Accueil > Argentine > Justice - Droits de l’homme > Victoire juridique des Mapuches en Argentine contre une compagnie pétrolière
Un jugement de la province de Neuquen, en Argentine, donne raison aux Mapuches contre une compagnie pétrolière. Pour travailler sur leur territoire il faut avoir l’autorisation de la communauté. Une décision qui –s’appuie sur la Constitution - et fera jurisprudence.
Un pas important a été franchi dans le droit des populations indigènes concernant leur territoire. Au-delà des souhaits et des bonnes intentions. Cette fois la justice a pris position. Un Tribunal de la province Neuquen a rendu son jugement contre la compagnie pétrolière Piedra del Aguila qui prétendait empêcher les revendications de la communauté Mapuche Wentru Trawel Leufu), affectée par l’occupation de leurs terres ancestrales.
En janvier 2007, le gouvernement provincial de Neuquen avait attribué une concession à cette compagnie pétrolière de 3800 hectares dans la région de Picún Leufú. Un endroit où vit depuis des décennies la communauté Mapuche en question. Quand la compagnie est arrivée réclamant des droits sur cette terre, la communauté lui en refusa l’accès.
Quelques mois plus tard ,en juillet 2008, la compagnie est revenue à la charge cette fois offrant de l’argent pour obtenir le droit d’exploiter et d’extraire le pétrole. La réponse des Mapuches fut claire : « l’activité pétrolière est contraire à notre façon de vivre ; nous ne l’autorisons pas ».
A partir de ce moment là, la compagnie joua la force, pour entrer sur les terres concernées, s’attaquant aux membres de la communauté , recrutant une quarantaine d’ hommes de mains chargés de faire peur aux familles concernées, tuant une centaine d’ animaux, brûlant véhicules, granges…, et autres intimidations violentes afin d’expulser la communauté de ses terres.
A cela s’est ajouté courant 2008, une campagne de communication locale et provincial afin d’accuser les Mapuche d’empêcher ces investissements pétroliers qui pourraient profiter à tous, créeraient des emplois….Et surtout la compagnie pétrolière est allée sur le terrain de la justice. Faisant un référé pour empêcher la communauté Mapuche de mener des actions susceptibles de faire obstacle à l ‘extraction d’hydrocarbures sur le territoire de leur communauté. Ainsi, la juge Graciela Blanco a rendu une décision ordonnant aux membres de la communauté de ne pas faire obstacle aux travaux de l’entreprise.
La défense a réagi tout de suite arguant que n’était pas prise en compte la législation indigène. A près trois ans, l’appel a donné raison le 16 février dernier aux Mapuches. Le jugement cette fois a privilégié le droit indigène : il rejette l’action menée par la compagnie pétrolière. Il rappelle que la non consultation des populations indigènes par la compagnie pétrolière viole la constitution nationale et celle de la province de Neuquen mais aussi les traités internationaux (convention 169 de l’OIT) et il s’appuie aussi sur la déclaration des Nations Unies sur le droit des peuples indigènes.
Le jugement a affirmé que la loi avait été transgressée en n’informant pas et en n’obtenant pas le feu vert de la communauté pour exploiter les ressources naturelles. Ce qui est une obligation prévue par la loi -tant nationale qu’internationale- qui protège les droits indigènes. Rappelant les obligations gouvernementales dans ce domaine : « tout gouvernement qui ne respecte pas ces lois doit être considéré comme discriminant les peuples indigènes »
Et le jugement de souligner la nécessité de mettre en pratique ces règles et normes, rejetant le fait qu’on pourrait imposer le code civil au dessus de la constitution nationale et des traités internationaux
« Ainsi la communauté, le territoire communautaire et le caractère constitutionnel sont reconnus. Cela affirme que la propriété communautaire des peuples indigènes n’est pas la propriété individuelle du code civil, qu’elle est basée sur la préexistence de l’Etat », selon le directeur de Observatoire des Droits Humains des Peuples Indigènes (Odhpi), Juan Manuel Salgado.
Rappelant un droit imprescriptible : la participation des peuples indigènes à la gestion de leurs ressources naturelles et à ce qui pourraient les affecter.
Le jugement dit clairement qu’on ne peut pas mener des travaux d’exploitation et d’exploration sans la consultation préalable et l’accord de la communauté .
Au delà de ce cas, de nombreux conflits opposent aujourd’hui en Argentine les communautés aux industries souvent multinationales qui souhaitent exploiter le sous sol ou le sol . C’est un avertissement qui concerne aussi les autres gouverneurs de province. Ils ne peuvent s’abstraire des lois nationales et de la constitution.
Sources : Pagina 12, Télam
El Correo, 10 Mars 2011
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