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Pour ceux qui vivent en dehors de l’Amérique Centrale, celle-ci représente une région assez méconnue. C’est, à l’exception des distances, comme l’Afrique noire : une zone diffuse, dont on ne connaît pas avec exactitude les pays qui l’intègrent, et dont il existe une idée vague de l’ensemble, toujours en terme de pauvreté, de retard de développement, de conditions de vie très difficiles, d’impunité et corruption des États, avec des dynamiques sociales de haute violence. L’Amérique Centrale, dans cette logique est, sans plus, synonyme de république bananière.
D’une certaine manière, elle fonctionne effectivement comme un bloc. Outre la question géographique, il existe une quantité d’éléments qui lui confère une certaine unité économique, politique, sociale et culturelle. Les pays qui la forment : Le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, le Salvador, Belize, Panama et le Costa Rica, à l’exception de ce dernier, présentent les indices de développement plus faibles que le continent, avec Haïti dans les Antilles une des nations les plus indigentes du monde.
Cette zone est très pauvre ; bien qu’elle compte beaucoup de ressources naturelles, son histoire la place dans une situation de prostration et de retard très grand. Elle est principalement agro-exportatrice, avec de petites aristocraties nationales - héritières dans beaucoup de cas des privilèges féodaux issus de la colonie - qui à travers les siècles ont dirigé ces pays par le critère de propriété. Commencé déjà le troisième millénaire et après les guerres destructrices des dernières décennies, rien de ceci a substantiellement changé. Les produits primaires sont encore la base de l’économie : café, sucre, fruits tropicaux, bois. Durant les dernières années on a un peu favorisé le processus de modernisation, en installant dans toute la zone des industries, profitant surtout d’une main d’oeuvre bon marché et peu ou pas syndicalisée.
Généralement les capitaux en question sont internationaux, et cette industrie ne représente pas un véritable facteur de développement à long terme. Récemment, avec des degrés différents mais, avec comme dénominateur commun toute la région, on a augmenté le nombre des affaires dites "sales " : blanchiment de narcodollars, et trafic de stupéfiants, etc. De fait, aujourd’hui la zone est le passage obligé d’une bonne partie de la drogue qui, provenant du sud, est acheminée vers les Etats-Unis. Ceci a dynamisé les économies locales, sans favoriser les grandes masses évidemment, mais a permis l’émergence de nouveaux acteurs économiques et politiques liés à des activités illicites, tolérées par les États respectifs, et qui parfois les dirigent depuis l’intérieur.
La population dans toute la région est majoritairement rurale ; règne le paysan pauvre, qui combine le travail dans les grandes propriétés consacrées à l’agro-exportation avec des économies primaires d’auto subsistance. La location de la terre se caractérise par une différence marquée entre les types de propriété -familles de souche aristocratique, dans beaucoup de cas avec des siècles de privilèges dans son domaine- et des paysans avec de petites parcelles (un ou de deux hectares, ou moins même) qui, avec des technologies primitives, parviennent à peine à couvrir leurs besoins.
Dans toute la région on note la présence de population indigène, le Guatemala étant le pays qui en présente un plus grand pourcentage : plus de deux tiers - de fait, la nation latinoaméricaine avec la plus grande présence d’habitants d’ethnies non européennes. Dans ce cas particulier -ce qui n’est pas aussi fort dans les autres pays de l’isthme- cela crée une dynamique sociale effrontément raciste, sachant que les mayas sont les groupes les plus exclus et les plus mis à la marge en termes économiques, politiques et sociaux. Un phénomène semblable se répète avec les minorités indigènes le long de toute Amérique Centrale. Il faut mentionner aussi la présence d’une population noire, mais pas pour un pourcentage élevé comme c’est le cas dans les îles des Caraïbes.
La migration interne depuis de la campagne vers les villes en recherche de meilleurs horizons - aggravée par des guerres civiles dévastatrices durant ces dernières décennies qui ont forcé de nombreux habitants quitter leur village d’origine- constitue un fort élément des dynamiques sociales dans toutes les républiques d’Amérique Centrale, ce qui donne comme résultat la croissance démesurée et désorganisée des capitales. Ce qui a conduit à une forte expansion des quartiers périphériques populeux, sans service de base, avec des populations qui survivent à partir d’économies souterraines pauvres : commerce informel, travail des enfants, invitation à la délinquance.
Dans l’ensemble (le Costa Rica est l’exception) la situation des femmes est très désavantagée par rapport à celle des hommes. En comparaison des chiffres traditionnels, le nombre de grossesses est très élevé : avec une moyenne de cinq en ville (il y a une forte mortalité infantile), et plus encore dans des secteurs ruraux. Les taux d’analphabétisme, en soi très élevé, l’est encore plus chez les femmes. Et leur participation dans la vie politique est faible.
La situation environnementale de tout l’isthme est préoccupante. Suite au manque de planification à long terme, des entreprises rapaces qui dépècent les ressources naturelles et d’États corrompus qui tolèrent tout type de pillage, la zone montre une détérioration marquée dans ses aspects écologiques : disparition de forêts, manque d’eau potable, pollution généralisée.
Bien que toute l’Amérique latine soit, depuis le début du XXème Siècle, le continent est une zone d’influence américaine et dans le cas de l’Amérique Centrale ceci est grossièrement plus notoire. Ses présidents arrivent avec l’approbation de l’ambassade américaine (appelée simplement "l’Ambassade", ce qui en dit beaucoup du panorama général). L’empire du nord, bien qu’il soit reconnu dans son rôle de maître dominant, ne cesse pas d’être en même temps un foyer d’attraction pour toutes les populations : pour les classes élevées, comme centre de référence politique et culturelle ; pour les masses appauvries, comme un intermédiaire de salut économique. De fait la recette de devises à partir des envois faits chaque mois par les parents émigrés (main d’oeuvre bon marché et non qualifiée aux Etats-Unis) constitue pour toute la zone une des principales sources de survie (dans quelques pays, et suivant des circonstances conjoncturelles, elle occupe la première place).
Dans ce sens, puisqu’elle joue ce rôle de référence obligé dans les logiques quotidiennes et de long terme, l’Amérique du Nord est un élément décisif pour comprendre l’histoire, la conjoncture actuelle et le futur de l’isthme d’Amérique Centrale.
Amérique Centrale et la Guerre Froide
Les pays qui forment actuellement la région d’Amérique Centrale ont été des colonies de l’Espagne, à l’exception de Belize, qui a été une enclave britannique.
Au début du XIXème siècle, avec la fièvre libertaire qui a balayé le continent, ils obtiennent leur indépendance de la métropole. Mais rapidement les problèmes ont commencé. Ils ont à l’origine constitué une unité, en continuant son statut de Capitainerie Général de l’époque coloniale, où réunis ils formaient un tout, avec Guatemala comme capitale. Peu après s’est constituée, on a dissous l’Union d’Amérique centrale, donnant naissance aux États qui existent actuellement dans la zone.
Formellement indépendants de l’Espagne, en réalité ils n’ont été jamais constitués pleinement dans des républiques souveraines avec des projets nationaux propres. Vers la fin du XIX eme siècle ils faisaient déjà, plus ou moins, partie du cercle d’intérêt géostratégique que les Etats-Unis commençaient à tracer. Depuis ce moment là ils sont - comme il est tellement habituellement dit - son "arrière cour".
Les aristocraties natives ont toujours été alignées avec les puissants du nord ; on a là un processus d’accommodement réciproque : des oligarchies qui produisaient à de bas coûts des produits pour le marché américain, et qui ouvraient simultanément les portes aux investissements américains pour le pillage des richesses nationales. En même temps -ceci a marqué l’histoire de tout le XXème siècle- ces pays apportaient main d’oeuvre bon marché, toujours en situation migratrice illégale, pour les travaux moins qualifiés aux Etats-Unis.
Dans tout le sous-continent latino-américain, l’Amérique centrale a été reléguée comme la région la plus pauvre, avec des structures très liées à la colonie, avec un fonctionnement économico social de type quasi féodal, tandis que d’autres pays, aussi ex colonie espagnoles, suivaient des modèles de développement industriel.
L’ingérence politique de Washington dans la région a été notoire ; plus encore : effrontée, depuis 1900. Sauf Costa Rica -qui mérite un traitement distinct, étant la "Suisse d’Amérique centrale" - l’histoire politique de l’isthme a été toujours marquée par des dictatures militaires en vrac, avec "l’Oncle Sam" au milieu. Des invasions, complots et manoeuvres déstabilisatrices peuvent être comptées par des douzaines. La CIA a fait son "baptême de feu" avec une campagne d’action cachée au Guatemala, en 1954.
Dans cette logique, sur l’horizon de cette histoire d’exploitation, pauvreté et intervention étrangère, et à partir de l’espoir qu’ouvrirait la Révolution cubaine de 1959, entre les décennies 60 et 70 commencent à émerger des mouvements armés en réaction devant un tel état de choses. Le Guatemala, puis le Nicaragua, enfin le Salvador, ont développé des expressions partisanes qui ont crû, progressivement. Au Nicaragua, le Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN), vers 1979, a fini par prendre le pouvoir en déplaçant à la dictature plus vieille qu’Amérique Centrale -celle de la famille Somoza, tristement connue pour sa cruauté- et a commencé la construction d’une expérience socialiste et anti-impérialiste. Au Salvador, vers la fin des années 80, ils ont été sur le point de renverser le gouvernement. Au Guatemala -le mouvement partisan le plus vieux de la zone- a rassemblé ses forces, arrivant à avoir une présence nationale.
Ces expressions politiques, - d’action armée, avec une présence fondamentale de la population campagnarde - en plus de représenter sans doute le mécontentement historique des masses paupérisées, ont aussi fait partie de la lutte idéologique et militaire qui marque une bonne partie de la seconde « post » guerre du XX ème siècle : la Guerre Froide. Guerre à mort entre deux projets de vie, entre deux modèles de développement et de conception du monde ; guerre qui s’est exprimée sur de nombreux fronts, et dans laquelle l’Amérique centrale a été un domaine de bataille de grande importance.
Le bloc socialiste a été fortement impliqué ; Cuba, par sa proximité, a été le point de référence le plus proche. Préparation politique, idéologique et militaire étaient présentes dès le début de ces mouvements ; Moscou est toujours apparue comme une importante instance dans cette dynamique. D’autre part, comme réponse à ces projets de transformation sociale, les oligarchies locales, avec leurs Forces Armées respectives, et la présence universelle de Washington comme dernière référence, ont déchargé tout leur poids répressif pour éviter que ces initiatives révolutionnaires puissent croître.
Aux propositions de changement social faites par ces mouvements (au Nicaragua, même, en étant arrivé à prendre le pouvoir, et en commençant effectivement le processus de transformation), ils ont subi encore des répressions brutales. Campagnes de "terre brûlée" au Guatemala, les "contras" au Nicaragua, la guerre sale au Salvador, les bases des « contras » au Honduras, et un temps au Costa Rica, aucun coin du secteur d’Amérique centrale a échappé aux machines de guerre. La zone est devenue couleur sang. Le discours militarisé a inondé la vie quotidienne.
La guerre nucléaire des missiles soviétiques et américains qui n’a jamais germée s’est traduite, notamment, à travers les guerres guérillas et des tactiques contre insurgées dans les montagnes d’Amérique centrale. Les morts, bien sûr, furent des centroaméricains.
Et maintenant : encore plus de la même chose ?
La Guerre Froide est terminée. Le bloc soviétique n’existe plus. Les idéaux socialistes, ceux qui ont mis en marche les mouvements de guérilla, sont aujourd’hui, si non rejetés totalement, au moins en thérapie intensive. De toute façon les causes structurelles qui ont motivé politiquement ces réponses armées par les groupes les plus avancés dans les différents pays de l’Amérique Centrale, persistent encore. Au Nicaragua même, où un de ces groupes a été au pouvoir et a dirigé le pays durant une décennie, les causes profondes génératrices de pauvreté - même s’il n’y a plus la famille Somoza - persistent. De ce changement entamé un temps, aujourd’hui déjà rien reste.
Il a eu beaucoup de changements durant ces dernières années, depuis la chute du mur de Berlin. Mais les raisons qui ont permis l’émergence du socialisme comme vision contestataire du monde, comme forme de lutte contre les injustices sociales, demeurent.
La Guerre Froide s’est exprimée en Amérique Centrale à travers les guerres qui ont saignées ses pays pendant des années, fait déjà partie de l’histoire ; mais les suites de ces guerres sont là encore, et continueront à l’être encore durant longtemps.
En réalité, une fois terminée les enchères entre les deux modèles en conflit avec le triomphe d’un de d’eux et la disparition de l’autre, on n’a pas résolu les problèmes de fond qui existent toujours face à ces deux visions de l’univers ; si la guerre a pris fin, son moteur est toujours là.
À partir de là on a suivi concrètement les agendas de paix des diverses régions de la planète, l’Amérique Centrale notamment. Des agendas qui, en tout cas, ne parlent pas tant des processus de dépassement des différences dans les espaces locaux où les conflits étaient ouvertement exprimés (comme en Moyen-Orient, ou en Afrique sub-saharienne), mais de la nécessité et/ou du besoin des puissances -les Etats-Unis à la tête- à éliminer des zones chaudes, problématiques. À leur tour les guérillas ont signé la paix, en réalité, parce qu’elles n’avaient pas une autre sortie devant la nouvelle scène ouverte.
Certainement, le fait de ne pas coexister quotidiennement avec la guerre est un pas en avant. Aujourd’hui des enfants continuent à mourir de faim, des femmes lors d’accouchements sans l’attention nécessaire, mais personne ne meurt dans une embuscade, en foulant une mine, d’un coup de canon. Ceci n’est pas peu. Mais si on surveille le phénomène à la lumière de l’analyse historique il est évident que les guerres de cette région ont comme cause la faim, l’absence de protection, l’exclusion en définitive. Et ceci n’a pas changé.
Qu’est-ce qui attend maintenant l’Amérique centrale ?
Comme première tâche, résoudre les problèmes immédiats dérivés des conflits armés : les problèmes matériels, psychologiques, culturels. Depuis quelques années, suivant les moments dans chaque cas, on travaille sur cela. Toutefois, ce qui est investi pour la reconstruction post -guerre est incommensurablement plus petit que ce qu’on destinerait aux guerres, c’est pourquoi les blessures et les pertes ne paraissent pas pouvoir être dépassées avec un grand succès. Il n’y a pas eu -du temps est passé pour cela- un équivalent au plan Marshall européen pour réactiver les économies. Des appuis de la Communauté internationale sont arrivés, mais pas beaucoup plus grands que ceux qui pourraient y avoir après toute catastrophe nationale. En définitive, il n’y a pas eu un véritable processus de reconstruction sur de nouveaux paramètres : tout a continué sans grande différence et les aides n’ont servi à mettre en marche aucune transformation de base. La pacification du secteur, la structure économique n’ont eu aucun changement substantiel : on n’a pas modifié l’appartenance de la terre, on n’est pas sorti des modèles agro-exportateurs, on n’a commencé aucun processus tangible de modernisation industrielle. La grande majorité de la population continue a être une main d’oeuvre non qualifiée, bon marché, avec organisation syndicale faible ou nulle. Dans d’autres termes : la même chose et davantage encore.
Sur le plan politique et culturel les choses n’ont pas spécialement changé. L’impunité continue à dominer. C’est l’élément principal qui définit la situation générale après les conflits de guerre subis. Les aristocraties se maintiennent après cette période, sans grand inconvénient dans leurs privilèges. Au Nicaragua, elles sont ouvertement retournées au pouvoir, - après le printemps sandiniste- qui s’est terminé orageusement, pour divers motifs. Au Guatemala, elles ont dû partager quelques parties du pouvoir, à leur regret sans doute, avec les forces armées qui ont veillé sur leurs propriétés durant des années, ceux qui sont devenus maintenant nouveaux riches avec le maniement des économies "réchauffes" : trafic de drogues, contrebande, crime organisé. Mais dans toute la région d’Amérique centrale la règle dominante est encore : l’impunité. Après les atrocités auxquelles ont donné lieu les guerres, il n’y a eu aucun jugement d’aucun responsable de tant de crimes, de tant de destructions. Y compris beaucoup d’assassins de guerre continuent à détenir des charges publiques sans la moindre honte.
La construction de la paix comme processus tangible et irréversible n’est pas, jusqu’à présent, un fait indubitable. Tant qu’on ne révisera pas sérieusement l’histoire, que ne seront pas déplacer les causes structurelles qui sont à la base des confrontations armées et que justice ne sera pas faite contre les responsables des crimes de guerre -comme cela s’est passé, par exemple, en Europe avec la hiérarchie nazi- il est impossible de pacifier réellement les sociétés.
Il y a, comme c’est le cas actuellement, quelques chiffons d’eau froide, mais les blessures profondes qui ont provoqué la haine et les positions irréconciliables ne pourront pas disparaître si on n’aborde pas avec sérieux ces échéances en suspens. La violence galopante qu’on voit dans la zone - criminalité, persistance d’escadrons de la mort, délinquance ambulante, lynchages dans quelques cas -ce sont des expressions de cette histoire non élaborée. Il peut y avoir des "agendas de la paix", mais on ne vit pas réellement en paix.
Le rôle joué par les Etats-Unis est encore le même : hégémonique, dominateur total. On voit même le cas paradoxal où, les guerres locales finies, la grande puissance se permet de promouvoir des programmes d’appui aux victimes de toute cette cruauté qu’elle-même a favorisée. Et non par sentiment de faute précisément, mais comme une partie de cette même stratégie de domination de toujours, de mise à jour aujourd’hui, et adéquate aux circonstances correspondantes.
Les mouvements partisans signataires de la paix, -qui en tout cas ont suivi un processus pratiquement imposé- une fois passés à la lutte politique sur le plan civil n’ont pas pu élaborer des stratégies d’impact pour les majorités, étant alors loin d’être organisés de façon à pouvoir réellement produire des changements profonds. Le cas du sandinisme, venant d’un processus où en effet, il a détenu le pouvoir politique, a fait face avec une faiblesse de proposition relative au programme qui - tout paraîtrait l’indiquer - laisse paraître un difficile retour à la maison présidentielle à court terme (trois élections où ils ne triomphent pas). Pour les populations pauvres, être allé aux Etats-Unis, travailler dans n’importe quoi et accumuler quelques dollars, est encore l’objectif doré.
Comme un nouvel héritage laissé par la fin de la Guerre Froide dans le secteur d’Amérique centrale - processus qui en réalité est étendu à toute Amérique latine, mais qui dans cette zone a des cotés très marqués - c’est la prolifération d’églises évangéliques fondamentalistes. Nés comme stratégie politique cachée des Etats-Unis pour s’opposer à la croissante Théologie de la Libération catholique des années 60 et 70 avec leur "option pour les pauvres", ces groupes ont inondé la région en portant un message de désintérêt pour ce qui est terrestre et d’apathie politique totale. Aujourd’hui, à partir d’une dynamique d’autonomie qu’ils ont acquis, ils représentent un facteur d’importance dans la vie quotidienne des Communautés de tous les pays de l’isthme, en répétant toujours ce modèle de projet de vie : ne pas se préoccuper, laisser tout entre les mains de Dieu. Son incidence est forte : et concerne pas moins d’un tiers de la population totale.
L’Amérique Centrale prend part aujourd’hui aux processus d’intégration en bloc qu’imposent les Etats-Unis dans leur stratégie continentale. Là « le Traité de libre Commerce (TLC) » ou « le Plan Puebla- Panama », préparent le chemin pour un futur Secteur de libre Commerce des Amériques (ALCA), à travers des mécanismes d’homogénéisation régionale. Dans cette logique s’inscrit le Traité de libre Commerce entre Amérique Centrale et les Etats-Unis, (CAFTA, selon son sigle Anglais).
Le 10 avril dernier, au moment même où les forces armées américaines envahissaient Bagdad dans leur projet de "guerre préventive" - stratégie de contrôle mondial, si on le veut dire d’une autre manière- cinq présidents d’Amérique centrale (il manquait le Panama et le Belize) se réunissaient avec leur collègue américain à Washington. Lors de cette rencontre on bénissait publiquement l’accord commercial de la grande puissance avec les vulnérables nations de l’isthme .
Le Président Bush a annoncé en janvier passé que le CAFTA constitue une priorité de première ligne pour son administration. La valeur globale des relations commerciales entre l’économie américaine et l’Amérique centrale est de quelque 20.000 millions de dollars annuels, chiffre qui ne représente pas, précisément, une quantité telle pour être considérée "priorité de première ligne".
Pourquoi cette décision de Washington alors ? Cet accord de libre commerce avec l’Amérique Centrale est le point focal face à l’objectif de créer dans 2005 le Secteur de libre Commerce des Amériques (ALCA). La mise en oeuvre de ce dernier a été compliquée par divers motifs de protestation politique, fondamentalement par la lutte de la société civile (syndicats, groupes d’opposition, divisés de gauche) contre un accord léonin, préjudiciable aux intérêts des travailleurs et ses atteintes contre l’environnement.
L’Amérique Centrale se transforme ainsi - dans la stratégie continentale de Washington - en territoire d’expansion naturelle du Traité de libre Commerce (qu’elle lie déjà au Canada, les Etats-Unis et le Mexique). En étant la région amarrée maintenant par le Plan Puebla-Panama, dont les investissements sont perçus dans le cadre juridique d’un TLC qui subordonne les législations nationales de chacun des pays d’Amérique centrale à l’accord supranational avec les Etats-Unis qui stimule et garantit les intérêts des entreprises transnationales qui opèrent et opéreraient dans le secteur, - l’immense majorité Américains - le CAFTA devient ainsi une pièce de grande importance dans leur "arrière cour".
Si l’ALCA arrivait finalement à bon terme, les chargements de biens d’exportation et d’importation devront passer par la région d’Amérique centrale. Par conséquent le CAFTA est un pas vital pour développer l’accord continental. Sans l’approbation des dirigeants patronaux et fonctionnaires des gouvernements d’Amérique centrale, l’ALCA sera pratiquement impossible. Mais tout indique que les profits éventuels dérivés d’un tel mécanisme de concertation économique ne représenteraient pas de véritables bénéfices pour tous mais, une fois de plus, hypothèquent le bien-être des peuples en faveur du grand capital, notamment américain. C’est-à-dire : bien qu’avec des termes nouveaux, davantage la même chose.
La vulnérabilité des pays d’Amérique centrale et la propension à la vassalité de ses actuels gouvernements, sont connues des fonctionnaires de l’actuelle administration républicaine comme des éléments qui favorisent cette stratégie expansionniste du "pas à pas", pour affaiblir l’opposition à l’ALCA dans le bloc régional du Sud que dirige le Brésil, et en même temps favoriser la position américaine dans les négociations multilatérales de la ronde de Doha, qui sont menées à bien au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Sans ambages le Représentant de Commerce des Etats-Unis Robert Zoellick a souligné que le CAFTA sera le meilleur pion dont disposera l’industrie textile américaine pour survivre à la compétence de la Chine, quand seront éliminés les tarifs dans ce secteur, durant l’année 2004, dans le cadre l’Accord Multifibres de l’Organisation Mondiale de Commerce.
En résumé, le CAFTA consiste en neuf thèmes ponctuels de négociation :
- 1) Services : tous les services publics doivent être ouverts à l’investissement privé,
- 2) Investissements : les gouvernements s’engagent à accorder des garanties absolues pour l’investissement étranger,
- 3) Achats du secteur public : tous les achats de l’État doivent être ouverts aux firmes internationales
- 4) Accès à des marchés : les gouvernements s’engagent à réduire, et arriver à éliminer, les tarifs et autres mesures de protection à la productionsdesubventions à la production agricole,
- 6) Droits de propriété intellectuelle : privatisation et monopole de la connaissance et des technologies,
- 7) Subventions, "antidumping" et droits compensatoires : compromis des gouvernements à l’élimination progressive de barrières protectionnistes dans tous les domaines,
- 8) Politique de concurrence : démantèlement des monopoles nationaux,
- 9) Solution de polémiques : droit de pour les firmes internationales de juger les pays dans des tribunaux internationaux "privés".
Une fois de plus, en analysant ce qui est en jeu, tout paraît indiquer que les pauvres "banane countries" (pour le volume de ses populations pauvres, évidemment) il y aura davantage de la même chose.
Conclusion
Devant un telle panorama, les scénarios du futur prévus pour la région ne sont pas très encourageants certainement. La Guerre Froide est passée, les conflits armés locaux aussi , les sociétés sont exsangues, les pays ont souffert des pertes matérielles énormes... mais leur statut de « bananières » n’ont pas changé. La zone est encore plus pauvre que le reste de l’Amérique, étant parmi les plus pauvres du monde. Les processus de paix, parfois, peuvent fonctionner comme une mâchoire pour la recherche de la justice.
Les processus d’intégration imposés par Washington ne sont pas perçus véritablement comme des occasions pour un développement harmonieux et équilibré pour tous. Les démocraties sont plutôt délabrées, et l’impunité et la corruption continuent à dominer le quotidien. Et peut-être le pire : on ne voit d’alternatives à tout ceci.
Même si cela semble pessimiste, aujourd’hui tout démontre que, dans la conjoncture actuelle au moins, l’histoire n’a pas changé. De toute façon, faisons confiance à ce que disent les anciens Mayas : « que bientôt viendra le temps de renaissance pour les exclus d’aujourd’hui ». Pour vu qu’ils ne se trompent pas.
Traduction de l’espagnol pour El Correo de: Estelle et Carlos Debiasi
Argenpress. Buenos Aires , 11 agosto 2003.