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15 décembre 2022

Le président colombien s’exprime sur une série de questions d’actualité

L’entretien a été réalisé par Angelica Pérez et Marc Perelman.

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

Le président Gustavo Petro a accordé à Radio France Internationale et France 24 une interview dans une perspective latinoaméricaine sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine, le rôle difficile de la Colombie en tant que seul « pays partenaire » de l’OTAN en Amérique latine, ses relations avec le Venezuela, la nouvelle politique anti-drogue de son pays, la réforme agraire prévue et les négociations avec tous les groupes armés de son pays sous le slogan « Paix totale ».

VIDÉO DE L’INTERVIEW COMPLÈTE EN ESPAGNOL


- Monsieur le Président, je voudrais parler de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Lula (le président élu du Brésil) a récemment déclaré que l’actuel président ukrainien Zelenskyj est aussi responsable que le président russe Vladimir Poutine. Est-ce également votre avis ?

Je vais un peu plus loin. L’Amérique Latine a déjà été envahie plusieurs fois. Première invasion : Espagne et Portugal. Mais à partir de ce moment-là, les Français, les Britanniques et les Américains [Etasuniens, car « américains » nous sommes tous] ont envahi. Il y a eu toute une série d’invasions étasuniennes dans l’histoire récente. Nous avons eu des invasions au Moyen-Orient au 21e siècle : Irak, Libye, Syrie.

Je me demande pourquoi il y a des invasions qui sont bonnes et bienvenues, alors que les mêmes personnes qui accueillent ces invasions en rejettent d’autres. Y a-t-il de bonnes invasions et de mauvaises invasions, ou y a-t-il un axe de pouvoir qui détermine et qualifie les unes et les autres, en favorisant les unes et en attaquant les autres, selon son propre intérêt géopolitique ?

- Mais Vladimir Poutine porte-t-il plus de responsabilité dans cette affaire que Volodymyr Zelenskyj ? Ou est-ce les États-Unis ?

Non, c’est une discussion que je vous laisse. Ce que nous observons, c’est un jeu de l’OTAN qui a favorisé la construction d’une réaction russe contre un peuple qui n’avait rien à voir avec l’OTAN ou les Russes, à savoir le peuple ukrainien.

Ils ont également voulu imposer ce jeu dans le coin sudaméricain auquel j’appartiens : le jeu OTAN-Russie, la guerre commerciale Etats-Unis-Chine. Cela n’a rien à voir avec les intérêts de l’Amérique latine. Et en ce sens, la meilleure chose que nous puissions faire est de nous tenir à l’écart et de proposer la paix.

Si Lula veut signer avec nous, avec le président mexicain et avec d’autres gouvernements du monde, un appel au dialogue immédiat, au cessez-le-feu immédiat et à la fin immédiate de la guerre, nous sommes prêts à le faire.

- « L’OTAN signifie Alliance de l’Atlantique Nord. Nous venons des Caraïbes et du Pacifique et nous sommes très, très latinoaméricains », avez-vous tweeté en 2013. La Colombie est le seul pays d’Amérique Latine à avoir conclu un accord global avec l’Alliance de l’Atlantique Nord depuis 2018. Ce statut permet une coopération étroite avec l’OTAN sur les questions militaires et de sécurité. En fait, l’armée colombienne forme les soldats ukrainiens au déminage à la demande de l’OTAN. Estimez-vous qu’il convient de maintenir cet accord global avec l’OTAN ?

Je préfère une alliance latinoaméricaine. C’est un chemin qui reste à créer, bien sûr, mais dans la perspective de la géopolitique mondiale et non de ces conflits qui ne sont pas les nôtres, qui n’ont rien à voir avec des formules sociales différentes, mais avec des puissances économiques qui s’opposent. Et avec l’incapacité de l’Europe occidentale à passer aux énergies propres, ce qui l’a conduite à dépendre du gaz, et cette dépendance a conduit à des conflits.

Nous devons nous unir, non seulement sur le plan économique ou sur ce que la crise climatique signifie pour l’Amérique latine et sur la manière dont nous planifions et nous organisons pour y faire face avec un programme de décarbonisation, mais aussi sur le plan militaire.

Nous ne passerons jamais à l’offensive. Autant que je m’en souvienne, aucun pays d’Amérique Latine n’est jamais passé à l’offensive. Nous avons toujours été sur la défensive, et je pense que c’est important, car dans la grande constitution de nos peuples, la paix mondiale doit toujours être une priorité.

- Est-ce votre idée ou est-elle déjà en discussion avec d’autres pays ?

Il y a eu des discussions et certaines intentions, mais jusqu’à présent, cela ne s’est pas concrétisé.

- Parler de paix : le 4 novembre, la loi qui met en œuvre la proposition de « paix totale » a été adoptée. Cela signifie, entre autres, des négociations avec la guérilla de l’ELN, avec les dissidents des FARC et aussi avec d’autres groupes armés. Concrètement, y a-t-il déjà eu des résultats, y a-t-il des négociations, et que se passe-t-il maintenant ?

Nous avons commencé avec la situation [du processus de paix de [Juan Manuel] Santos. L’accord de paix avec les FARC a été conclu et doit maintenant être mis en œuvre. Cet accord coûte beaucoup d’argent. Rien que premier point, dont j’ai parlé ces derniers mois, à savoir la réforme agraire sur trois millions d’hectares de terres fertiles, représente entre 30 et 60 milliards de pesos, entre six et huit milliards de dollars, qui doivent être réalisés en peu de temps et que nous devons fournir.

Il s’agit d’un investissement car il ne s’agit pas d’une dépense réelle. Ces trois millions d’hectares permettraient de produire des denrées alimentaires, de générer des multiplicateurs économiques et de créer une classe moyenne rurale.

C’est la seule chose à faire : respecter les accords de paix avec les FARC et ouvrir les options de paix avec l’ELN, qui se trouvaient également à un point intermédiaire et ont été brusquement interrompus. Je suis parti de ce point intermédiaire, en reconnaissant les protocoles convenus, etc.

- ¿Cuál es la situación actual ?

Nous sommes arrivés à un point où l’ELN a déjà choisi ses porte-parole et ses négociateurs conformément à la loi qui vient d’être adoptée. Nous l’avons également fait. Cela sera annoncé en temps voulu, mais pour l’instant nous ne pouvons pas le dire. De plus, le lieu n’a pas encore été choisi, cela reste à venir. Il s’agissait de Cuba, et comme Cuba a apporté son territoire, l’ultra-droite qui a dirigé le pays après le gouvernement Santos a décidé de dire à l’ultra-droite qui a dirigé les États-Unis après l’accord de paix de mettre Cuba sur la liste des pays terroristes, ce qu’elle a fait.

La punition de Cuba pour avoir offert son territoire afin d’apporter la paix à la Colombie a été de l’isoler davantage sur le plan international en l’inscrivant sur la liste des pays parrainant le terrorisme.

La question géographique est donc plus problématique aujourd’hui en raison de cette histoire. Et c’est ce sur quoi nous travaillons. Une fois que cela sera déterminé, les négociateurs des deux parties s’assiéront dans ce lieu géographique avec certains pays qui ont proposé de se porter garants du processus. Il s’agit notamment de Cuba, de la Norvège et du Venezuela. Le Brésil était également présent, et nous devons maintenant attendre et voir ce qui se passe là-bas après décembre. Il y a des pays qui ont abordé le processus. La France vient de me dire que nous pouvons compter sur le gouvernement français pour tout. L’Espagne m’a approché et s’est même assise avec moi pendant la période de la campagne électorale. L’Espagne a inscrit l’ELN sur la liste européenne des organisations terroristes, ce qui suscite une certaine inquiétude.

Le monde a exprimé son soutien au lancement d’un processus de paix avec l’ELN.

Mais nous ne voulons pas nous arrêter là. Nous voulons reconquérir les dissidents des FARC, aujourd’hui armés, pour la paix et nous voulons ouvrir une perspective dont la frontière est difficile à déterminer car le conflit et la violence en Colombie sont depuis longtemps imprégnés par le trafic de drogue.

Il existe des organisations de trafic de drogue pure qui contrôlent une certaine zone et qui ont gagné en puissance ces dernières années. Il faudrait presque tout l’alphabet pour les nommer.

Et avec eux, nous ne voulons pas avoir un dialogue politique - parce qu’il s’agit de pouvoir et non de donner du pouvoir au trafic de drogue - mais un dialogue juridique dans lequel le pouvoir judiciaire peut négocier des faveurs juridiques avec ces organisations en échange d’une auto-dissolution pacifique conformément aux principes de vérité, de justice et de réparation. Dans un sens, il s’agit d’arracher le prolétariat au commerce de la drogue.

Il se peut que le trafic de drogue continue, car tant que la prohibition de la cocaïne existera, les mafias existeront, mais c’est un pas en avant, au moins dans la perspective de pacifier la Colombie.

- Et y a-t-il des discussions, des canaux ouverts, avec Ivan Marquez, l’ancien chef des FARC ?

Iván Márquez est l’un des dissidents. Nous n’avons appris que récemment qu’il était encore en vie, car le gouvernement [précédent] l’avait officiellement déclaré mort, comme beaucoup d’autres qui sont apparus vivants et dont nous ne savions rien. Mais nous voulons que tous les groupes dissidents rejoignent un processus de paix.

Vous avez mentionné les groupes armés de toutes sortes liés au trafic de drogue. Plusieurs de ces bandes criminelles ont exprimé leur volonté d’accepter la proposition. Mais cette année, le nombre de meurtres dans les zones où opèrent ces groupes a grimpé en flèche et a dépassé celui de l’année dernière. Pourquoi ces groupes, qui ont le pouvoir sur le terrain, qui ont l’argent, qui contrôlent le commerce de la drogue, seraient-ils vraiment prêts à négocier leur démantèlement, sinon l’impunité ? Qu’est-ce qui pourrait les attirer dans votre proposition ?

Nous parlons du prolétariat du trafic de drogue. En d’autres termes, il s’agit d’organisations qui vivent dans des zones marginales, qui ne vivent pas comme les grands trafiquants de drogue, qui s’enrichissent relativement peu, qui ont un pouvoir territorial plus qu’autre chose, et qui sont majoritairement jeunes.

Lorsque nous parlons de la région du Pacifique, ce sont de jeunes hommes noirs qui tuent d’autres jeunes hommes noirs et développent une brutalité qui ne cesse de s’aggraver, car la hiérarchie de ce type de gangs est basée sur le degré de brutalité. Il y a un niveau de violence très élevé contre la population de la région, des massacres sont commis et, comme vous l’avez dit, des guerres sont menées entre eux.

En exerçant ce contrôle, ils offrent leurs services aux propriétaires des capitaux du trafic de drogue : ils surveillent les cargaisons, les transportent, les chargent sur les navires et contrôlent les routes d’exportation de la cocaïne. Les routes se poursuivent en dehors de la Colombie. Ces détenteurs de capitaux sont désormais des multinationales et ont une telle connaissance des conflits géopolitiques mondiaux qu’ils l’utilisent pour construire les routes de la cocaïne qui ont fait des Amériques l’une des régions les plus violentes du monde.

En termes de décès, la guerre en Ukraine ou les guerres en Libye, en Syrie ou en Irak font pâle figure face au nombre de morts en Amérique latine sans qu’une guerre soit déclarée entre les nations. Mais ce qui a provoqué ce carnage est une guerre qui, selon le slogan de Nixon, est la guerre contre la drogue.

Je pense que la raison pour laquelle ils négocient est que l’argent ne vient plus en Colombie. Ce type d’organisations multinationales, qui ne sont plus les anciens cartels colombiens, transfèrent leur argent par le biais du système financier mondial. C’est peut-être l’une des raisons de la dévaluation radicale du peso colombien ces dernières années.

Alors, que doit faire le prolétariat de la drogue ? Tuer ou être tué ? Aller en prison ? N’avoir aucune option ? Vivre dans la peur et la terreur constantes ? Périr dans la barbarie ?

Je pense qu’il y a une grande possibilité : si l’État leur donnait un coup de pouce sous forme d’avantages légaux, sous forme d’ouverture de possibilités de vie normale, de connaissances, y compris de prospérité dans ces régions, beaucoup de gens seraient prêts à passer de ce côté du monde obscur à celui de la construction d’une vie intense.

- La Colombie est le plus grand producteur de cocaïne au monde et, en même temps, elle en est victime. En tant que président colombien, vous dénoncez l’échec total de la politique anti-drogue, affirmant qu’elle est prohibitionniste et destructrice pour l’environnement. Et cette guerre contre les drogues illégales est organisée par les États-Unis depuis 50 ans. Vous avez rencontré de hauts responsables du gouvernement américain : le secrétaire d’État Anthony Blinken, une délégation officielle envoyée par votre homologue Joe Biden pour s’entretenir spécifiquement avec vous, et le chef de la CIA. Quelles mesures concrètes Washington s’est-il engagé à prendre, en fonction de votre idée de ce que devrait être réellement la lutte contre le trafic de drogue et le traitement des drogues illégales ?

Je pense que le secteur politique qui gouverne actuellement aux États-Unis est conscient que la guerre contre la drogue a échoué. Ils ne peuvent pas le dire là-bas, ils doivent être très prudents, ils doivent avoir la peau très dure, mais je pense qu’ils en sont conscients. C’est ce dont nous avons parlé ici.

Un million de latinoaméricains sont morts. Des millions de personnes, pour la plupart noires, ont purgé une peine dans les prisons américaines pour avoir consommé ou détenu une petite quantité de drogue. Les mafias sont plus puissantes qu’avant.

Le célèbre Pablo Escobar n’est rien en comparaison de la puissance des organisations qui, aujourd’hui, peuvent commander une armée entière de type marine, contrôler un territoire partout dans sur le continent américain, mettre à genoux des États comme Haïti et déstabiliser la démocratie au point de faire des Amériques l’un des endroits les plus violents du monde. La cocaïne, en revanche, tue entre 3 000 et 4 000 personnes par an aux États-Unis, davantage en raison des mélanges qui sont fabriqués clandestinement. Et le fentanyl tue 100 000 personnes.

M. le Président, voulez-vous la légalisation en Colombie et voulez-vous arrêter l’extradition des trafiquants de drogue vers les États-Unis ?

Tout d’abord, la légalisation de la cocaïne en Colombie est inutile. Ça nous bloquerait. Nous oublierions le monde. Le phénomène serait encore plus violent.

Ce que nous proposons n’est pas le libéralisme par rapport à la consommation de drogues, que certaines sociétés autorisent. Nous proposons que tout l’argent dépensé pour une guerre ratée, c’est-à-dire plusieurs milliards de dollars, soit consacré à la prévention de la consommation de drogues, afin qu’il se passe la même chose avec la cocaïne qu’avec la nicotine.

Il y a des sociétés qui fument encore, la nôtre ne le fait plus. En Colombie, nous pouvons constater que la consommation de tabac ou de cigarettes, la consommation de nicotine en général, a été réduite presque à zéro, sans criminalisation, grâce à la campagne de prévention et aux changements que la société a subis au fil du temps. Il n’est pas facile de trouver quelqu’un qui fume en Colombie. Pourquoi est-ce possible, alors que la consommation de cigarettes est légale et que celle de cocaïne ne l’est pas ?

Si les sociétés évoluent au fil du temps, si elles deviennent plus solidaires et si ces milliards de dollars sont investis dans la prévention et l’éducation, soyez assurés que la consommation de cocaïne tendra vers zéro au fil du temps.

C’est de cela qu’il s’agit. Et il n’y aura pas de morts. Cette catastrophe dans laquelle l’Amérique latine est plongée depuis 50 ans n’existera plus. Les perspectives seraient différentes.

Je ne parle pas de dépénalisation pour que la cocaïne devienne une sorte de Coca-Cola pour la consommation mondiale. Je parle de réorienter la lutte contre la drogue, loin de ses aspects militaires violents et répressifs, vers les aspects de santé publique et de prévention, car je pense que c’est la voie la plus efficace.

- Ces dernières années, le président du Venezuela, Nicolás Maduro, a été traité comme persona non grata sur la scène internationale. Aujourd’hui, l’urgence climatique exige que nous sauvions la forêt amazonienne. Vous l’avez proposé et le Venezuela doit être un élément important de cette croisade mondiale pour sauver l’Amazonie. Je vous le demande, Monsieur le Président : avez-vous l’intention de tendre la main à votre homologue vénézuélien pour qu’il revienne sur la scène internationale en tant que président légitime, non seulement pour faire revivre la forêt amazonienne, mais aussi la forêt des relations diplomatiques internationales ?

Oui, c’est le cas. Mais pas seulement à des occasions comme les conférences sur le climat, mais aussi lors de réunions au Mexique. Je me rends maintenant à une réunion qui a été organisée pour en discuter avec les gouvernements français et argentin, avec un délégué de l’opposition et avec le gouvernement vénézuélien.

Il y aura des élections en 2024. Mais ces élections ne doivent pas être comme les précédentes, elles ne doivent pas contribuer à une plus grande polarisation, qui, même si la violence n’est pas de l’ampleur de celle de la Colombie, pourrait même conduire à une confrontation armée, mais doit être un chemin vers un pacte.

Au Venezuela, on a peu discuté de ce que cela pourrait signifier pour un pays qui a vécu du pétrole pendant un siècle - et s’est enrichi en fonction du prix international et s’est appauvri lorsque celui-ci s’est effondré - de vivre sans pétrole.

Je pense que le débat sur la crise climatique met la question sur la table. Et je serais très intéressé si dans ces accords - qui ont plus à voir avec les mesures répressives qui ont été prises et pourraient être prises en cas de victoire de l’autre camp, ou les garanties pour les deux camps aux élections de 2024 - les forces politiques vénézuéliennes discutent aussi de ce qu’il adviendra du Venezuela si la demande de pétrole s’effondre, afin de sauver l’Humanité de la crise climatique. Comment passer à une économie productive. Ce serait l’agenda d’un véritable accord politique et d’un véritable pacte social. Évidemment, je ne suis pas là bas. Je ne peux pas faire pression.

Je m’intéresse à la paix au Venezuela et à la paix en Colombie.

- Mais Monsieur le Président, pour beaucoup, Nicolás Maduro n’est pas le vrai président du Venezuela, car il y a eu ces élections et il est soupçonné par les Nations unies de crimes contre l’humanité. Et ce que vous faites, c’est légitimer quelqu’un qui ne le mérite pas. Quelle est votre réponse ?

Ce sont des positions politiques. L’ONU reconnaît Maduro, sinon il n’aurait pas pu aller à la COP.

Les violations des droits de l’homme qui, selon moi, ont eu lieu au Venezuela ont été bien pires en Colombie et ce que j’ai vu, ce sont des accolades avec des présidents colombiens alors que des milliers de jeunes ont été abattus par l’armée colombienne, alors que 100 personnes viennent d’être tuées et 200 arrêtées lors d’une manifestation de jeunes. Et qu’est-ce que c’est ?

J’ai proposé au Venezuela et à la Colombie, comme je le propose à l’Amérique Latine, de revitaliser la Convention américaine comme le grand traité des droits de l’homme de la région, de l’Alaska à la Patagonie.

Je suis devenu président après avoir dû sauver mes droits politiques devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Sinon, ils m’auraient été retirés à vie en Colombie. Et je peux même dire que j’ai de la chance d’être en vie, car si cela avait été quelques années plus tôt, le candidat présidentiel de la gauche aurait été assassiné. Le fait est que vous devez parler avec une autorité morale sur cette question des droits de l’homme. Et il s’avère que beaucoup de ceux qui critiquent les autres ont un problème encore plus grand dans leur propre pays.

Eh bien, je sais que la résolution du problème des droits de l’homme en Colombie est liée à des situations complexes, notamment le trafic de drogue, qui tue des leaders sociaux et commet des massacres dans de nombreuses régions du pays. Mais les gouvernements n’ont pas créé de moyens pour résoudre le problème. Donc, ici comme là-bas, le respect des droits de l’homme doit prévaloir, et la Convention américaine, avec son système juridique, est un bon instrument.

J’ai invité le Venezuela à rejoindre le système interaméricain, à accepter une déclaration des droits pour tous ses partenaires et ses citoyens. Si, dans le passé, certaines personnes ont violé les droits de l’homme ou commis des infractions pouvant être qualifiées de crimes internationaux, il existe des enquêtes appropriées pour cela. Nous voulons que la Colombie fasse également l’objet d’une enquête. Et nous voulons que toute l’Amérique fasse l’objet d’une enquête.

Aucun membre du gouvernement ne devrait avoir la possibilité ou l’impunité de violer les droits de l’homme. Mais nous partons d’un principe : il ne s’agit pas de condamner des pays à continuer à violer les droits de l’homme, mais de les écarter de tels événements sur la base d’un accord politique, d’un pacte.

Regardez ce qui nous est arrivé à la frontière. Personne ne le rend public. Mais toute la frontière entre la Colombie et le Venezuela est aux mains de la mafia depuis la rupture des relations diplomatiques.

Toute femme qui traversait ces routes clandestines lorsque son cousin ou sa mère se trouvait d’un côté et son père de l’autre et que la traversée était nécessaire, ou pour acheter de la nourriture ou des médicaments, courait un risque élevé d’être violée. Des milliers de femmes chaque jour.

L’histoire des personnes qui sont mortes ou ont été tuées en traversant la frontière, l’histoire de la violence sexuelle qui a existé dans cette zone longue de plusieurs centaines de kilomètres, où des millions de personnes doivent passer d’un côté à l’autre parce qu’elles sont un seul et même peuple, n’a pas encore été écrite. Mais une décision politique l’a bloquée et a laissé la place aux pires organisations criminelles en termes de brutalité.

Nous avons accueilli des centaines de milliers ou des millions de Vénézuéliens, le nombre exact que nous aurons un jour, qui traversent aujourd’hui le Bouchon du Darién avec des Colombiens, où chaque mois exactement la même chose se produit :

Des dizaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants meurent dans l’une des régions les plus inhospitalières du monde. C’est pourquoi la frontière entre la Colombie et le Panama est également appelée le Bouchon du Darién. Et les organisations de trafic de drogue, les coyotes, comme on les appelle, violent les femmes, assassinent les gens. Et il y a des gens qui périssent ou se noient tout simplement à cause du danger de la zone. Et quand ils arrivent aux États-Unis, les survivants sont accueillis par des mitrailleuses.

À mon avis, la Charte des Droits de l’Homme devrait être rétablie aux États-Unis, car je pense que cette charte s’applique à tout le monde.

- Votre gouvernement est le premier gouvernement de gauche de l’histoire de la Colombie à commencer par un ambitieux programme social que vous appelez « Paix totale ». Les grands bouleversements, Monsieur le Président, mettent en jeu des intérêts poignants. Craignez-vous que des secteurs touchés économiquement ou idéologiquement tentent de déstabiliser ou d’attaquer votre gouvernement ?

Ils le font déjà.je venais de prendre mes fonctions et ils appelaient déjà à des manifestations. Ils pensaient qu’elles seraient très grandes, mais jusqu’à présent , elles sont très, très petites. Ils réfléchissaient à la manière de briser la coalition majoritaire que j’ai pu former au Congrès. Jusqu’à présent, ils n’y sont pas parvenus.

L’activité de la presse colombienne c’est la désinformation quotidienne. Les mêmes médias viennent de publier deux ou trois sondages - je n’ai pas eu l’occasion de les examiner de près - qui donnent au gouvernement un taux d’approbation de 61 ou 60%, et ils disent : oui, c’est vrai, mais la plupart des Colombiens sont contre ses politiques. Pourquoi avons-nous aujourd’hui un taux d’approbation de 61% ?

Disons que jusqu’à présent - mais c’est très peu de temps, cela ne fait que trois mois - nous avons ressenti l’intention et l’action, mais le gouvernement a une grande force dans la société et dans la politique.

Le front que nous avons construit et qui nous a permis de gagner est toujours solide. Nous avons réussi à attirer des secteurs de la société, des millions de Colombiens qui avaient voté contre nous sont maintenant avec nous. Je ne dis pas que cela va continuer sur le long terme. Mais jusqu’à présent, cela nous a permis d’être forts dans le pays.

Traduction allemande : Vilma Guzmán et Klaus E. Lehmann, Amerika21

Original : « Präsident von Kolumbien zum Ukraine-Krieg : ’Ein Nato-Spiel, das den Aufbau einer russischen Reaktion begünstigt hat’ »

Traduction de l’allemand pour et par :

Le Courrier de la Diaspora

. Paris, le 14 décembre 2022.

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