recherche

Accueil > Les Cousins > Amérique Centrale et Caraïbes > Elections présidentielles : Un Honduras LIBRE pour tirer un trait sur le (...)

23 novembre 2013

Elections présidentielles :
Un Honduras LIBRE pour tirer un trait sur le coup d’État

par Katu Arkonada *

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]


« Libre » propose une réconciliation et une refondation nationale
qui inaugureront une nouvelle ère de paix, de dialogue,
de grands accords sociaux, de liberté, de prospérité
et d’idées en démocratie »
XIOMARA CASTRO
.


Le 24 novembre auront lieu les élections présidentielles au Honduras, élections qui pourraient aider à remiser dans l’histoire le coup d’État militaire, politique et économique entrepris contre le peuple hondurien le 28 juin 2009, jour où les forces militaires ont arrêté et expulsé Manuel Zelaya, le président légitime.

Dans un continent dont l’histoire est jalonnée de coups d’État et de démocraties exclusives, il n’est pas surprenant que le premier coup d’État du XXIe siècle ait eu lieu dans la patrie du général Morazan, qui, bien que dotée d’un président de centre-gauche issu du parti Libéral, était parvenue en 2008 à faire adopter par la majorité du Congrès (avec l’abstention du Parti National) l’adhésion du Honduras à l’Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA).


Le Front National de Résistance Populaire – apparu à la suite du coup d’État – , est à l’origine du parti qui se constituera par la suite, la formation politique LIBRE (Liberté et Refondation), créée afin d’appuyer la candidature aux élections présidentielles de Xiomara Castro, épouse et camarade de Mel Zelaya.

Aujourd’hui, LIBRE, un conglomérat de mouvements sociaux et de secteurs libéraux Zelayistes, est en mesure de rompre le bipartisme traditionnel existant entre le Parti Libéral et le Parti National, remisant dans le passé le coup d’État avorté par la victoire de l’actuel président Porfirio Lobo, du Parti National. Xiomara Castro se maintient depuis le mois de juin à 10 points d’avance dans les intentions de vote, bien que ces dernières semaines les sondages évoquent un ballotage avec Juan Orlando Hernandez, président du Congrès et candidat du Parti National.

Le coup d’Etat se poursuit


Écrire que le coup d’État n’est pas fini n’est pas simple rhétorique. Ces dernières semaines, LIBRE a été la cible d’innombrables attaques de la part de groupes paramilitaires liés à certaines élites politiques et économiques.

Le dernier assassinat en date a été perpétré le 23 octobre ; Manuel Murillo, l’ex-caméraman de Zelaya et militant de LIBRE a été tué par balles après avoir obtenu des mesures conservatoires par la commission interaméricaine des droits de l’homme, mesures motivées par sa précédente séquestration par des forces de police.

Il y a quelques jours, Beatriz Valle, ex vice-chancelière de Zelaya et candidate au siège de député du parti LIBRE a porté plainte pour menaces de mort contre sa personne et a fait part de son intention de quitter le Honduras à la sortie d’un entretien avec le procureur général. L’Alliance hondurienne des Droits de l’Homme indique que ces menaces de mort pourraient être attribuées à des groupements économiques liés aux parti National et Libéral . [1].

La persécution politique n’est pas uniquement dirigée contre LIBRE mais contre tous les mouvements sociaux en général. Un mandat d’arrêt a été édicté en septembre contre la militante sociale Bertha Caceres, coordinatrice du Conseil Citoyen des Organisations des Peuples Amérindiens du Honduras (COPINH), luttant pour la défense de l’eau, des fleuves et de la culture du peuple Lenca, accusée d’usurpation, de contrainte et de dommages à l’encontre de l’entreprise de Développement énergétique qui construit une centrale hydroélectrique au beau milieu de la communauté indigène Lenca du Rio Blanco. [2].

Et comme si les agressions directes ne suffisaient pas, on évoque des indicateurs plus subtils mais non moins préoccupants. Roméo Vasquez Velasquez, un militaire directement impliqué dans le coup d’État de 2009 est aujourd’hui candidat à l’élection présidentielle pour l’Alliance patriote Hondurienne et fait des déclarations du type : « si, pour avoir imposé la Constitution dans mon pays les gens me traitent de putschiste, c’est que je le suis. » [3]. Un des candidats au siège de député de Vasquez Velasquez est Bill Joya, ex-membre du tristement célèbre escadron de la mort « Bataillon 3-36 », un groupe paramilitaire des Forces Armées accusé de nombreux enlèvements et disparitions dans les années 1980.
[Leer : « Billy Joya ¿Quién es ? » y « Honduras : El sicario de Roberto Micheletti : historia del torturador Joya Améndola, brazo derecho del Presidente « de facto ». » ].

En août dernier, le parlement hondurien a voté une loi créant une police militaire de l’ordre public (PMOP), loi que LIBRE estime anticonstitutionnelle car, sous prétexte de combattre la délinquance et le crime organisé, elle militarise la police faisant du Honduras un territoire en état d’exception permanent. La déclaration de la Plateforme du mouvement social et populaire du Honduras qui s’est réuni dans la ville de Siguatepeque les 2 et 3 novembre derniers dit de même : « Nous rejetons le projet militariste et répressif du gouvernement promu par le candidat officiel à la présidence de la république qui renforce la violence et la pauvreté en poussant le congrès national à adopter de nouvelles lois, des actions illégales ayant pour objectif d’anéantir la pauvreté institutionnelle formelle et la création de nouveaux corps armés et préparés pour intimider et réprimer dirigeants, activistes, communautés et organisations populaires en général. »

Projet de gouvernance de LIBRE

Cette même déclaration dénonce « le renforcement du dépouillement et du pillage du bien commun ainsi que des ressources de nos communautés, soutenus par les grandes corporations nationales et multinationales en complicité avec le gouvernement, sous le prétexte d’impulser un développement de nous invisible, puisqu’il enrichit quelques-uns et appauvrit la majorité, augmente les inégalités sociales et détériore la vie sur la planète. »

Qui plus est, le mouvement social et populaire hondurien propose la création d’une Assemblée Constituante qui refonde le pays, un modèle économique alternatif au néolibéralisme et le sauvetage du secteur public. Ces revendications rejoignent les lignes directrices du « Projet de gouvernance de LIBRE » Plan de Gobierno de LIBRE », présenté récemment par Xiomara Castro. Le projet s’inscrit dans une lecture de la situation politique dans laquelle le Honduras, selon les données des Nations Unies, était parvenu à faire passer le taux de pauvreté sous la barre des 60% entre 2006 et 2009, un pourcentage qui est reparti à la hausse depuis 2010 et qui s’établit aujourd’hui aux alentours de 68%. Aussi, durant les quatre dernières années a-t-on assisté à un ralentissement de l’économie, et par voie de conséquence à une diminution des recettes de l’État (diminution de 3,4% du PIB).

Face à une situation aussi dramatique, LIBRE propose un pacte social inclusif et une Assemblée Nationale Constituante qui reconstruiraient le pays en s’appuyant sur une structure étatique et de nouveaux cadres juridique et institutionnel. LIBRE propose également un concept de socialisme démocratique reposant sur trois axes transversaux : les droits de l’homme, l’égalité et l’équité des genres et la décentralisation de l’État.

De plus, le projet de gouvernance compte six axes sectoriels : le développement humain durable, englobant à la fois l’être humain et la nature ; un modèle économique alternatif proposant la restructuration intégrale de la politique fiscale ; un axe de développement de l’agriculture forestière incluant une autosuffisance alimentaire ; la sécurité citoyenne démocratique qui propose une police civile communautaire en lieu et place d’une police militaire ; l’axe de l’environnement, du changement climatique et de l’énergie ; les relations internationales et la coopération, inspirées du concept bolivien de diplomatie des peuples ; et enfin un septième axe consacré aux infrastructures nécessaires au pays.

Un regard tourné vers l’avenir

Il est évident qu’avec le coup d’État, le Honduras a perdu sa souveraineté sur tous les plans : politique, économique et même territorial. Preuve en est le projet de construction par les États-Unis de la plus grande base militaire d’Amérique latine sur le sol hondurien (les États-Unis en possèdent déjà deux, à Palmerola et à Mosquitia) [4]

Par conséquent, ces élections mettent en jeu non seulement l’avenir du peuple hondurien qui est descendu dans la rue pour manifester contre le coup d’État (et qu’on a massacré), mais plus largement de l’ensemble de l’Amérique centrale, et par extension l’ensemble de l’Amérique Latine, puisque le Honduras pourrait devenir un élément-clé de l’ordre géopolitique qui ferait pencher la balance dans les tensions existantes entre l’Alliance du Pacifique qui cherche à freiner le processus d’intégration continentale et une ALBA qui cherche à réaffirmer un ordre géopolitique multipolaire regardant davantage vers le Sud et préparant des projets post-néolibéraux.

C’est aujourd’hui qu’il faut infiltrer la brèche laissée par le coup d’État, qui est en réalité celui-là même qui a détruit le bipartisme et les équilibres traditionnels du pouvoir, ouvrant une infinité de possibilités d’éliminer définitivement le coup d’État et bâtir une société plus libre, souveraine, dotée de justice sociale et pouvant incorporer le processus d’intégration latinoaméricaine.

La possibilité que Xiomara Castro et le parti LIBRE gagnent les élections, que les élites politiques et économiques n’aient pas connaissance des résultats ou que l’armée (qui contrôle le transport des urnes de la province vers Tegucigalpa la nuit des élections) organise un nouveau coup d’État, qu’il soit « léger » ou dissimulé, existent. Il est par conséquent important que la communauté internationale soit attentive. De fait, des délégations internationales s’organisent afin d’accompagner le processus électoral, tant au niveau politique qu’au niveau de la société civile.

Comme si cela ne suffisait pas, le Tribunal Suprême électoral tout comme l’État civil national, deux institutions essentielles au bon déroulement du processus électoral, comptent dans leurs rangs les membres des partis National et Libéral, mais aucun militant ou sympathisant de LIBRE, situation qui fait, une fois de plus, obstacle au bon déroulement des élections présidentielles.

Le Honduras souffre toujours de ses blessures. Faisons en sorte qu’il ait vécu l’ultime coup d’État d’une Amérique Latine qui retrouve dignité et souveraineté et entreprend sa marche vers un avenir post-libéral et post-capitaliste.

* Nous remercions Zulmit Rivera de la Jeunesse du Parti Liberté et Refondation (LIBRE) pour ses commentaires qui sont venus enrichir notre propos.

Alai-Amlatina. Ecuador, 7 de noviembre de 2013.

Traduit de l’espagnol pour El Correo de : Audrey Garcia-Santina.

El Correo. Paris, le 23 novembre 2013.

Contrat Creative Commons
Cette création par http://www.elcorreo.eu.org est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 Unported.

Notes

[1Aspirante a diputada de Libre abandonará Honduras por amenazas. La Prensa. Tegucigalpa, 1 de Noviembre de 2013

[2Persecución político empresarial a Berta Cáceres Entrevista con Bertha Cáceres tras conocerse la orden de prisión. Radio Contagi, 20 Septiembre 2013

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site