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20 de septiembre de 2005

L’Iran passe à l’euro: et maintenant ?

 

Par Olivier
Economie , lundi 19 septembre 2005.

Ca fait longtemps que je n’ai pas écrit de rubrique économique. Il se passe plein de choses, en ce moment, notamment sur le marché du pétrole. Et il devrait se passer des événements majeurs au printemps prochain. J’avais envie de vous en parler.
Vous l’avez tous constaté : le cours du baril de pétrole brut n’a cessé de monter depuis quelques mois. Il n’est plus farfelu de parler de troisième choc pétrolier.

A la pompe, les prix ont doublé en deux ans. A Montréal, le litre d’essence se vendait autour des 75 cents au début de 2003, il est aujourd’hui entre 1,35 et 1,50 dollars. A Paris, le seuil de 1,50 euros (soit 10 francs) a été franchi pour le litre d’essence sans plomb.

Ce matin, dans Le Monde, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévient que peu après 2010, la production des Etats qui ne sont pas membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) devrait commencer à décliner, avec les conséquences que l’on connaît sur les cours, déjà très élevés.

Une nouvelle est passée un peu à la trappe il y a deux semaines, balayée par l’ouragan Katrina. Pourtant, elle devrait, elle aussi, bouleverser le marché du pétrole : l’Iran a décidé de créer son propre marché boursier de pétrole brut.
Le 20 mars 2006, date du nouvel an iranien, l’Iran cessera de vendre son pétrole sur les marchés de Londres (IPE) et de New York (NYMEX) pour le vendre sur son propre marché en euros.

Pour le monde entier, et en particulier les Etats-Unis, ce pourrait être le début d’un séisme monétaire. C’est ce que détaillent ce très bon article de William R. Clark (si vous lisez l’anglais), et ses liens.

Pourquoi l’Iran ?

Parce que les deux pays sont ennemis depuis 1979 : "Grand Satan" pour l’Iran, les Etats-Unis ont enfermé l’Iran dans leur "Axe du Mal". La rhétorique est la même: Dieu est avec moi et contre mes ennemis.

Il est évident que Mahmoud Ahmadinejad, le nouveau président iranien, un ultra, ne fera aucun cadeau à l’administration Bush, qui de son côté fait tout pour marginaliser son ennemi et focaliser l’attention de l’opinion internationale sur son (réel) potentiel armement nucléaire. Soutenus par la France et la Grande-Bretagne, les Etats-Unis tentent de traîner l’Iran devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour qu’il rende des comptes sur sa politique nucléaire.

Or, l’Iran se sent très menacé depuis les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak. Le Pakistan, la Géorgie et l’Ouzbékistan sont passés dans la sphère d’influence états-unienne. Le QG de l’armée états-unienne s’est installé au Qatar, les porte-avions mouillent dans la zone, et Israël menace. L’Iran se sent encerclé par une armée hostile, et le cas irakien renforce sa détermination. Il suit la Corée du Nord sur le chemin du nucléaire... et fourbit ses armes économiques. Des armes puissantes grâce au pétrole, dont il est le deuxième producteur, juste derrière l’Arabie Saoudite.

Pourquoi le pétrole ?

Parce que le pétrole, en voie d’épuisement, est devenu une ressource essentielle pour l’économie de chaque pays, un produit pour lequel des pays n’hésitent pas à se faire la guerre: Iran contre Irak, Irak contre Koweit, Etats-Unis contre Irak bientôt Etats-Unis contre Iran?

Le consommateur états-unien a cruellement besoin d’essence! La panique aux stations service après le passage de Katrina en est la preuve! Même si leur premier fournisseur de pétrole est... le Canada, juste devant le Venezuela, le Mexique et l’Arabie Saoudite, le département états-unien estime qu’en 2020, 20% du pétrole importé devrait venir du Moyen-Orient contre 13% aujourd’hui. L’Iran sait tout ça et compte bien profiter de la faiblesse de son ennemi.

Pourquoi est-ce important? Comment ça va se passer?
D’une manière très simple, légale, et même logique du point de vue des marchés: les compagnies pétrolières pourront dès mars 2006 acheter du pétrole côté en dollars à Londres et New York, ET en euros à Téhéran. Au choix.

C’est important: pour la première fois on va exprimer un cours du pétrole dans une monnaie autre que le dollar. C’est la fin du monopole du dollar pour le marché du pétrole.

Les Etats-Unis ont toujours profité du fait que tous les pays du monde devaient acheter des dollars pour s’approvisionner en pétrole.
Le problème, tout nouveau, qui se pose aux Etats-Unis, c’est que désormais, si ces pays doivent vendre leurs dollars pour s’approvisionner... ils les vendront, sans état d’âme.

D’autant plus que 45% des produits importés par le Moyen-Orient sont achetés à l’Union Européenne, qui est de loin le premier client du Moyen-Orient.
Tout le monde éviterait les frais de change. Pourquoi passer par une monnaie tierce, après tout?

Bref, avec l’abandon du dollar pour la cotation du pétrole, c’est d’abord un coup dur pour l’IPE de Londres et le WTI de New York. C’est pour ces deux places une perte d’influence notable. D’ailleurs, le Guardian s’en inquiète.

Leur marché n’étant plus aussi important pour les producteurs... ce serait aussi pour les Etats-Unis une grave perte d’influence politique sur l’OPEP (dont fait partie l’Iran).
Pire, il faudrait désormais tenir compte du marché des changes... et du cours de l’euro.
C’est un cauchemar pour W et son administration, un scénario à éviter à tout prix!

Mais pourquoi? Est-ce si grave, après tout?
Puisqu’il faudra désormais des euros pour acheter du pétrole iranien, nombre de clients de l’Iran vont décider de vendre leurs dollars en réserve pour acheter des euros. Ce qui pourrait amorcer la spéculation contre le dollar dont je vous parlais en avril.

Si le dollar baisse trop, les Etats-Unis n’auraient d’abord simplement plus les moyens de s’approvisionner en pétrole, avec les conséquences que l’on imagine (et dont l’Iran rêve), autant en Amérique que dans le reste du monde.

D’autant plus que, si d’autres marchés, comme le Brent de la mer du Nord, suivent l’exemple iranien, ou si l’on commence à coter d’autres produits comme l’acier, ou le gaz, ça serait la mort du dollar étalon mondial.
Peut-être même que les Etats-Unis ne pourraient plus rien importer du tout! Qui veut vendre quelque chose à un pays insolvable, au bord de la faillite?

C’est un scénario terrible, mais probable.

Tragique au Québec aussi. Comme 80% de ses exportations filent tout droit vers son voisin du sud, un pan entier de l’économie québécoise s’effondrerait dans les jours qui suivraient la chute brutale du dollar. Il est grand temps de chercher de nouveaux marchés!

Bien entendu, Al Jazeera se réjouit de la situation, et conclut que l’impact d’une bourse iranienne du pétrole sur le dollar et l’économie des Etats-Unis pourrait être pire que si l’Iran y lançait une bombe atomique, ce que relève aussi l’Asia Times.
Bombe atomique, il ne faut peut-être pas pousser... Crise économique, récession et changement géopolitique majeurs, scénario à l’argentine, très certainement. Un changement de siècle, en somme, 15 ans après la mort de l’Union Soviétique.
Emmanuel Todd fait d’ailleurs le parallèle avec la fin de l’URSS.

A ma connaissance, les grands médias aux Etats-Unis, n’en parlent pas du tout. Pourtant, c’est une nouvelle d’importance!

Bon, alors?! Est-ce que les Etats-Unis envisagent une "guerre préventive" pour empêcher tout ça?
D’après Philip Giraldi, dans son article In Case of Emergency, Nuke Iran, publié dans The American Conservative (qui porte bien son nom), la possibilité d’une attaque nucléaire sur l’Iran a été envisagée par le vice-président Dick Cheney, qui a même demandé au Pentagone de travailler sur ce scénario.
Moi, je ne sais pas, mais des bombes H sur l’Iran, ça ne devrait pas faire baisser le cours du brut. Remarquez, ce n’est peut-être pas ce que souhaite Dick Cheney...
En revanche, empêcher à tout prix la vente de pétrole sur un marché hostile, et dans une monnaie autre que la sienne, ça oui, il le souhaite!

Le magasine Newsweek a lui aussi évoqué cette option d’invasion de l’Iran en septembre 2004 (l’an dernier).
Les pontes du Pentagone ne sont pas chauds pour déclencher un nouveau conflit. On les comprend: l’Iran est un morceau bien plus gros que l’Irak!

Il n’a pas subi d’embargo depuis dix ans, il est bien mieux armé, et il peut facilement bloquer le détroit d’Ormuz, où passent les pétroliers des pétromonarchies. Un conflit qui mettrait à feu et à sang le golfe persique, l’Iran et la péninsule arabique, ce serait dramatique pour le marché du pétrole!

Et puis sans preuve d’un armement nucléaire, comment justifier une intervention armée? On ne peut pas attaquer un pays juste parce qu’il décide de vendre sa marchandise sur le marché et dans la monnaie de son choix? Surtout qu’il y a des intérêts stratégiques majeurs, et divergents, entre les Etats-Unis et leurs alliés européens et chinois.
Sans l’aide de ses alliés (contre eux?), sans légitimité et un aval de l’ONU, c’est à exclure. D’ailleurs, les Etats-Unis n’en ont plus les moyens, ni militaires, ni financiers.

Mais pourquoi l’Iran abandonne le dollar seulement maintenant?

Parce que les Etats-Unis n’ont jamais été aussi politiquement vulnérables à l’intérieur, comme à l’extérieur (attentats, concurrence européenne et chinoise, image négative dans le monde, catastrophes naturelles mal gérées...).
Les alliés ont été malmenés, et sont réticents à l’idée de toute nouvelle expédition militaire. D’ailleurs, le tout nouveau gouvernement norvégien vient d’annoncer le retrait de ses troupes stationnées en Irak.

L’ère de l’empire états-unien semble prendre fin, comme a pris fin l’empire britannique entre 1930 et 1945.
Je ne développe pas... ça serait trop long, mais ça ferait une rubrique de fond très intéressante.
Economiquement, j’en ai déjà parlé:
 L’euro existe, et est une monnaie, crédible, alternative au dollar. Il n’y en avait pas avant 1999.
 La dette et les déficits astronomiques des Etats-Unis ont livré l’économie de la dernière "hyper puissance" aux mains des banques centrales asiatiques.
 Les banques centrales et les investisseurs ont déjà décidé de rééquilibrer leurs avoirs au détriment du dollar, et en faveur de l’euro.
 L’industrie états-unienne est aujourd’hui équivalente à l’industrie japonaise, pour une population double. Contrairement à ce qu’on imagine, le taux horaire de productivité du salarié français est supérieur au même taux aux Etats-Unis.
 L’Union Européenne est devenue la première zone d’échange du monde et la troisième zone la plus peuplée derrière la Chine et l’Inde, avec un marché de 450 millions de consommateurs aisés et solvables.
 Les Etats-Unis se sont concentrés dans les nouvelles technologies, et délaissent leur industrie. La Chine reprend ces marchés... pour commencer. L’Inde attaque les services (informatique, comptabilité...). Est-ce vraiment utile et nécessaire de retourner sur la lune?
De plus, la Russie, la Chine et l’Europe n’ont pas intérêt à voir l’Iran s’embraser comme l’Irak.
 L’Iran a signé un important contrat de 100 milliards de dollars avec la Chine, qui consomme déjà 13% de la production iranienne. La Chine, qui, comme la Russie et la France, n’entend pas se faire chasser à nouveau de ce marché, comme ce fut le cas en 2003 avec l’Irak.
 Le premier client de l’Iran est l’Union européenne et les Européens plaident en faveur d’une route des oléoducs traversant l’Iran pour rejoindre la mer d’Oman.
 La Russie ne veut pas de la présence de l’armée des Etats-Unis en Asie centrale, et va tout faire pour l’empêcher de s’installer durablement sur son flanc sud.

L’Europe, quant à elle, a des perspectives très différentes de celles de l’administration états-unienne: en 2030, elle devrait avoir réduit la part du pétrole dans la production d’électricité de 6 % à 1,5 %. Déjà, alors qu’en juin 2005, un Etats-unien consomme 9 tonnes de TEP (tonnes équivalent pétrole) par an, un Japonais, un Français et un Allemand n’en consomment que 5. Un Chinois 1. En France, 80% de l’électricité est d’origine nucléaire.
L’UE se concentre sur une montée en puissance du gaz naturel, du nucléaire; et des énergies renouvelables (solaire, éolien...).

Alors, que faire?

Il devient urgent de suivre les recommandations de l’Agence internationale de l’énergie: Economisez l’énergie, économisez le pétrole ! Diversifiez-vous (...). Sortez du pétrole !

Si le pétrole perdait de son importance, il est certain qu’on ne se battrait pas autant pour se l’approprier.
Une raison de plus pour se lancer vers les énergies renouvelables, les biocarburants... et le recyclage!

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