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25 juillet 2005

Un double standard moral pour le terrorisme

 

Aujourd’hui le terrorisme se transforme à nouveau en information exclusive de tous les médias de communication à l’échelle mondiale. Que s’est-il produit ? S’agit-il d’une excroissance pathologique qui vient altérer la paix, la tranquillité et la justice qui règnent dans le système international ?

Par Atilio A. Boron
23 juillet 2005

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Tout comme les attentats criminels du 11 septembre et ceux de la Gare d’Atocha, celui de Londres mérite la plus énergique condamnation. Mais en plus de condamner, il est nécessaire de comprendre. Comprendre, par exemple, les raisons qui expliquent l’urgence de ce terrorisme. Sans cela, il est peu probable que cette peste cesse un jour de frapper l’humanité. Pour cela, il est nécessaire de mettre en garde contre le piège que tendent les "intellectuels bien pensants", pour utiliser l’expression d’Alfonso Sastre : ils invitent à éradiquer de tels monstruosités mais sans se demander qu’elles en en sont les causes ; y en fermant toute discussion sur l’autre terrorisme, celui qui apparaît et s’est consolidé à partir d’Hiroshima et de Nagasaki comme une politique d’Etat mise en œuvre par Washington avec l’approbation morale et politique des gouvernements du capitalisme avancé. De cette manière, les idéologues de l’ordre banalisent et rendent invisible le terrorisme institutionnalisé.

Par cette alchimie idéologique ce dernier se transforme en "lutte contre le terrorisme" tandis que le terrorisme de ses adversaires, échange sa relation dialectique avec le premier, devient l’expression sinistre de quelques génies malins qui courent de par le monde.

L’humanité traverse une de ses conjonctures le plus dangereuses. Pour comprendre ce qui s’est produit, et pour chercher des stratégies efficaces pour faire face aux défis actuels, il convient d’examiner les questions suivantes.

 Comment ignorer la responsabilité énorme et décisive des gouvernements successifs des Etats-Unis dans la promotion à l’échelle planétaire du terrorisme ?
 Ne fut-il pas légitimé, avec le bombardement atomique de ces deux villes japonaises sans défense, inaugurant de cette manière la vague terroriste dans l’histoire du capital ?
 Et que dire des innombrables meurtres politiques, préparés et perpétrés dans les cinq continents depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale par la CIA, sous le prétexte de "contenir l’expansion communiste" ?
 Et des coups d’état contre des démocraties naissantes dans la périphérie, ou des plans d’extermination de dissidents, comme le Plan Yakarta, qui en quelques mois a fait un demi million de victimes en Indonésie vers le milieu des années soixante ?
 Ou, plus près de nous, des atrocités systématiques froidement appliquées par le Plan Condor dans le Cône Sud, responsables de tortures, disparitions et décès de dizaines de milliers de personnes ?

Un gouvernement qui invente des monstres comme Osama Ben Laden et Saddam Hussein, qui se retournent ensuite contre eux ; qui encourt des gravissimes violations aux droits de l’homme dans les prisons d’Abu Ghraib ou dans la base navale de Guantánamo ; qui vexe ses prisonniers musulmans et offense leurs croyances religieuses intimes comme le régime nazi lui-même a osé faire ; qui fait part de sa présumée "supériorité" ethnique et civilisatrice en rasant des pays entiers comme l’Afghanistan et l’Irak, en détruisant ses trésors culturels et en provoquant des "dommages collatéraux inexprimables" sur la population civile ; qui envoie des supposés terroristes dans des pays où la torture est légale afin d’être plus "efficacement" interrogés, sans les restrictions légales gênantes qui règnent aux Etats-Unis ; qui maintient depuis un siècle un blocus économique immoral et criminel contre Cuba ; qui avec ses 725 bases militaires dispersées partout dans le monde - chiffres officiels du Pentagone - soutient à pointe de baïonnette un "ordre mondial" qui selon les Nations Unies produit 100.000 morts quotidiens, je répète, quotidiennes, à cause de la faim et de maladies soignables ; qui loge et protège dans son territoire des terroristes reconnus et jugés comme Posada Carriles, coupable la destruction en vol de l’avion de la compagnie cubaine. Est-ce qu’un gouvernement comme celui-là, ou ses soutiens, peut être surpris face à la réponse violente de ses victimes ?
 Ou pensaient-ils que l’instauration du terrorisme comme système, qui est la note la plus caractéristique de la phase actuelle du capitalisme, irait à peine trébucher avec l’opposition inoffensive d’une réunion entre amis de flegmatiques princes arabes qui, dans un certain club privé londonien, bredouilleraient en voix basse contre la sauvagerie d’Occident ?
 Comment ont -ils pu, Aznar d’abord, puis Blair maintenant, penser que leur politique servile et indigne d’appui inconditionnel au terrorisme institutionnalisé des Etats-Unis - ce que les "intellectuels bien pensants" se gardent tant de montrer et de dénoncer - pourrait passer inaperçu et ne pas déchaîner des représailles violentes de leurs victimes ?

Si vraiment on veut mettre à terme au germe du terrorisme, il faut commencer par condamner le double standard moral institué par la politique extérieure américaine et honteusement admis par ses alliés : un bon terrorisme, patronné et pratiqué par l’empire et ses agents, appelé avec euphémisme "guerre humanitaire", "lutte contre le terrorisme" ou "exportation de la démocratie". Et le mauvais terrorisme, qui est celui qu’exercent ses rivaux.

En dépit de son horreur, la tragédie de Londres, ne peut surprendre personne. C’est simplement la face niée et dissimulé de l’autre terrorisme, l’officiel, qui jour après jour est pratiqué dans l’impunité la plus totale et dans le silence des grands médias de communication qui, jour après jour, prétendent endormir nos consciences et fabriquent le consensus de nos sociétés.

Traduction pour El Correo : Estelle et Carlos Debiasi

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