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12 février 2008

"En écartelant Perón" :
Fernando "Pino" Solanas.

par Fernando Pino Solanas

 

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L’accord de Nestor Kirchner avec Roberto Lavagna et sa décision de présider le Parti Justicialiste (PJ) est un acte qui clarifie la scène politique argentine. La tactique du "pejotisme" revient à se diviser avant les rendez-vous électoraux et d’annuler ses accords internes autour des élections nationales -1985, 2003 et 2007- et de se rassembler à nouveau après les élections. Comme le fait également l’UCR dans son ardeur à se reconstruire.

Cette fois Kirchner recommence à serrer les rangs avec le mentor de son plan économique et ses vieux collègues Duhalde, Caamaño, Barrionuevo, Romero, Porta, De la Sota, Rodríguez Saá et Menem. Que personne ne s’étonne : l’accord de Kirchner avec Menem en 2005 l’habilitant à se présenter comme sénateur avait jeté aux oubliettes ses affaires pénales et l’écartement du ministre Beliz qui enquêtait sur ses comptes en Suisse, en fait la démonstration.

Qui est-ce qui présidait la Commission de Questions Constitutionnelles du Sénat ? : la sénatrice Cristina Kirchner. Pourquoi tant de dirigeants s’unissent : pour approfondir un processus libérateur, pour démocratiser la démocratie, pour récupérer la souveraineté, le pétrole, la participation populaire, ou pour reconstruire les industries de l’État ? Non. Parce que ce n’est pas la passion nationale et sociale de Perón et d’Évita qui les unit mais le pouvoir pour soi, pour se servir du système ou pour s’enrichir. Le PJ est la grande centrale d’affaires où la trahison et les « affaires » ont remplacé l’éthique en politique.

Aujourd’hui ils recommencent à se rassembler dans un PJ qui ratifie son appartenance à l’ "International Social Chrétienne" que préside Vicente Fox préside et dont font partie Aznar et Felipe Calderón. Un PJ où cohabitent des gens honnêtes avec des délinquants et des fonctionnaires corrompus, des péronistes authentiques avec des antipatriotes, proy-anquis, néolibéraux, des propriétaires fonciers, des propriétaires de médias. Des gouverneurs qui distribuent des concessions minières et des terres de l’Etat à leurs amis et valident la cession à des capitaux étrangers de millions d’hectares. Ce sont les mêmes qui dans les années 90 ont bradé le pétrole et vidé le patrimoine public, qui ont initié ce modèle qui a fini en génocide social : plus de 30.000 morts en 2001 et 2002 par malnutrition ou maladies guérissables.

Ce qui divise la politique nationale c’est le modèle néolibéral approfondi par Menem et pas les disputes entre les dirigeants politiques ; un modèle qui continue aujourd’hui avec ses propres nuances : la l’exploitation du pétrole et des mines, des subventions aux privatisées et aux multinationales, la polarisation de la richesse. Dans la Réforme Constitutionnelle de 1994, au lieu de remettre l’art. 40 de la Constitution de 1949 - "les minerais et les chutes d’eau, les gisements de pétrole, charbon et gaz (...) sont des propriétés inaliénables et imprescriptibles de la Nation" - les justicialistes avec Nestor et Cristina Kirchner ont voté sa négation et ont démoli la politique séculière de l’État qui mettait les ressources stratégiques au service de la Nation : "Correspond aux provinces la domination originelle des ressources naturelles existantes sur leur territoire" (art. 124). [Ouvrant grande la porte à des futures tentatives de séparatismes comme c’est le cas en Bolivie (Santa Cruz), au Brésil (Sao Pablo), au Venezuela (Zulia), arme ultime avant l’invasion des empires]

De Menem aux deux Kirchner, ces richesses font le bonheur des multinationales et des fonctionnaires qui font des affaires privées avec des biens publics. Est-ce que le plus grand exemple n’est pas la fausse "argentinisation" d’YPF-Repsol dans les mains de ce banquier privé de Santa Cruz ? Pendant ce temps ils continuent d’extraire du pétrole et des métaux sans contrôle public : un pillage de plus de 20 milliards des dollars annuels consenti par Menem et par les Kirchner. L’impunité est totale : ce sont les entreprises qui déclarent ce qu’elles emportent tandis que le gouvernement argentin le permet et met le chapeau sur ce scandale. Elisa Carrio, Lavagna, Alfonsin, aucun ne discute les questions stratégiques comme la prorogation jusqu’à 2047 des vieilles concessions de Menem qu’a facilité Kirchner, avec la cession de tous les gisements aux provinces. [Diviser pour régner sur la contestation du pillage]

L’écartèlement du projet de Perón n’est pas nouveau, cela fait des décennies qu’ils le font. Dans son message sur le Projet Argentin devant le Congrès-le 1er mai 1974 - Perón proposait de réaliser une révolution dans la paix et ratifiait la propriété sur les ressources naturelles. Huit semaines après, il mourait dans des circonstances mystérieuses qui n’ont pas voulu être élucidées. Bien qu’il ait été délicat de santé il n’y avait pas d’unité d’urgence dans la résidence présidentielle : l’ont-ils laissé mourir ou l’ont-ils empoisonné comme Joao Goulart ? Parmi ceux qui l’entouraient se trouvait López Rega. Quelque mois plus tard arrivait le "Rodrigazo" qui annonçait le plan Martínez de Hoz [De sinistre mémoire argentine]. La saga tragique a continué : frappées par l’échec ou achetées à coup de canon et des millions des privatisations, la conduite "pejotista" a enterré les cendres du projet de Perón. Antonio Cafiero, justifiant ce qu’on travestissait, dirait : "La trahison est inhérente à l’action politique".

Il est temps d’investir nos efforts dans le sauvetage et la reconstruction du mouvement national devant l’étape extraordinaire de l’histoire continentale qui nous est donné de vivre. Nous qui avons eu l’honneur de traiter et d’ apprendre avec Perón, Scalabrini, Jauretche, Cooke, nous savons qu’il n’y a pas de mission plus urgente pour les compagnons péronistes que de nous unir avec tous les patriotes et militants politiques et sociaux pour réaliser la révolution nationale inachevée. Laissons des illusions vaines, ayons de la grandeur et honorons ce que Perón nous disait après avoir pris congé le 12 juin 1974 : "Je suis venu au pays pour lancer un processus de libération nationale et non pour consolider la dépendance. L’unité que nous avons proposée fut pour concrétiser la libération nationale et non pour donner du courage aux ennemis du peuple. Cette unité était et elle est pour que le peuple puisse faire sa volonté sans obstacles".

Fernando Solanas Cinéaste, un ex-candidat aux éléections présidentielles de Proyecto Sur.

Página 12 . Buenos Aires, le 11 février 2008.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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