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Par Naomi Klein
No logo. Canada, le 5 mai 2005.
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L’été passé, dans le calme médiatique du d’août, la doctrine d’administration de Bush de la guerre préventive a fait un saut en avant important. Le 5 août 2004, la Maison Blanche a créé le bureau du Coordinateur pour la Reconstruction et la Stabilisation, dirigé par l’ancien ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine Carlos Pascual. Il est mandaté pour élaborer des plans "post-conflit" sophistiqués pour au moins vingt-cinq pays qui ne sont pas, pour le moment, en conflit. Selon Pascual, son bureau pourra également coordonner trois opérations complètes de reconstruction, dans différents pays "en même temps," chacune prenant entre "cinq et sept ans."
Concrètement, un gouvernement consacré à la perpétuelle déconstruction préventive a maintenant un bureau dédié à la reconstruction préventive perpétuelle.
C’est du passé, les jours où il fallait attendre que les guerres éclatent, puis qu’on l’élabore des plans ad hoc pour recoller les morceaux. En collaboration étroite avec le Conseil National d’Intelligence, le bureau de Pascual consigne les pays à "haut risque" sur une "liste de surveillance" et rassemble des équipes d’intervention-rapide prêtes à s’engager dans la planification d’avant-guerre puis prêtes à se "mobiliser et à se déployer rapidement" dès qu’un conflit est avéré. Les équipes se composent d’entreprises privées, d’organisations non gouvernementales et des membres « think tanks », Pascual a déclaré lors d’une conférence au Center for Strategic and International Studies en octobre, nous avons "préconçus" des contrats pour reconstruire les pays qui ne sont pas encore détruits. Faire ce type de plans à l’avance pourrait "raccourcir de trois à six mois notre temps de réponse."
Les plans que les équipes de Pascual ont élaborés dans son discret bureau au Département d’Etat portent sur la modification du " tissu social d’une nation," explique le CSIS. Le mandat du bureau ne doit pas reconstruire un état vieux, voyez-vous, mais créer des états "démocratiques et orientés vers le marché". Ainsi, par exemple (et il tire certainement cet exemple de son chapeau, sans aucun doute), ses reconstructeurs d’action rapide pourraient aider à liquider "les entreprises d’Etat qui ont créé une économie non viable." Parfois reconstruire, a-t-il expliqué, cela signifie " arracher le vieux."
Peu d’idéologues peuvent résister à l’attrait d’une ardoise blanche — qui était la promesse séduisante du colonialisme: "découvrant" de nouvelles terres grandes-ouvertes où l’utopie a semblé possible. Mais le colonialisme est mort, du moins c’est ce qu’on nous a dit; il n’y a aucun nouvel endroit à découvrir, aucune terra nullius (il n’y en a jamais eu), plus de page blanche sur laquelle, comme Mao l’a dit une fois, "les plus nouveaux et les plus beaux mots ne peuvent être écrits." Il y a, cependant, nombre de destructions — pays ravagés, par des soi-disant forces majeures par la Grace de Dieu ou par la Grace de Bush (sur ordre de Dieu). Et là où il y a destruction, il y a reconstruction, une chance d’arracher "de la terrible stérilité," comme un fonctionnaire de l’ONU a récemment décrit la dévastation d’Aceh, et de la nourrir des plans les plus parfaits et les plus beaux.
"Nous avions l’habitude d’avoir un colonialisme vulgaire," dit Shalmali Guttal, un chercheur basé à Bangalore dans Focus on the Global South". Maintenant nous avons un colonialisme sophistiqué, et ils l’appellent ’reconstruction’ ".
Il semble certainement que jamais d’aussi grandes parties du globe ont été sous une reconstruction active: étant reconstruit par un gouvernement parallèle composé d’un clan familier de sociétés à but lucratif, de conseil, compagnies d’ingénierie, méga-ONGs, d’agences d’aide du gouvernement et de l’ONU et d’institutions financières internationales. Et des personnes vivant dans ces lieus en reconstruction - d’Irak à Aceh, d’Afghanistan jusqu’à Haïti - monte un même chœur de plaintes. Le travail est loin de se ralentir, s’il se déroule bien. Les conseillers étrangers vivent sur grand train avec des notes de frais élevées et avec des salaires de mille dollars/jour, alors que les habitants du pays sont exclus des jobs les plus nécessaires, de la formation et de la prise de décision. Les experts "constructeurs de démocratie" expliquent aux gouvernements l’importance de la transparence et de la "bonne gouvernance", pourtant la plupart des entrepreneurs et O.N.G.s refusent d’ouvrir leurs livres de comptes à ces mêmes gouvernements, leur laissant encore moins de contrôle sur la façon dont leur aide financière est dépensée.
Trois mois après que le tsunami ait frappé Aceh, le « New York Times » a publié une histoire affligeante signalant que "presque rien ne semble avoir été fait pour commencer les réparations et la reconstruction." La dépêche pourrait tout aussi bien venir d’Irak, comme celle que le « Los Angeles Times » a justement publié, toutes les usines d’eau prétendument reconstruites par Bechtel ont commencé à se déglinguer, une chose de plus dans la litanie sans fin des « ratés » de la reconstruction. Elle pourrait également venir d’Afghanistan, où le président Hamid Karzai a récemment accusé les entrepreneurs étrangers de "corrompus, inutiles et sans vergogne" pour "gaspiller les ressources précieuses que l’Afghanistan a reçues en matière d’aide." Ou du Sri Lanka, où 600.000 personnes qui ont perdu leur maison dans le tsunami languissent toujours dans des camps provisoires. Cent jours après le ras de marée, Herman Kumara, à la tête du mouvement national de solidarité de pêche de Negombo, Sri Lanka, envoie un E-mail désespéré aux collègues autour du monde, "les fonds reçus au profit des victimes sont dirigés vers quelques favorisés, mais pas vers les vraies victimes," écrit-il, "nos voix ne sont pas entendues et il n’est pas permis de s’exprimer."
Mais si l’industrie de la reconstruction est étonnamment inepte à la reconstruction, c’est peut être parce que la reconstruction n’est pas son but premier. Selon Guttal, "ce n’est pas de la reconstruction du tout — il s’agit de tout remodeler". En fait, les histoires de corruption et d’incompétence servent à masquer un scandale plus profond : l’émergence d’une forme prédatrice de « capitalisme de la catastrophe » qui emploie le désespoir et la crainte créés par les catastrophes pour engager une réingénierie sociale et économique radicale. Et sur ce front, les travaux de l’industrie de la reconstruction avancent si vite et efficacement que les privatisations et la main mise sur des terres, sont bouclées généralement avant même que la population locale sache ce qui l’a frappée. Kumara, dans un autre E-mail, avertit que le Sri Lanka fait face maintenant " à un deuxième tsunami de la globalisation et la militarisation associé," potentiellement bien plus dévastateur que le premier. "Nous voyons ceci comme un plan d’action au milieu de la crise de tsunami pour remettre la mer et la côte aux sociétés étrangères et au tourisme, avec l’aide militaire des marines des USA."
Le Secrétaire à la Défense, Paul Wolfowitz a conçu et a surveillé un projet étonnamment semblable en Irak : Les feux brûlaient toujours à Bagdad quand les fonctionnaires de l’occupation des Etats-Unis ont récrit les lois d’investissement et ont annoncé que les compagnies d’Etat du pays seraient privatisées. Certains se sont basés sur cette expérience pour arguer du fait que Wolfowitz est inadapté à diriger la Banque Mondiale ; en fait, rien ne pourrait l’avoir mieux préparé pour son nouveau travail. En Irak, Wolfowitz était juste entrain de faire ce que la Banque Mondiale fait déjà, en fait, dans chaque pays du monde déchiré par la guerre et frappé par un désastre -bien qu’avec moins de subtilités bureaucratiques et davantage de bravade idéologique.
Les pays en période de "Post conflit" reçoivent maintenant de la Banque Mondiale 20-25 % du total des prêts, contre 16 % en 1998 - alors que le montant a augmenté de 800 % depuis 1980, selon une étude du service de recherches du Congrés. La réponse rapide aux guerres et aux catastrophes naturelles a traditionnellement été le domaine des agences des Nations Unies, qui ont travaillé avec des O.N.G.s pour fournir des aides et des secours, la construction de logements provisoires. Mais maintenant le travail de reconstruction est répertorié comme une industrie énormément lucrative, trop importante pour être laissée aux mains bienfaisantes de l’ONU. A tel point qu’aujourd’hui c’est la banque mondiale, déjà dédiée au principe de l’allégement de la pauvreté à travers l’accumulation de bénéfices, qui mène la charge.
Et il n’y a aucun doute qu’il y a des bénéfices à faire dans les affaires de reconstruction. Il y a des contrats énormes d’ingénierie, de fourniture de biens (10 milliards de dollars à Halliburton seulement en Irak et en Afghanistan); la "construction de la démocratie" a éclaté dans une industrie de 2 milliards de dollars; et les temps n’ont jamais été meilleurs pour des consultants en service public - les sociétés privées qui conseillent les gouvernements sur la vente de leurs actifs, alors que souvent elles gèrent elles mêmes les dits services publics en tant que sous-traitants. (La société de conseil Bearing Point, une des préférées de ces firmes aux Etats-Unis, a expliqué que les revenus de sa division « services publics » avaient quadruplé en cinq ans," et ses bénéfices sont énormes: 342 millions de dollars de 2002, une marge bénéficiaire de 35%.)
Mais les pays anéantis sont attrayants pour la banque mondiale pour une autre raison: Ils suivent bien les ordres. Après un événement cataclysmique, les gouvernements feront habituellement ce qu’il faut pour obtenir une aide en dollars— même si cela signifie que cela suppose d’augmenter la dette et implique d’être d’accord sur la politique rapide de réformes. Et avec une population locale qui lutte pour trouver un abri et de la nourriture, que l’organisation politique lutte contre la privatisation peut sembler comme un luxe inimaginable.
Mieux encore pour les perspectives de la banque, beaucoup de pays ravagés par la guerre se trouvent dans un état "de la souveraineté limitée" : Ils sont considérés comme trop instables et inaptes à contrôler l’argent venant de l’aide, ainsi celui-ci est versé dans un fonds en fidéicommis contrôlé par la banque mondiale. C’est le cas au Timor-Est, où la banque alloue de l’argent au gouvernement tant qu’il montre qu’il le dépense de façon responsable. Apparemment, ceci signifie réduire les emplois du secteur public (le gouvernement de Timor la moitié de ce qu’il était sous l’occupation indonésienne) mais dépenser sans compter de l’argent pour les conseillers étrangers dont la banque exige l’emploi par le gouvernement (le chercheur Ben Moxham écrit, "dans un service gouvernemental, un conseiller international simple gagne en un mois la même chose que ce que gagnent en un an ses vingt collègues Timores").
En Afghanistan, où la banque mondiale administre également l’aide du pays par un fonds en fidéicommis, on est déjà parvenu à privatiser la santé en refusant de donner des fonds au ministère de la santé pour construire des hôpitaux. Et en dirigeant l’argent directement vers des O.N.G., qui gèrent leurs propres cliniques privées avec des contrats de trois ans. La banque a également exigé "un rôle accru du secteur privé" dans le système de l’eau, les télécommunications, le pétrole, le gaz et l’exploitation minière et a demandé au gouvernement de "se retirer" du secteur de l’électricité et de le laisser "aux investisseurs privés étrangers." Ces transformations profondes de la société afghane n’ont été jamais discutées ou transmises, parce que, en dehors de la banque, peu de gens savent qu’elles ont eu lieu: Les changements ont été enterrés profondément dans l’ "annexe technique" attachée à une concession fournissant une aide de "secours" à l’infrastructure détruite par la guerre de l’Afghanistan — deux ans avant que le pays ait eu un gouvernement élu.
C’est plus ou moins la même histoire à Haïti, après l’éviction du Président Jean-Bertrand Aristide. En échange d’un prêt de 61 millions de dollars, la banque exige "l’association entre le public-privé dans la gestion des secteurs d’éducation et de santé," selon des documents de banque — c.-à-d., des entreprises privées dirigeant des écoles et des hôpitaux. Roger Noriega, secrétaire d’état adjoint des USA pour des affaires de l’hémisphère occidentale, a indiqué clairement que l’administration de Bush partage ces objectifs. "Nous encouragerons également le gouvernement d’Haïti à avancer, au moment opportun, avec la restructuration et la privatisation de quelques entreprises de secteur public," a-t-il dit devant l’institut américain d’entreprise le 14 avril 2004.
Ce sont des plans très controversés dans un pays avec une base socialiste puissante, et la banque admet que c’est précisément pourquoi elle les pousse maintenant, alors qu’ Haïti est sous un régime quasi militaire. Le gouvernement difficiles sont sans doute à défaire pour un futur gouvernement," note la banque dans son texte sur le projet de réforme de la gestion économique. Pour des haïtiens, c’est d’une ironie très amère: Beaucoup accusent les établissements multilatéraux, y compris la banque mondiale, d’avoir aggraver la crise politique qui a mené à l’éviction d’Aristide en retenant des centaines de millions sous forme de prêts promis. A cette époque la banque de développement Inter-Américaine, sous pression du département d’état, a estimé qu’Haïti était insuffisamment démocratique pour recevoir l’argent, se référant à des irrégularités mineures dans une élection législative. Mais maintenant qu’Aristide est dehors, la banque mondiale prône les avantages d’opérer dans une zone sans démocratie.
La Banque Mondiale et le Fonds monétaire International imposent des thérapies de choc sur des pays qui sont dans différents états de choc pendant au moins 30 ans, notamment après les coups d’état militaires d’Amérique latine et l’effondrement de l’Union Soviétique. Pourtant beaucoup d’observateurs disent que le « capitalisme de catastrophe » a vraiment franchi un pas avec l’ouragan Mitch. Pendant une semaine en octobre 1998, Mitch a ravagé l’Amérique Centrale, avalant des villages entiers et tuant plus de 9.000 personnes.
Les pays déjà appauvris attendaient désespérément de l’aide pour la reconstruction — et elle est venue, mais les a attachés avec des cordes. Deux mois après que Mitch ait frappé, alors que le pays était encore à genou, profondément dans les décombres, les cadavres et la boue, le congrès hondurien a lancé ce que le Financial Times a appelé "des liquidations rapides après ouragan ».
Des lois permettant la privatisation des aéroports, des ports maritimes et des routes ont été votées et plans pour privatiser la compagnie de téléphone d’état, la compagnie électrique nationale et une partie du secteur de l’eau ont été élaborés. Des réformes sur le foncier ont été menées avec des lois facilitant l’achats et la vente de propriétés par les étrangers. Ce fut plus ou moins pareil dans les pays voisins: Durant les mêmes deux mois, le Guatemala a annoncé des plans pour liquider son système de téléphone, et le Nicaragua en a fait de même, avec sa compagnie électrique et son secteur pétrolier
Tous les plans de privatisation ont été poussés agressivement par les suspects habituels. Selon le journal de Wall Street, "la banque mondiale et le Fonds monétaire international avaient mis leur poids derrière la vente des télécommunication, en faisant une condition pour dégager environ 47 millions de dollars d’aide annuelle sur trois ans et la liant à environ 4.4 milliards de dollars d’allègement de la dette étrangère pour le Nicaragua."
Maintenant la banque emploie le tsunami du 26 décembre pour pousser ses politiques de « coupeur de gâteau ». Les pays les plus dévastés n’ont vu presque aucune réduction de créance, et la majeure partie de l’aide du secours de la banque mondiale est venue sous forme de prêts, et non de subventions. Plutôt que de souligner la nécessité d’aider les petites communautés de pêche — plus de 80 pour cent des victimes de la vague — la banque pousse pour l’expansion du secteur de tourisme et des exploitations de pisciculture industrielle. Quant à l’infrastructure publique endommagée, comme les routes et les écoles, les documents de la banque admettent que leur reconstruction " peut tendre des finances publiques " et suggère que les gouvernements considèrent la privatisation (oui, ils ont seulement une idée) " pour certains investissements", explique le plan post tsunami de la banque, " il peut être approprié d’utiliser le financement privé ".
Comme dans d’autres sites de reconstruction, de Haïti à l’Irak, le soulagement de tsunami a peu à faire avec récupérer ce qui a été perdu. Bien que les hôtels et l’industrie aient déjà commencé la reconstruction sur la côte, au Sri Lanka, en Thaïlande, en Indonésie et en Inde, les gouvernements ont fait voter des lois empêchant des familles de reconstruire leurs maisons sur les côtes. Les centaines de milliers de personnes ont été de force déplacées vers l’intérieur, dans des campements de style militaire à Aceh et des cabanes préfabriquées en Thaïlande. La côte n’est pas reconstruite comme elle était - avec en pointillé des villages de pêcheurs et des plages décorées de filets faits main. Au lieu de cela, les gouvernements, les sociétés et les donateurs étrangers ont fait équipe pour reconstruire comme ils voulaient que cela soit:des plages comme cours de jeu pour des touristes, océans en tant que mines aqueuses pour les flottilles de la pêche de corporation, les deux desservis par des aéroports privatisés et des routes construites avec de l’argent emprunté.
En janvier Condoleezza Rice a suscité une petite polémique en décrivant le tsunami comme une "occasion merveilleuse" qui " nous a été bénéficaire ". Beaucoup ont été horrifiés à l’idée de traiter une tragédie humaine massive comme une chance d’en tirer avantage. Mais, en tous cas, Rice minimisait l’affaire. Un groupe se nommant " les survivants et les défenseurs du Tsunami thaï " dit que pour des " hommes d’affaires-politiciens, le tsunami était la réponse à leurs prières, car il a littéralement balayé de ces secteurs côtiers des communautés qui avaient précédemment incommodé leurs plans pour des résidences, des hôtels, des casinos et des fermes de crevette. Pour eux, tous ces secteurs côtiers sont maintenant terre ouverte! "
Les catastrophes, semble-t-il, c’est la nouvelle terra nullius.
Traduction pour El Correo: Estelle et Carlos Debiasi
THE RISE OF DISASTER CAPITALISM
By Naomi Klein
No logo. Canada. May 5, 2005.
Last summer, in the lull of the August media doze, the Bush Administration’s doctrine of preventive war took a major leap forward. On August 5, 2004, the White House created the Office of the Coordinator for Reconstruction and Stabilization, headed by former US Ambassador to Ukraine Carlos Pascual. Its mandate is to draw up elaborate "post-conflict" plans for up to twenty-five countries that are not, as of yet, in conflict. According to Pascual, it will also be able to coordinate three full-scale reconstruction operations in different countries "at the same time," each lasting "five to seven years."
Fittingly, a government devoted to perpetual pre-emptive deconstruction now has a standing office of perpetual pre-emptive reconstruction.
Gone are the days of waiting for wars to break out and then drawing up ad hoc plans to pick up the pieces. In close cooperation with the National Intelligence Council, Pascual’s office keeps "high risk" countries on a "watch list" and assembles rapid-response teams ready to engage in prewar planning and to "mobilize and deploy quickly" after a conflict has gone down. The teams are made up of private companies, nongovernmental organizations and members of think tanks—some, Pascual told an audience at the Center for Strategic and International Studies in October, will have "pre-completed" contracts to rebuild countries that are not yet broken. Doing this paperwork in advance could "cut off three to six months in your response time."
Few ideologues can resist the allure of a blank slate—that was colonialism’s seductive promise: "discovering" wide-open new lands where utopia seemed possible. But colonialism is dead, or so we are told; there are no new places to discover, no terra nullius (there never was), no more blank pages on which, as Mao once said, "the newest and most beautiful words can be written." There is, however, plenty of destruction—countries smashed to rubble, whether by so-called Acts of God or by Acts of Bush (on orders from God). And where there is destruction there is reconstruction, a chance to grab hold of "the terrible barrenness," as a UN official recently described the devastation in Aceh, and fill it with the most perfect, beautiful plans.
The plans Pascual’s teams have been drawing up in his little-known office in the State Department are about changing "the very social fabric of a nation," he told CSIS. The office’s mandate is not to rebuild any old states, you see, but to create "democratic and market-oriented" ones. So, for instance (and he was just pulling this example out of his hat, no doubt), his fast-acting reconstructors might help sell off "state-owned enterprises that created a nonviable economy." Sometimes rebuilding, he explained, means "tearing apart the old."
"We used to have vulgar colonialism," says Shalmali Guttal, a Bangalore-based researcher with Focus on the Global South. "Now we have sophisticated colonialism, and they call it ’reconstruction.’"
It certainly seems that ever-larger portions of the globe are under active reconstruction: being rebuilt by a parallel government made up of a familiar cast of for-profit consulting firms, engineering companies, mega-NGOs, government and UN aid agencies and international financial institutions. And from the people living in these reconstruction sites—Iraq to Aceh, Afghanistan to Haiti—a similar chorus of complaints can be heard. The work is far too slow, if it is happening at all. Foreign consultants live high on cost-plus expense accounts and thousand- dollar-a-day salaries, while locals are shut out of much-needed jobs, training and decision-making. Expert "democracy builders" lecture governments on the importance of transparency and "good governance," yet most contractors and NGOs refuse to open their books to those same governments, let alone give them control over how their aid money is spent.
Three months after the tsunami hit Aceh, the New York Times ran a distressing story reporting that "almost nothing seems to have been done to begin repairs and rebuilding." The dispatch could easily have come from Iraq, where, as the Los Angeles Times just reported, all of Bechtel’s allegedly rebuilt water plants have started to break down, one more in an endless litany of reconstruction screw-ups. It could also have come from Afghanistan, where President Hamid Karzai recently blasted "corrupt, wasteful and unaccountable" foreign contractors for "squandering the precious resources that Afghanistan received in aid." Or from Sri Lanka, where 600,000 people who lost their homes in the tsunami are still languishing in temporary camps. One hundred days after the giant waves hit, Herman Kumara, head of the National Fisheries Solidarity Movement in Negombo, Sri Lanka, sent out a desperate e-mail to colleagues around the world. "The funds received for the benefit of the victims are directed to the benefit of the privileged few, not to the real victims," he wrote. "Our voices are not heard and not allowed to be voiced."
But if the reconstruction industry is stunningly inept at rebuilding, that may be because rebuilding is not its primary purpose. According to Guttal, "It’s not reconstruction at all—it’s about reshaping everything." If anything, the stories of corruption and incompetence serve to mask this deeper scandal: the rise of a predatory form of disaster capitalism that uses the desperation and fear created by catastrophe to engage in radical social and economic engineering. And on this front, the reconstruction industry works so quickly and efficiently that the privatizations and land grabs are usually locked in before the local population knows what hit them. Kumara, in another e-mail, warns that Sri Lanka is now facing "a second tsunami of corporate globalization and militarization," potentially even more devastating than the first. "We see this as a plan of action amidst the tsunami crisis to hand over the sea and the coast to foreign corporations and tourism, with military assistance from the US Marines."
As Deputy Defense Secretary, Paul Wolfowitz designed and oversaw a strikingly similar project in Iraq: The fires were still burning in Baghdad when US occupation officials rewrote the investment laws and announced that the country’s state-owned companies would be privatized. Some have pointed to this track record to argue that Wolfowitz is unfit to lead the World Bank; in fact, nothing could have prepared him better for his new job. In Iraq, Wolfowitz was just doing what the World Bank is already doing in virtually every war-torn and disaster-struck country in the world—albeit with fewer bureaucratic niceties and more ideological bravado.
"Post-conflict" countries now receive 20-25 percent of the World Bank’s total lending, up from 16 percent in 1998—itself an 800 percent increase since 1980, according to a Congressional Research Service study. Rapid response to wars and natural disasters has traditionally been the domain of United Nations agencies, which worked with NGOs to provide emergency aid, build temporary housing and the like. But now reconstruction work has been revealed as a tremendously lucrative industry, too important to be left to the do-gooders at the UN. So today it is the World Bank, already devoted to the principle of poverty-alleviation through profit-making, that leads the charge.
And there is no doubt that there are profits to be made in the reconstruction business. There are massive engineering and supplies contracts ($10 billion to Halliburton in Iraq and Afghanistan alone); "democracy building" has exploded into a $2 billion industry; and times have never been better for public-sector consultants—the private firms that advise governments on selling off their assets, often running government services themselves as subcontractors. (Bearing Point, the favored of these firms in the United States, reported that the revenues for its "public services" division "had quadrupled in just five years," and the profits are huge: $342 million in 2002—a profit margin of 35 percent.)
But shattered countries are attractive to the World Bank for another reason: They take orders well. After a cataclysmic event, governments will usually do whatever it takes to get aid dollars—even if it means racking up huge debts and agreeing to sweeping policy reforms. And with the local population struggling to find shelter and food, political organizing against privatization can seem like an unimaginable luxury.
Even better from the bank’s perspective, many war-ravaged countries are in states of "limited sovereignty": They are considered too unstable and unskilled to manage the aid money pouringin,soit is often put in a trust fundmanagedby the World Bank. This is the case in East Timor, where the bank doles out money to the government as long as it showsit isspendingresponsibly.Apparently, thismeans slashing public-sector jobs (Timor’sgovernmentishalfthe size it was under Indonesian occupation) but lavishing aid money on foreign consultants the bank insists the government hire (researcher Ben Moxham writes, "In one government department, a single international consultant earns in one month the same as his twenty Timorese colleagues earn together in an entire year").
In Afghanistan, where the World Bank also administers the country’s aid through a trust fund, it has already managed to privatize healthcare by refusing to give funds to the Ministry of Health to build hospitals. Instead it funnels money directly to NGOs, which are running their own private health clinics on three-year contracts. It has also mandated "an increased role for the private sector" in the water system, telecommunications, oil, gas and mining and directed the government to "withdraw" from the electricity sector and leave it to "foreign private investors." These profound transformations of Afghan society were never debated or reported on, because few outside the bank know they took place: The changes were buried deep in a "technical annex" attached to a grant providing "emergency" aid to Afghanistan’s war-torn infrastructure—two years before the country had an elected government.
It has been much the same story in Haiti, following the ouster of President Jean-Bertrand Aristide. In exchange for a $61 million loan, the bank is requiring "public-private partnership and governance in the education and health sectors," according to bank documents—i.e., private companies running schools and hospitals. Roger Noriega, US Assistant Secretary of State for Western Hemisphere Affairs, has made it clear that the Bush Administration shares these goals. "We will also encourage the government of Haiti to move forward, at the appropriate time, with restructuring and privatization of some public sector enterprises," he told the American Enterprise Institute on April 14, 2004.
These are extraordinarily controversial plans in a country with a powerful socialist base, and the bank admits that this is precisely why it is pushing them now, with Haiti under what approaches military rule. "The Transitional Government provide[s] a window of opportunity for implementing economic governance reforms...that may be hard for a future government to undo," the bank notes in its Economic Governance Reform Operation Project agreement. For Haitians, this is a particularly bitter irony: Many blame multilateral institutions, including the World Bank, for deepening the political crisis that led to Aristide’s ouster by withholding hundreds of millions in promised loans. At the time, the Inter-American Development Bank, under pressure from the State Department, claimed Haiti was insufficiently democratic to receive the money, pointing to minor irregularities in a legislative election. But now that Aristide is out, the World Bank is openly celebrating the perks of operating in a democracy-free zone.
The World Bank and the International Monetary Fund have been imposing shock therapy on countries in various states of shock for at least three decades, most notably after Latin America’s military coups and the collapse of the Soviet Union. Yet many observers say that today’s disaster capitalism really hit its stride with Hurricane Mitch. For a week in October 1998, Mitch parked itself over Central America, swallowing villages whole and killing more than 9,000.
Already impoverished countries were desperate for reconstruction aid—and it came, but with strings attached. In the two months after Mitch struck, with the country still knee-deep in rubble, corpses and mud, the Honduran congress initiated what the Financial Times called "speed sell-offs after the storm."
It passed laws allowing the privatization of airports, seaports and highways and fast-tracked plans to privatize the state telephone company, the national electric company and parts of the water sector. It overturned land-reform laws and made it easier for foreigners to buy and sell property. It was much the same in neighboring countries: In the same two months, Guatemala announced plans to sell off its phone system, and Nicaragua did likewise, along with its electric company and its petroleum sector.
All of the privatization plans were pushed aggressively by the usual suspects. According to the Wall Street Journal, "the World Bank and International Monetary Fund had thrown their weight behind the [telecom] sale, making it a condition for release of roughly $47 million in aid annually over three years and linking it to about $4.4 billion in foreign-debt relief for Nicaragua."
Now the bank is using the December 26 tsunami to push through its cookie-cutter policies. The most devastated countries have seen almost no debt relief, and most of the World Bank’s emergency aid has come in the form of loans, not grants. Rather than emphasizing the need to help the small fishing communities—more than 80 percent of the wave’s victims—the bank is pushing for expansion of the tourism sector and industrial fish farms. As for the damaged public infrastructure, like roads and schools, bank documents recognize that rebuilding them "may strain public finances" and suggest that governments consider privatization (yes, they have only one idea). "For certain investments," notes the bank’s tsunami-response plan, "it may be appropriate to utilize private financing."
As in other reconstruction sites, from Haiti to Iraq, tsunami relief has little to do with recovering what was lost. Although hotels and industry have already started reconstructing on the coast, in Sri Lanka, Thailand, Indonesia and India, governments have passed laws preventing families from rebuilding their oceanfront homes. Hundreds of thousands of people are being forcibly relocated inland, to military style barracks in Aceh and prefab concrete boxes in Thailand. The coast is not being rebuilt as it was—dotted with fishing villages and beaches strewn with handmade nets. Instead, governments, corporations and foreign donors are teaming up to rebuild it as they would like it to be: the beaches as playgrounds for tourists, the oceans as watery mines for corporate fishing fleets, both serviced by privatized airports and highways built on borrowed money.
In January Condoleezza Rice sparked a small controversy by describing the tsunami as "a wonderful opportunity" that "has paid great dividends for us." Many were horrified at the idea of treating a massive human tragedy as a chance to seek advantage. But, if anything, Rice was understating the case. A group calling itself Thailand Tsunami Survivors and Supporters says that for "businessmen-politicians, the tsunami was the answer to their prayers, since it literally wiped these coastal areas clean of the communities which had previously stood in the way of their plans for resorts, hotels, casinos and shrimp farms. To them, all these coastal areas are now open land!"
Disaster, it seems, is the new terra nullius.