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1er décembre 2014

Ukraine, guerre sans merci ou « Offensive finale »

par James Petras *

 

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Introduction

Certains indicateurs montrent clairement l’imminence de l’explosion d’une grande guerre en Ukraine ; une guerre vivement plébiscitée par les pays de l’OTAN et leurs alliés, également clients, en Asie (Japon) et au Proche Orient (Arabie Saoudite.) Elle sera marquée par une offensive militaire d’envergure contre la région sud-est du Donbass –où se situent les républiques populaires ukraino-russes de Donetsk et Lougansk, aux désirs indépendantistes – visant à déposer le gouvernement élu démocratiquement, désarmer les milices populaires, en finir avec la résistance et leur soutien urbain, démanteler les organisations populaires représentatives et participer au nettoyage ethnique de millions de citoyens ukraino-russes bilingues. La prochaine attaque militaire de l’OTAN dans la région du Donbass vient donc prolonger et aggraver les effets du brutal coup d’Etat de Kiev, qui, en février, renversa le gouvernement élu.

La junte de Kiev et ses dirigeants clientélistes récemment « élus », tout comme leurs protecteurs de l’OTAN, sont bien résolus à mener une grande campagne d’épuration pour asseoir le gouvernement dictatorial du pantin Porochenko. Les dernières élections soutenues par l’OTAN ont écarté la participation de nombreux partis politiques traditionnellement en faveur des grandes minorités du pays et ont été boycottées dans la région du Donbass. Cette farce électorale de Kiev a ouvert la voie à la prochaine manœuvre de l’OTAN, qui a pour objectif de transformer l’Ukraine en gigantesque base militaire américaine multifonctions, afin d’atteindre le cœur de la Russie et de tenir lieu de nouvelle colonie au capital allemand, fournissant céréales et matières premières à Berlin et faisant office de marché captif aux produits manufacturés allemands.

L’Occident est actuellement balayé par un vent belliqueux et les conséquences de cette folie s’aggravent d’heure en heure.

Présages de guerre : Campagne de propagande et de sanctions, sommet du G-20 et renforcement militaire.

Le renforcement officiel de la guerre, à l’initiative de la junte de Kiev et de ses milices fascistes, éclate chaque jour dans tous les médias occidentaux. Les principaux agents de la propagande et les porte-paroles des gouvernements publient ou communiquent de nouveaux récits convenus sur l’intensification des menaces militaires russes vis à vis des pays voisins et leurs raids transfrontaliers en Ukraine. On « informe » de nouvelles incursions russes depuis les frontières du Nord et les Etats Baltes vers le Caucase. Le gouvernement suédois contribue, quant à lui, à alimenter l’hystérie en parlant d’un mystérieux sous-marin « russe » à proximité des côtes de Stockholm, sans toutefois parvenir ni à l’identifier, ni à le localiser (ni même, bien évidemment, à confirmer son « observation ».) L’Estonie et la Lituanie allèguent la violation de leur espace aérien par des avions militaires russes, bien qu’aucun de ces pays puisse confirmer la nouvelle. En Pologne, on expulse des « espions russes », sans preuves ni témoins. Dans le même temps, les armées d’Etats clientélistes de l’OTAN déploient des manœuvres militaires conjointes de grande envergure tout au long de la frontière russe, dans les pays baltiques, en Pologne, Roumanie, et Ukraine.

En prévision d’une attaque à grande échelle contre les rebelles du Donbass, l’OTAN envoie d’énormes chargements d’armes à la junte de Kiev, ainsi que des conseillers des « forces spéciales » et des experts contre-insurrectionnels.

Le régime de Kiev n’a jamais respecté le cessez-le-feu signé à Minsk. Selon le Bureau du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU, une moyenne de 13 personnes–pour la plupart civiles – ont quotidiennement trouvé la mort depuis la signature du cessez-le-feu en septembre. Les rapports de l’ONU mentionnent 957 assassinats en l’espace de huit semaines, perpétrés en grande partie par les forces armées de Kiev.

De son côté, outre la paralysie du système bancaire et le blocus des transports, le régime de Kiev a suspendu tous les services publics et sociaux de base aux « Républiques Populaires », y compris l’électricité, le carburant, les pensions, les prestations de santé, et les traitements des fonctionnaires, enseignants, personnel de santé et employés municipaux.

La stratégie employée est simple : étrangler un peu plus l’économie, détruire les infrastructures et provoquer un exode massif de réfugiés depuis les villes les plus peuplées de la zone frontalière vers la Russie, pour ensuite lancer des attaques majeures, appuyées par l’artillerie et les missiles, par voies terrestre et aérienne contre les zones urbaines et les bases rebelles.

La junte de Kiev a planifié une totale mobilisation dans les régions occidentales, assortie de campagnes d’endoctrinement acharnées contre les Russes et les orthodoxes de l’est, pour attirer la frange la plus dure et la plus violente de l’extrême droite nationaliste et enrôler des brigades militaires pro-nazies comme avant-garde dans les troupes d’assaut. L’emploi cynique de ces milices fascistes partisanes « déresponsabilisera » ainsi l’OTAN et l’Allemagne de la terreur et des atrocités inhérentes à ces agissements. Un tel système de « dénégation plausible » n’est pas sans rappeler les tactiques des nazis allemands, dont les hordes d’ukrainiens fascistes et de croates oustachis furent tristement célèbres dans les opérations de nettoyage ethnique.

Le G-20 et l’OTAN : Appui aux bombardements de Kiev

Afin d’isoler, d’affaiblir la résistance au Donbass et d’assurer la victoire des bombardements que l’armée ukrainienne s’apprête à déclencher, l’Union Européenne et les Etats-Unis accentuent leurs pressions économiques, militaires et diplomatiques sur la Russie pour qu’elle renonce aux jeunes démocraties populaires du sud-est ukrainien, dont celle-ci est le principal allié.

L’escalade de sanctions économiques contre la Russie est orchestrée dans le but d’affaiblir les moyens de résistance du Donbass dans la défense de ses foyers, villages et villes. Chaque envoi russe de vivres ou d’assistance médicale à la population assiégée provoque de nouveaux pics d’hystérie, car cela va à l’encontre de la stratégie de l’OTAN visant à affamer les résistants et leur fondement populaire pour les obliger, soit à la soumission, soit à l’exode au-delà de la frontière russe, en quête de sécurité.

Après avoir enregistré une série de cuisantes défaites, le régime de Kiev et ses stratèges de l’OTAN décidèrent de signer un « protocole de paix », appelé l’accord de Minsk, afin de retarder l’avance des troupes de la résistance du Donbass vers les régions du sud et de protéger les soldats et milices de Kiev qui combattaient encore dans des poches isolées de l’est. Les accords de Minsk avaient pour but de permettre à la junte de former son armée, réorganiser son commandement et d’enrôler différentes milices nazies dans ses rangs pour préparer « l’offensive finale. » Le renforcement de l’armée, de l’intérieur, et l’escalade de sanctions de l’OTAN, de l’extérieur, seraient en fait les deux faces d’une même stratégie : le succès d’une attaque frontale contre la résistance démocratique du Donbass dépend de la diminution de l’aide militaire russe due aux sanctions internationales.

L’hostilité non déguisée de l’OTAN envers le président Poutine est devenue manifeste lors du sommet du G-20 en Australie. Les menaces politiques et les insultes publiques des présidents et vice-présidents de l’OTAN, en particulier, Merkel, Obama, Cameron, Abbott et Harper, vinrent s’ajouter à l’intensification du blocus destiné à affamer les rebelles et les centres urbains assiégés du sud-est. Autant les menaces économiques du G-20 contre la Russie et l’isolement diplomatique de Poutine que le blocus économique de Kiev préfigurent la « Solution Finale » de l’OTAN : l’anéantissement physique de tout vestige de résistance au Donbass, de la démocratie populaire et de ses liens culturels et économiques avec la Russie.

Kiev compte sur de nouvelles sanctions contre la Russie, imposées par ses mentors de l’OTAN, en particulier si l’invasion qu’ils planifient se heurte à une résistance résolue et bien armée, renforcée par le soutien russe. L’OTAN attend beaucoup du récent accroissement de la capacité militaire, essentiellement, qu’il conduise à une destruction efficace des poches de résistance dans le sud-est.

L’OTAN s’est tournée vers une politique du « tout ou rien » : s’emparer de l’Ukraine ou, dans le cas contraire, détruire l’incontrôlable sud-est, anéantir sa population et sa productivité, et déclarer une guerre économique (probablement aussi armée) sans merci contre la Russie. La chancelière Angela Merkel soutient un tel dessein malgré les protestations des industriels allemands qui voient chuter vertigineusement leurs exportations vers la Russie. Le président Hollande, faisant la sourde oreille au tollé des syndicats français, inquiets de la perte de milliers d’emplois dans les chantiers navals, a, lui aussi, affirmé son soutien. Le Premier ministre britannique, David Cameron, se montre, quant à lui partisan d’une guerre économique contre la Russie et a suggéré aux banquiers londoniens de la « City » de trouver de nouvelles filières pour blanchir les gains illicites des oligarques russes.

La réponse russe

Les diplomates russes recherchent désespérément un compromis qui permette à l’ethnie russo-ukrainienne du sud-est ukrainien de conserver une certaine autonomie au sein d’une fédération et de recouvrer son influence dans la « nouvelle » Ukraine née du coup d’Etat. Les stratèges militaires russes ont fourni une aide logistique et militaire à la résistance pour éviter un nouveau bain de sang semblable à celui d’Odessa, où les fascistes ukrainiens ont assassiné des milliers de compatriotes russes. Par-dessus tout, la Russie ne peut se permettre à la fois d’abriter les bases militaires conjointes de l’OTAN et de faire face aux nazis de Kiev le long de leur frontière commune, s’exposant au blocus de la Crimée et pouvant provoquer l’exode des populations russo-ukrainiennes du Donbass. Poutine en tête, le gouvernement russe a tenté de suggérer des compromis qui autoriseraient la suprématie économique occidentale sur l’Ukraine, sans toutefois rien concéder quant à l’expansion de l’OTAN et l’absorption de Kiev.

Cette politique de conciliation a échoué à plusieurs reprises.

Le « régime de compromis » démocratiquement élu à Kiev a été renversé en février 2014 par un coup d’Etat brutal qui a installé au pouvoir une junte favorable à l’OTAN.

Kiev a impunément violé les accords de Minsk, avec l’appui des puissances de l’OTAN et de l’Allemagne.

Le récent sommet du G-20 en Australie a joué un rôle d’effet chorus démagogique contre le président Poutine. La rencontre clef de quatre heures entre Poutine et Merkel a tourné au fiasco complet, l’Allemagne s’étant contentée de suivre au pied de la lettre les consignes de l’OTAN.

Finalement, Poutine renvoya la balle en redoublant les positions des troupes terrestres et aériennes prêtes à intervenir le long de ses frontières, en même temps qu’il accélérait le processus de rapprochement économique entre Moscou et l’Asie.

Mais le plus important reste la déclaration du président Poutine qui affirme que la Russie ne peut pas rester en marge du conflit et permettre le génocide de tout un peuple au Donbass.

Le bombardement imminent que prépare Porochenko sur la population du sud-est ukrainien a-t-il pour but de provoquer une réponse de la Russie à la crise humanitaire ? La Russie bravera-t-elle l’offensive de Kiev –dirigée par l’OTAN – quitte à risquer la rupture totale avec l’Occident ?

James Petras para The James Petras website

Original  : « All-Out War in Ukraine : NATO’s ‘Final Offensive’  » by James Petras, november 20, 2014.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Florence Olier-Robine

El Correo. Paris, le 1er décembre 2014.

* James Petras (né à Boston, États-Unis, le 17 janvier 1937) Professeur émérite de sociologie à l’université Binghamton de New York. Dernier ouvrage publié en français : La Face cachée de la mondialisation : L’Impérialisme au XXIe siècle, (Parangon, 2002). Dernier ouvrage publié en anglais : The Arab Revolt and the Imperialist Counter Attack , (Clarity Press, 2011).

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