recherche

Accueil > Empire et Résistance > Ingérences, abus et pillages > L’US Air Force, la valise et les « cipayos »

21 février 2011

L’US Air Force, la valise et les « cipayos »

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Sous ce titre a priori énigmatique ne se cache pas une nouvelle fable moderne (quoi que…) mais bien une des actualités qui a beaucoup fait parler en Argentine dernièrement.

Pour résumer les faits, jeudi de la semaine dernière, un des plus gros avions-cargo de l’armée étasunienne a atterri à Ezeiza, l’aéroport de Buenos Aires. A son bord, du matériel pour des cours sur la gestion des prises d’otages et des enlèvements organisés par l’armée US à destination de la Police Fédérale argentine. Une liste avait été fournie au chancelier argentin avec le détail des produits transportés.

Jusqu’ici, tout va bien. Les douaniers ont donc commencé à vérifier le contenu de l’avion (énorme, rappelons-le) et se sont rendu compte qu’un tiers de son chargement, dont des armes et des munitions, ne correspondait pas. Et puis il y avait cette valise, sur laquelle des Marines se sont relayés pour rester assis toute la journée, afin qu’elle ne soit pas contrôlée. Après arrivée du chancelier, elle a finalement été ouverte. Bilan de cette vérification : en plus d’armes non déclarées, les Etats-Unis faisaient entrer en douce de la drogue, des médicaments périmés, des outils d’espionnage (écoutes téléphoniques, super-GPS), entre autres.

Le gouvernement argentin a retenu ce matériel et suspendu le cours prévu. L’affaire aurait pu en rester là — comme ça avait été le cas pour un épisode similaire, en août dernier, pour laquelle l’ambassadrice américaine elle-même avait fait renvoyer le chargement à son port de départ. Les Etats-Unis se sont bien sûr un peu plaints.

Évidemment, pas plus que vous j’imagine je n’ai été surprise par le fait que les Etats-Unis pensent être au-dessus des lois internationales. J’ai déjà été plus étonnée et heureuse — j’allais dire orgueilleuse — de la réponse ferme mais juste du gouvernement argentin. Il faut rappeler qu’à une époque le FMI et les Etats-Unis transmettaient les lois aux gouvernements qui se contentaient de les traduire avant de les promulguer.

Mais ce qui m’intéresse ici, c’est la réaction des médias argentins. En effet, dans Clarin et La Nacion, on a pu lire pendant toute la semaine des éditoriaux désespérés de journalistes qui se traînaient par terre en suppliant les Etats-Unis de bien vouloir pardonner à l’Argentine, pays misérable qui ne sait pas ce qu’il fait à oser cet impensable affront au Tout-Puissant pays « sérieux ».

A lire certains articles, on avait l’impression que pendant ce temps, il y avait des armées de Marines en train de se préparer à l’assaut sur l’Argentine tellement le conflit était dramatique. L’Iran à côté ? Des enfantillages. Ce qui était vraiment grave, c’était ce « conflit diplomatique ». Même CNN avait une vision bien plus modérée sur l’affaire. Inutile de préciser d’ailleurs qu’elle n’a pas fait les gros titres aux Etats-Unis.

Evidemment, si un avion argentin avait fait la même chose aux Etats-Unis, les responsables seraient probablement en costume orange dans un coin de l’île de Cuba à l’heure où j’écris. Le fait de faire respecter des lois internationales très claires sur le sujet ne paraît pas une réaction démesurée du gouvernement. Mais alors pourquoi cette réaction ?

Nous en arrivons au « cipayo ». A l’époque coloniale, les cipayos étaient des soldats indiens qui combattaient pour l’Empire britannique [1]. Aujourd’hui, il semblerait qu’une bonne partie de la presse – mais heureusement, j’ai l’impression, une faible proportion de la population – soit victime de cette variante du syndrome de Stockholm, qui fait que malgré la décolonisation (partielle en tous cas), ils restent à ce point convaincus de leur infériorité. On parle bien ici de colonisation économique.

A quel point d’aliénation et d’opposition au gouvernement faut-il arriver pour prendre systématiquement le parti de l’autre contre son propre pays – même quand l’autre en question a visiblement tort ?

Je finirais cet article par un hommage à Correa, président équatorien qui a gagné ma totale sympathie pour avoir répondu aux Etats-Unis qui voulaient renouveler un accord pour conserver une base militaire en Equateur qu’ils les laisseraient avec plaisir, dès lors que l’Equateur pourra installer une base militaire à Miami.

Hélène la tête en bas , 18 février 2011.

A Lire : Armes et « médicaments » non déclarés dans un avion militaire US à Buenos Aires,

Notes

[1Cipayos / cipayes est une sorte de « collabo » actuel. Aujourd’hui on appelle « cipayo » en Argentine ceux qui travaillent pour des intérêts étrangers contre les intérêts nationaux.

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site