaime Guzmán, un sénateur d’extrême droite qui a étroitement collaboré avec la dictature de Pinochet. Le "comandante Salvador" a déposé une demande d’asile politique en Argentine.

Le Chili a demandé son extradition.

Une campagne est lancée auprès des autorités argentines afin que Sergio Galvarino Apablaza Guerra obtienne le statut de réfugié politique et puisse rester en Argentine.

NON À L’EXTRADITION
OUI À L’ASILE POLITIQUE
LIBERTÉ IMMÉDIATE DE GALVARINO APABLAZA

Les lettres aux autorités argentines doivent être envoyées à la Ligue Argentine des Droits de l’Homme qui transmettra :

ladh@velocom.com.ar

Elles doivent être adressées au Président du
"Comité de Elegibilidad para Refugiados"


La demande d’extradition de Galvarino Apablaza : Une autre blague "innocente" de la justice chilienne [2]

Par Causa Popular
Vendredi 31 décembre 2004

Le 28 décembre 2004, en exactement cinq minutes, la Cour Suprême du Chili a ratifié la demande d’extradition du citoyen Galvarino Sergio Apablaza, connu comme "Salvador", détenu en Argentine depuis le 29 novembre dernier. Après avoir écouté la plaidoirie de trois minutes de l’avocat de la famille Guzmán, Luis Hermosilla, la Cour a statué immédiatement. On estime que la demande arrivera en Argentine dans 10 jours. La Cour Suprême chilienne confirme, une fois de plus, la persécution de ceux qui ont lutté, pendant que des tortionnaires et responsables de génocides sont impunis.

Galvarino Apablaza, qui a appris qu’on lui reprochait la mort de Guzmán et l’enlèvement de Cristián Edwards, est mis en examen par le juge Hugo Dolmestch peu après son arrestation. Ces deux causes sont résolues policièrement et judiciairement, et il a été établi que Galvarino Apablaza n’est pas impliqué.

Les avocats qui représentent l’État chilien pour la demande d’extradition ne se sont pas présentés : il s’agit de l’avocat Jorge Morales du département juridique du Ministère de l’Intérieur et de l’avocate Lupy Aguirre du Conseil de Défense de l’État (CDE), présidé par Clara Szczaranski.

De son côté, la défense de "Salvador", l’avocat Carlos Margotta, qui a une grande expérience dans le domaine des Droits de l’Homme au Chili, a refusé de plaider devant les juges suprêmes car il a déclaré avoir eu "la certitude que tout était déjà préparé, je ne me suis pas présenté pour dénoncer le fait que cette instance ne soit rien d’autre qu’une formalité puisque la sentence était décidée d’avance, ce qui montre qu’au Chili, Galvarino Apablaza ne bénéficie pas des garanties minimales d’un procès équitable, étant donné qu’il est déjà jugé et condamné".

L’absence des avocats du Gouvernement chilien a surpris l’avocat Luis Hermosilla et a provoqué la colère des porte-paroles du pinochetisme, la UDI [3] qui a émis une série de qualificatifs négatifs à travers les déclarations d’Andrés Chadwick.

Le CDE, pour sa part, selon la presse chilienne, a considéré que la demande d’extradition était un jugement préalable administratif et donc, que l’audience au pénal était la dernière étape qui consistait à vérifier si la demande d’extradition était en bonne et due forme. C’est pour cela, ont-ils expliqué, que l’organisme s’est concentré sur les plaidoiries pour le procès d’Apablaza et a insisté pour qu’il soit arrêté et extradé.

Le sous-secrétaire du ministère de l’Intérieur, Jorge Correa Sutil, selon le même journal, a reconnu que l’absence du ministère a été une erreur. Cependant, il a rendu responsable de cela l’avocat Jorge Morales, qui était en charge du cas et qui actuellement se trouve en vacances à Cuba. Selon Correa, "cet avocat a informé que le cas serait examiné sans plaidoiries. Cette erreur a motivé la décision, le lendemain du jugement, de dessaisir cet avocat du cas Apablaza, et il est possible que d’autres mesures soient prises à son encontre."

Correa a réitéré que "cette erreur n’a pas eu de conséquences, car l’extradition a été accordée et le résultat était parfaitement prévisible". Pour le moment, le cas est entre les mains du chef du département juridique du ministère de l’Intérieur, Jorge Claissac, dont le rôle joué dans l’ "erreur" a été aussi mis en question de façon interne.
Les télévisions chiliennes ont fait remarqué que l’absence des avocats du gouvernement lors du jugement de la Cour Suprême donnait apparemment raison à l’avocat Margotta, car ils ont démontré par leur absence que c’était une perte de temps et une simple formalité. Ils connaissaient le résultat d’avance, ils n’avaient donc même pas besoin de se présenter.

D’accord sur l’impunité et la répression
Au-delà des aspects juridiques, administratifs et même anecdotiques de l’Audience du 28 décembre, il est évident que Galvarino Apablaza est la cible de la Concertation et de la Droite pinochetiste.
Le propre président Ricardo Lagos, dans une priorité peu commune après "la crise du gaz", a pris le téléphone de La Moneda pour demander l’extradition de "Salvador" a son homologue argentin, le président Néstor Kirchner. Le ministre de l’Intérieur, José Miguel Insulza et le ministre des affaires étrangères Ignacio Walker ont fait la même chose à de nombreuses reprises.

Pire encore, ils se sont démenés pour imposer l’expulsion immédiate, pour essayer d’éviter le délicat processus d’extradition et pour empêcher Apablaza de demander l’asile. Ce subterfuge a été rejeté par le gouvernement argentin puisqu’il est contraire à la loi.
La droite chilienne, de son côté, a décidé de renoncer au voyage des sénateurs Chadwick et Espina, en faveur de l’expulsion, après avoir évalué le manque d’effet de l’avancée des députés UDI Darío Molina, président de la Commission Bilatérale chileno-argentine, Cristián Leay, et du parlementaire de RN [4], Carlos Vilches en Argentine. Les ennuis de "santé" de l’avocat Hermosilla ont servi d’excuse.

Le discrédit dont souffre aujourd’hui la droite chilienne, sur la scène chilienne et argentine, pour des affaires de droits de l’homme, complicité de tortures, affaires diverses, pédophilie et autres, les pousse à déplacer leurs pressions sur les personnalités de la Concertation pour harceler, par leur intermédiaire, ceux qui ont lutté et se retrouvent personnalisés par Galvarino Apablaza.
Cela se traduit actuellement par des appels téléphoniques de personnalités de la Concertation au pouvoir exécutif et au lobby de leur ambassade.

Tout ceci est la continuité politique, juridique et diplomatique du plan Cóndor recyclé version 2004.
L’intervention de la Jipol, la police chilienne, dans l’arrestation de Galvarino Apablaza en Argentine le 29 novembre dernier, où est également impliqué le célèbre tortionnaire et responsable d’enlèvements d’enfants de détenus disparus à "Automotores Orletti" en 1975, Miguel Angel Furci, montre bien la continuité politique de l’État chilien.

Le Cas 1281 qui explique en détail la collaboration des organes répressifs chiliens avec le FBI et leurs homologues argentins, collaboration qui a été déclarée illégale judiciairement, a été l’élément clé de l’arrestation d’Apablaza.

Cela s’est produit malgré la négation de l’ancienne ministre chilienne des affaires étrangères, Soledad Alvear, qui dans une lettre adressée à des organisations de Droits de l’Homme en Argentine datée du 4 mai 2000, signale "... le gouvernement du Chili ne participe à aucune coordination internationale d’organismes d’intelligence pour poursuivre des combattants sociaux." Les faits contredisent l’ex ministre des affaires étrangères et actuelle et possible candidate à la Présidence de la République.

La complaisance complice

La transition vers la démocratie promise par la Concertation est encore une tâche en suspens. La Constitution politique pinochetiste est toujours en vigueur, avec des pouvoirs qui consolident peu à peu un régime civil-militaire, avec des super pouvoirs comme le COSENA et des enclaves de la dictature comme les sénateurs désignés. Avec les Tribunaux militaires qui restent en activité, qui imposent la prison à ceux qui ont lutté pour la démocratie contre le régime militaire passé et qui force des centaines de patriotes chiliens à vivre encore aujourd’hui dans la clandestinité. Pire encore, cette répression s’étend aujourd’hui aux communautés Mapuches qui comptent 400 personnes mises en examen par des tribunaux militaires.

On a fait connaître le terrible témoignage de plus de 28000 chiliens torturés. Un tremblement de terre social, selon le Président Lagos.

On connaît le témoignage et l’identité des torturés. Mais on cache l’identité des tortionnaires pendant 50 ans. Pourquoi ?

Parce que les assassins qui ont commis le génocide pendant le régime militaire passé sont aujourd’hui des personnalités reconnues, parce que la grande majorité de ces tortionnaires occupent aujourd’hui des postes importants dans des institutions. Tout cela avec la complaisance complice des gouvernements de la Concertation.

C’est pour cela que ce n’est pas surprenant que la Concertation et la droite s’unissent pour poursuivre et faire des procès à des combattants sociaux.
Cet orgueil indécent provoque le dégoût du peuple chilien, et principalement celui des jeunes qui chaque jour méprisent davantage des politiciens opportunistes et pusillanimes, qui préfèrent se taire et être les complices d’auteurs de génocides et de tortionnaires.

Voilà pourquoi Salvador a recueilli autant d’appuis solidaires du peuple chilien et de sesorganisations sociales et de défense des Droits de l’Homme. C’est seulement ainsi que s’explique l’immense solidarité qu’il reçoit de divers peuples du monde entier.
C’est la même chose qui se passe en Argentine, qui a aussi souffert d’une dictature criminelle. La différence c’est qu’ici les auteurs de génocide, les tortionnaires et leurs complices sont montrés du doigts, sont prisonniers et n’ont pas le droit d’occuper des postes publics.


Asunción, le 15 janvier 2005

Monsieur le Président de la République Argentine
Dr. Néstor Carlos Kirchner

De ma plus haute considération :

Je m’adresse à vous au sujet de l’arrestation à Buenos Aires du camarade, Galvarino Sergio Apablaza Guerra à la suite de la demande d’extradition présentée par l’État chilien.

Galvarino Apablaza a été récemment arrêté dans le cadre d’une opération qui pourrait être qualifiée comme un vol de plus de l’"Opération Cóndor", dont les Archives Secrètes sont au Paraguay, dans l’enceinte de la Cour Suprême de Justice, à Asunción.

À la lecture du dossier judiciaire de cette affaire, apparaissent des noms et des méthodes qui font partie de l’étape la plus sombre et la plus terrible du terrorisme d’état vécu par les pays du Cône Sud. Il y a là le nom de l’indicateur Miguel Ángel Furci, le tristement célèbre agent de la répression de la dictature argentine. On se souvient immédiatement du camp de concentration "Automotores Orletti" et de l’appropriation de la petite Mariana Zaffaroni Islas, la fille d’un couple de camarades uruguayens.

L’arrestation d’Apablaza s’est produite quand nos frères chiliens ont commencé à marcher sur leur propre chemin pour connaître la vérité, à travers le Rapport Valech, dans lequel sont dénoncés des milliers d’actes de tortures sous la tyrannie de Pinochet.
Apablaza Guerra est l’un de ces torturés, mais il n’a pas pu présenter son cas -malgré le fait d’avoir été brutalement torturé pendant plus d’un an- étant donné son état de persécuté/clandestin.

C’est justement dans ce contexte, et pour tenter de freiner cette marche entreprise, qu’ils réclament Apablaza sous la forte pression des secteurs réactionnaires du Chili et du militarisme, des partisans de Pinochet. Et, Monsieur le Président, cela ressemble aussi à l’instrumentation de la "théorie des deux démons" que vous avez vous-même combattue en Argentine.

D’autre part, Apablaza habite depuis plusieurs années en Argentine, il a trois enfants de cette nationalité et c’est là qu’il veut rester, pour refaire sa vie auprès de sa famille. Nous, les latino-américains, nous savons que l’Argentine a toujours été une terre d’asile qui nous a généreusement accueillis quand notre vie était en danger dans nos pays. C’est ainsi que des milliers de mes compatriotes sont arrivés, ont travaillé, ont vu naître leurs enfants et leurs petits-enfants, et ont ainsi contribué à faire ce pays, avec leur effort.

Au Chili, les droits d’Apablaza ne sont pas garantis, il est vivement réclamé parce qu’il a été un tenace opposant à la dictature militaire.
Monsieur le Président, nous connaissons votre engagement en faveur du respect des Droits de l’Homme et nous savons aussi que le camarade Galvarino Sergio Apablaza Guerra, symbole de la rébellion et de la dignité, mérite la solidarité latino-américaine.
Je vous demande donc de lui accorder l’asile politique, pour que sur cette terre, il puisse vivre en paix et avec justice auprès de sa famille.
Je vous salue et vous remercie de votre intervention solidaire dans cette affaire.

Dr. Martin Almada
Prix Nobel Alternatif 2002
Victime de l’Opération Condor et découvreur des archives secrètes au Paraguay

Notes :

Notes

[2Le 28 décembre est la fête des Innocents (comme le 1er avril)

[3UDI : Union des démocrates indépendants, parti de droite qui a soutenu la dictature et dont était issu Jaime Guzmán.

[4RN : Rénovation Nationale, parti de droite qui a soutenu la dictature.

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