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18 novembre 2003

Vers une représentation stratégique de la région Andes-Amazonie ?

par José Sabogal

 

Etablissant un rapport étroit entre le conflit colombien et la construction projetée d’une Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA, du nord au sud du continent, prévue pour 2005) lors de la XXXème Conférence du Conseil des Amériques (Washington 2/05/2000), le Président Clinton demanda à l’ensemble des pays du continent leur appui total au Plan Colombie. Pour neutraliser les membres du Congrès réticents au glissement de la lutte contre les narco-trafiquants à la lutte contre-insurrectionnelle, les services américains ont commencé par dénoncer le caractère "ambigu [1]" - (en français ) du problème colombien. A travers le soutien au Plan Colombie (1,3 milliard de $ en 2000), sont devenues la deuxième zone dans le monde destinataire de l’aide militaire américaine, après le Moyen-Orient. Les Andes amazoniennes plus de 60 % du total des hydrocarbures (pétrole, de charbon et de gaz) existants en Amérique latine sont localisés entre les vallées andines et les plaines amazoniennes.

Dans " une optique plus régionale des enjeux et de la crise colombienne " le gouvernement Bush a renommé l’ assistance au Plan Colombie en mars 2001 : Andean Régional Initiative (ARI). Le document qui donne naissance à l’ARI, la référence aux Andes amazoniennes est explicite. Le sous-secrétaire adjoint aux Relations Extérieures et Law Enforcement (INL), J. Mack, explique que : " vu la menace qui pèse sur l’ensemble des démocraties andines, le retard dans son développement économique, son inconsistante avancée vers la libération du marché, et les intérêts américains qui y sont mis en jeu, cette région représente, à la fois, un défi particulier et une grande occasion pour les Etats-Unis [2]".

Après le 11 septembre, l’assistance à la contre-insurrection a été légalisée à Washington. La stratégie de sécurité nationale (décembre 2001) localise dans les frontières colombiennes " l’ épicentre terroriste de plus grand risque pour le continent ". Le rapport entre la construction de la ZLEA et une nouvelle architecture de sécurité dans les Amériques est étroit, constate le Centre d’Etudes Stratégiques Internationales (CSIS) [3].

Changement d’échelle

Il ne s’agit donc plus de la lutte contre l’amalgame narco-insurrection-terrorisme [4], qui menace le stabilité et la sécurité en Colombie - et face à laquelle la stratégie américaine prépare une intervention spécifique en Colombie, sous coordination du Southcom, des armées sud-américaines [5]-, mais d’une entreprise de recolonisation globale utilisant la force, sur l’ensemble de la zone des Andes amazoniennes. Celle-ci comporte l’endiguement préemptif des mouvements d’opposition populaire à l’ orthodoxie libérale, susceptible de se transnationaliser dans toute la zone des Andes amazoniennes (guérillas en Colombie, indigènes en Equateur et au Pérou, sans terre et siringueiros au Brésil, cocaleros et guerriers de l’eau en Bolivie). Il s’agit aussi de faire face à l’ opposition latente au modèle néolibéral, présent dans le néopopulisme vénézuélien et qui peut s’incarner dans plusieurs armées de la zone.

La volonté de donner un statut spécial à cet espace andino-amazonien, qui ne recoupe pas les territoires étatiques traditionnels, s’inscrit dans la reconfiguration d’une nouvelle architecture militaire dans l’Amérique latine. Elle implique dans le court terme une forte pression diplomatique pour faire coïncider les agendas locaux de sécurité avec l’agenda stratégique de Washington.

Mais l’impératif de l’hégémonie nécessite de coordonner la lutte contre les divers " désordres " dans la " terrenostre " butte sur l’obstacle que pose les Andes-amazoniens - centre géographique de l’Amérique latine - à l’ établissement de la ZLEA. Il ne suffit pas de faire avancer institutionnellement les pays andins par le biais de la Communauté Andine des Nations (CAN) ou, à défaut, à travers un MERCOSUR régional, vers l’intégration commerciale et les modèles sociaux du continent. Il faut donner une dimension véritablement globale et intégratrice au processus. Parallèlement à la levée des barrières commerciales, l’interconnexion - terre, eau, air et espace - entre le Nord et le Sud du continent - dans laquelle les nations compromettent leur souveraineté territoriale - doit être mise en œuvre. Si l’Amazonie est l’axe du plan d’ intégration de l’Infrastructure Régionale de l’Amérique Sud (IIRSA), le projet de canal Atrato-San Miguel - dans le Pacifique colombien - est le point de jonction de l’IIRSA avec le Plan Puebla Panama (PPP). Sans la réalisation de ce plan, étant donné l’incapacité concrète des Etats de la zone à garantir la sécurité dans leurs territoire, le processus d’interconnexion entre le Nord et le Sud de l’Amérique se verrait bloqué dans son étape finale.

En dehors de la représentation stratégique, déjà plus qu’esquissée, de cette zone par le leadership américain, une description géopolitique unifiée des Andes Amazonie permet de constater sa valeur stratégique locale et sous continentale. La conservation du système amazonien, dont les Andes - la grande fabrique d’eau - sont partie intégrale, est une responsabilité planétaire des États de la zone qui ne peut être garantie que par l’action collective.

Le Brésil, huitième puissance mondiale, constitue l’élément pivot de cette configuration stratégique en gestation. Même si en tant que propriétaire et responsable de la majorité de la surface amazonienne, le Brésil, cherche à y instaurer une présence sécuritaire plus réelle en partant de ses intérêts nationaux, la puissance régionale ne pourra simplement se plier aux demandes américaines ni renoncer à peser sur l’ ensemble des facteurs d’évolution.

Face à la guerre préventive et unilatérale contre le terrorisme mis en oeuvre à partir de la guerre contre l’Iraq, conquérir son propre lieu d’action dans le système multilatéral de sécurité représente un défi urgent pour l’ Amérique du Sud. Une solution sud-américaine, concertée, du problème andino-amazonien constitue une occasion exceptionnelle pour gagner un peu d’autonomie continentale et s’ insérer dans l’agenda global.

Le Débat Stratégique Nº69
Juillet 2003

Notes

[1Site ambassade USA à Bogota, 24/06/02

[2"Les Andes en Danger", Fact Sheet, www.usembassy.state.gov/Colombie/, 24/04/01.

[3Janette Habel, " Nouvelle Architecture militaire au sud du Rio Grande, Manière de Voir ", Le Monde diplomatique, Paris, juin-juillet 2003.

[4Cass Ballenger, représentant à la Chambre, 11/10/01 et aussi Général Gary Speer, ancien comandant en chef du Southcom.

[5Par exemple, depuis 2000, dans la province de Saute (Argentine), sont menés des entraînements de contre-insurrection sous l’orientation du Southcom et dans lesquels ont participé huit pays de l’Amérique latine : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Equateur, Paraguay, Pérou et Uruguay.

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