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15 mai 2010

Economie mondiale
De mal en pis.

par Juan Gelman *

 

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Il s’éteint, le concert de voix qui proclament la sortie de la crise économique mondiale : le séisme européen est une forte réplique de l’épicentre qui secoue les Etats-Unis depuis 2008. Même le FMI souligne que les mesures adoptées pour sauver la Grèce sont à peine les calmants d’une grave maladie. Mais il n’explique pas en quoi consiste le malheur. Il propose seulement comme « soin » des mesures d’ajustement qui affectent des millions et des millions d’habitants de la planète.

Le professeur émérite d’Économie de l’Université d’Ottawa, Michael Chossudovsky, et le chercheur indépendant Andrew Gavin Marshall viennent de réunir dans un volume intitulé« The Global Economic Crisis. The Great Depression of the XXI Century  » (Research Publishers Global, Centre for Research on Globalization, Montreal, 2010), les travaux de 16 spécialistes qui explorent à fond les causes et les conséquences d’un phénomène qui ne découle pas précisément d’une poignée de banquiers sans scrupules, comme Barack Obama le suggère : c’est l’aboutissement d’un long processus de changement du modèle économique occidental qui a débuté dans les années 80. La dite « dérégulation » qui alors est née a été normée par l’implantation progressive d’instruments complexes créés par l’appareil financier.

Les éditeurs synthétisent les conclusions des spécialistes dans le prologue de l’œuvre (www.globalresearch.ca, 9-5-10). La principale : « L’humanité se trouve au croisement de la crise économique et sociale la plus grave de l’histoire moderne ». Et de souligner qu’il ne s’agit pas seulement d’ une bulle immobilière qui a éclaté il y a deux ans : le naufrage des marchés financiers dans la période 2008/09 fut la séquelle de la fraude institutionnalisée et de la manipulation financière. En obéissant, clairement , à la loi du bénéfice maximal.

Il est notoire que cela creuse les distances entre une base sociale et un sommet en matière de répartition du revenu national. Une étude que le professeur Emanuel Saez, du Département d’Économie de l’Université de Berkeley, a réalisée il y a deux ans révèle qu’aux Etats-Unis cet éloignement « est particulièrement brutal à partir des années 80 : les 10 % les plus riches (de la population) accaparaient 35 %du revenu national en 1982, une proportion qui atteint 50 % 25 ans après, récréant la situation qui a précédée le krach de la Bourse en 1929 » (15-3-08). Malgré les déclarations optimistes de la Maison Blanche, le chômage augmente dans la superpuissance.

D’autres analyses inquiétantes sont résumées dans le prologue de The Global Economic Crisis : cette récession économique n’a pas une origine unique, mais s’inscrit dans le développement d’une militarisation à une échelle mondiale. « La direction de la ‘guerre prolongée’ du Pentagone se lie étroitement avec la refonte de l’économie globale..., l’architecture financière globale nourrit des objectifs stratégiques et de sécurité nationale. En échange, l’agenda militaire des Etats-Unis et de l’OTAN sert d’appui à une puissante élite patronale qui creuse sans cesse les fonctions du gouvernement civil. »

Le déplacement énorme d’une masse de capital vers les activités financières a « dématérialisé » la production et provoqué un changement structurel dans l’économie étasunienne : le nombre de faillites de petites et moyennes entreprises grandit, en même temps que l’économie de guerre, engraissée par un budget de défense de presque un milliard de dollars, jouit d’une très bonne santé. L’industrie d’armes de haute technologie et l’engagement de mercenaires pour les guerres d’Irak et d’Afghanistan connaissent, entre autres, une splendeur sans précédent. « Il suffit de jeter un coup d’œil à l’escalade (de guerre) au Moyen-Orient et en Asie centrale, ainsi qu’aux menaces des Etats-Unis et de l’OTAN dirigées vers la Chine, l’Iran et la Russie, pour percevoir à quel point la guerre et l’économie soient intimement liées ».

Les relations de la banque avec le complexe militaro-industriel et les géants du pétrole, le rôle central que la politique monétaire occupe dans la récession, le poids de la dette publique et privée, les répercussions socio-économiques et politiques qu’ont apportés les réformes du libre marché, sont des aspects que, entre autres, scrutent des analystes remarqués comme Claudia von Werlhof, Richard C. Cook et Peter Dale Scott. Depuis des points de vue distincts et des disciplines différentes, tous les auteurs coïncident – signale le prologue – il s’agit d’une crise avec une dimension vraiment mondiale qui influe sur toutes les nations et sur toutes les sociétés. L’Etasunienne incluse, bien sûr.

« Je n’ai jamais vu quelque chose de semblable – a remarqué Noam Chomsky sur l’état d’âme régnant aux Etats-Unis (www.legrandsoir.info, 24-4-10)–. J’écoute la radio pour savoir ce que disent ceux qui téléphonent. Qu’est-ce qui se passe ?, se demandent-ils. J’ai fait tout ce qu’ils m’ont dit de faire. Je suis un bon chrétien. Je travaille dur pour faire vivre ma famille. J’ai une arme. Je crois aux valeurs de ce pays et, cependant, ma vie s’écroule. »

Página 12</U>. Buenos Aires, le 13 mai 2010.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi

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