Portada del sitio > Argentina > Argentine : La présidentielle vue par la presse argentine
Les candidats en lice, dont trois péronistes, ne suscitent guère l’enthousiasme.
Jusque-là, la campagne électorale passait presque au second plan dans la presse argentine. "Les Argentins s’intéressent plus à la guerre en Irak qu’à la campagne présidentielle", s’inquiétait même un éditorialiste du quotidien Clarin, ajoutant que "le pays souffre pourtant de problèmes sérieux qui mériteraient qu’on se préoccupe de bien choisir un président". Curieusement, à quelques jours de la présidentielle - premier tour le 27 avril, second le 18 mai -, le voilà entendu.
Certes, les principaux candidats, dont trois issus du péronisme au pouvoir, ne semblent pas déchaîner plus de passions qu’auparavant.
Même si l’annonce de la paternité de Carlos Menem - qui, à 73 ans, brigue un troisième mandat - a fait couler un peu d’encre. Pourtant, la publication de sondages très serrés laisse espérer un regain d’intérêt. Et l’indifférence dont la plupart des journaux créditaient les Argentins serait en passe de changer. "Il y aura paradoxalement moins d’abstentions et moins de votes "sanction""(c’est-à-dire blancs ou nuls) que ne le suggérait la crise politique, souligne Clarin, qui met en garde :"Quatre électeurs sur dix peuvent encore changer d’avis au dernier moment."
Sur les 19 candidats en lice, seuls 5, crédités de 12 % à 20 % des intentions de vote, pourraient l’emporter : les péronistes Carlos Menem, Nestor Kirchner et Adolfo Rodriguez Saa, l’économiste libéral Ricardo Lopez Murphy et la députée sociale-chrétienne Elisa Carrio. Sans qu’un seul sorte du lot. Longtemps, la presse a donné favoris MM. Menem et Kirchner. "Personne ne se risquerait à donner un nom", écrit aujourd’hui Clarin. De fait, une seule certitude subsiste : "Deux candidats seront en ballottage. Il y aura un second tour et c’est une première dans l’histoire de l’Argentine."
Heureusement que, "quand on a l’impression qu’il ne se passe rien, il se passe toujours quelque chose", remarque, optimiste, le quotidien de gauche Pagina 12. L’éditorialiste Martin Granovsky affirme ainsi que "lors d’élections normales, ce qui se passe pendant les derniers jours n’a aucune influence. Cinq ou six jours avant le scrutin, les électeurs ont déjà fait leur choix, et les actions des candidats servent seulement à les confirmer. Les changer, à ce moment-là, est une espérance inutile. Mais l’élection de ce dimanche n’est pas normale."
Pour l’éditorialiste, il est clair, par exemple, que la violente "répression" policière, le 21 avril, d’une manifestation de soutien aux ouvriers licenciés d’une usine textile de Buenos Aires, qui a fait une vingtaine de blessés et des centaines d’interpellations, pourrait faire évoluer l’opinion. "Le désordre" ne peut que profiter "aux candidats de l’ordre qui privilégient toujours la liberté de circuler à celle de s’exprimer (...) comme Carlos Menem ou Ricardo Murphy", poursuit M. Granovsky, qui conclut que "cela ne peut que desservir Nestor Kirchner", candidat de l’actuel président Eduardo Duhalde.
De toute façon, et quel que soit le résultat de la présidentielle, "ce sera encore la même soupe", affirme Horacio Verbitsky dans Pagina 12 : "Le prochain président sera issu d’un des deux partis qui se sont partagé le pouvoir depuis 1946, exception faite des périodes de dictature militaire." La Nacion souligne pour sa part que Carlos Menem a promis, s’il est élu, "de mettre en premier plan dans son administration de nouveaux visages (...) qui n’en sont pas."
Alors ? "Les journées des 19 et 20 décembre 2001 -qui avaient conduit au départ du gouvernement de la Rua- représentent-elles une geste populaire glorieuse ou sont-elles le point de rupture des institutions et la chute vers l’abîme social de plus de la moitié de la population ?", s’interroge Pagina 12.
• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 24.04.03