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3 septembre 2010

Méningite B :
Des vaccins cubains, scandaleusement boycottés, traversent les frontières

Interview de la scientifique cubaine Concepción Campa.

par Patricia Grogg

 

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Encore aujourd’hui, malgré des années d’efficacité vérifiée, le vaccin cubain contre la méningite B continue d’être ignoré par des pays industrialisés, dont la littérature médicale déclare inexistante l’immunisation contre ce sérotype. [1]

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« Il y a de nombreuses barrières réglementaires, obstacles que les transnationales elles-mêmes imposent parfois », a expliqué à IPS la scientifique cubaine Concepción Campa, qui fut à la tête du groupe des chercheurs qui dans les années 80 ont découvert et développé le vaccin sauveur de millions d’enfants.

-MENGOC VA - BCest l’unique vaccin disponible dans le monde contre cette maladie causée par le meningococo B et a été inclus dès 1991 dans le schéma national d’immunisation infantile de Cuba. Depuis ce temps-là, la méningite n’est pas un problème de santé publique dans cette île.

« Il est aussi utilisé avec succès dans d’autres pays d’Amérique Latine, comme le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, la Colombie et quelques uns d’Amérique Centrale. Le vaccin est indiscutablement plus accepté qu’à ses débuts, mais il n’entre toujours pas en Europe », a expliqué Me. Campa, présidente - directrice générale de l’Institut Finlay.

La moitié du personnel de Finlay sont des femmes. Leurs offres d’investigation, de développement et de production de vaccins et de sérums incluent aussi une protection contre la méningite A et C, le leptospiroses, la diphtérie, le tétanos, la fièvre typhoïde et la coqueluche.

IPS : J’ai cherché au hasard sur Internet et j’ai trouvé la littérature médicale européenne disant qu’il n’existe pas de vaccin contre la méningite de type B, alors que vous l’avez depuis le début des années 90. Comment est-ce possible ?

Concepción Campa : Ce vaccin doit concourir avec les (laboratoires) transnationaux qui ont des programmes très coûteux de commercialisation et sont élaborés avec beaucoup d’intelligence commerciale.

Nous avons parlé avec plusieurs compagnies, mais depuis le commencement elles nous ont mis en garde : « nous sommes une firme lucrative et notre raison principale est le taux de profit. Bien sûr, en plus nous travaillons pour la santé ».

Pour nous ce principe suppose un désavantage. Nous travaillons avant tout pour le bien de la santé humaine, pas pour réussir, et nous ne disposons pas des volumes d’argent qui manquent pour la commercialisation et l’information. L’antiméningocoques B a assez souffert sur ce point.

Mais Cuba a besoin d’augmenter ses revenus financiers et la biotechnologie est une voie pour cela.

D’ accord, mais seulement nos gains ne seront jamais comparables avec ceux obtenus par les transnationales. Ce n’est pas que nous travaillons à perte, nous ne pourrions pas, puisque nous avons besoin de chercher et de développer de nouveaux produits. Mais le profit des transnationales n’est pas comparable avec les ressources que nous obtenons.

Cuba a choisi dans le domaine de la biotechnologie de travailler d’une manière conjointe avec des pays tiers.
L’Institut Finlay se trouve t-il aussi dans ce cadre ?

Le premier accord est venu avec le Brésil et justement à partir de l’antiméningocoques B, vers 1990 ou 1991. Ils avaient besoin d’énormes volumes de ce vaccin et nous avions la capacité pour les principes actifs, mais pas pour le processus industriel final de remplissage et de conditionnement.

Nous nous sommes associés pour les envoyer préparés dans de grandes bouteilles, ce qui baissait le prix du coût du vaccin pour eux et cela nous facilitait le processus industriel. Ainsi une collaboration est née, qui avec le Brésil a été très forte.

Un bon précédent pour l’association entre l’Institut Finlay et l’Institut gouvernemental de Technologie en Immunobiologiques, Bio-Manguinhos, du Brésil, pour produire des vaccins destinés à la dite ceinture de la méningite en Afrique …

C’est ainsi. En 2006 nous recevons la demande de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour produire antiméningococciques A-C dont on avait besoin pour attaquer des pousses épidémiques en Afrique. Nous nous associons et nous passons ensemble la qualification de l’OMS. C’est une collaboration Sud-Sud qui marche très bien.

Nous avons construit totalement une usine avec des investissements cubains pour fabriquer ce vaccin que nous avons inauguré en décembre 2008. Maintenant nous travaillons en plus des antiméningococciques, le W 135, une de celles qui touche le plus l’Afrique. En réponse aussi à une urgence posée par l’OMS.

Selon l’accord, Cuba vend au Brésil le principe actif du vaccin. La nation sudaméricaine réalise la fin du processus, qui inclut le remplissage, la lyophilisation (assèchement sous vide et à très basses températures), conditionnement, étiquetage et contrôles de qualité, pour ensuite vendre aux organisations internationales ou directement aux pays africains.

Avec quels autres pays existent des accords de collaboration ?

Nous avons des projets de recherche avec la Malaisie et quelques pays d’Europe, comme de la Grande-Bretagne, la Suède, la Suisse et l’Italie. En Amérique Latine, avec le Chili, le Mexique, l’Argentine, avec le Brésil lui même, dans des recherches fondamentales. En production, la plus forte collaboration a toujours été avec le géant sudaméricain.

Il y a d’autres tentatives. Des conversations et des processus de négociation pour des productions en coopération avec le Viêt-Nam, l’Inde, l’Égypte et la Chine, entre autres pays. Nous avons aussi essayé cette collaboration avec l’Afrique du Sud. Le premier pas serait la production et après le transfert de technologie.

Quel est le secret pour développer une industrie si complexe dans les conditions des pays en développement ?

Cuba dispose diverses forces de travail. La première est la priorité accordée par l’État, qui a fait des investissements millionnaires pour avoir l’industrie que nous avons aujourd’hui. La deuxième réside en ses ressources humaines, le résultat d’un processus révolutionnaire qui a élevé l’éducation au premier plan.

Une autre force est la collaboration entre tous les centres de recherche. Nous ne nous concurrençons pas, nous nous aidons. En ce moment, le vaccin contre le pneumocoque nous le faisons avec deux institutions scientifiques. Chacune a son indépendance économique et organisationnelle, mais au travail nous sommes vraiment une famille qui s’aime et s’entend.

Est-ce que le vaccin contre le pneumocoque est déjà une réalité ?

Nous le travaillons en collaboration avec le Centre de Chimie Biomoléculaire parce que le pneumocoque est devenu l’une des premières causes des maladies infectieuses, pas seulement chez les enfants à Cuba, mais dans d’autres parties du monde. C’est un vaccin qui existe déjà, mais il reste à l’adapter dans sa composition, efficacité et prix. Il est assez avancé et nous aspirons à faire prochainement les premiers essais cliniques.

Cette bactérie occasionne une pneumonie, une méningite et une otite. C’est un vaccin de sept valences c’est-à-dire qu’il protège contre les sept types les plus communs de pneumocoque à Cuba et en Amérique Latine. Chacun de nos développements part d’une nécessité de santé de celui-ci ou d’un autre pays du Sud.

Quels autres projets occupent votre institution ?

Le développement le plus immédiat est celui de l’antiméningococciques W 135 qui est déjà presque terminé et les essais cliniques seront faits en janvier prochain. Quand il s’agit d’un produit qui est déjà sur le marché, les réglementations permettent de démontrer qu’il est égal ou supérieur à ceux qui existent déjà.

Traduit de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi

IPS . La Havane, le 3 septembre 2010

Note :

Notes

[1OMC : Les vaccins polyosidiques ne peuvent pas être élaborés pour le sérogroupe B, pour cause de mimétisme antigénique avec les polyosides dans les tissus neurologiques humains. Il en résulte que les vaccins contre le sérogroupe B mis au point en Norvège, à Cuba et aux Pays-Bas sont des protéines de la membrane externe.

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