Son 11 septembre

Le Chili commémorera son propre 11 septembre, date du 29ème anniversaire du sanglant coup d’État du général Pinochet contre le président Salvador Allende, mercredi, alors que les États-Unis célébreront le premier anniversaire des attentats meurtriers sur leur territoire.

La coïncidence entre ces deux dates anniversaires, entre ces deux terribles évènements survenus le même jour à 28 ans d’écart, ne manque pas de susciter nombre de commentaires et de réflexions de la part des Chiliens.

« En voyant ces images (des attentats commis à New York et au Pentagone près de Washington) je n’ai pas pu m’empêcher de les mettre en relation avec les images dantesques que j’ai également vues à la télévision, lorsque depuis les airs le Palais de La Moneda était bombardé », a déclaré à l’AFP Viviana Diaz, la présidente de l’Association des Proches des détenus disparus sous la dictature militaire (1973-1990).

Les scènes diffusées depuis les tours effondrées du World Trade Center, où des centaines de personne ont disparu, lui ont immédiatement rappelé son père, indique-t-elle, le syndicaliste Victor Diaz, qu’elle a vu pour la dernière fois le 11 septembre 1973, et dont le nom figure depuis sur une liste d’un millier de personnes disparues sous la dictature.

Augusto Pinochet, aujourd’hui âgé de 86 ans et ayant échappé en juillet dernier à des poursuites judiciaires en raison de la dégradation de son état de santé, a également regardé avec stupéfaction les images de l’attaque perpétrée en plein coeur de New York, en compagnie de l’un de ses plus proches collaborateurs, le général à la retraite Guillermo Garin.

« Nous sommes restés incrédules face à ces images », a déclaré Garin, qui, il y a exactement 29 ans mercredi, alors qu’il était jeune capitaine, avait pris son « poste de combat », conformément aux ordres des militaires ayant décidé d’interrompre brutalement la « Voie chilienne vers le Socialisme ».

« Le grand objectif, obtenu ce jour-là, était d’éviter une guerre civile qui était imminente », selon le général Garin, convaincu que le but d’Allende et de son gouvernement d’Unité Populaire était d’instaurer « un régime totalitaire ».

Le professeur René Schifferly estime pour sa part « inévitable de faire une association » entre les nuages de fumée grise dégagés par les Tours jumelles en feu et par le Palais de la Moneda bombardé.

Cet enseignant était vice-recteur de l’Université Technique de l’État -aujourd’hui Université de Santiago-, l’un des établissements les plus touchés par la répression, où plus de 500 étudiants et professeurs furent arrêtés lors du coup d’état avant d’être enfermés dans le Stade national de Santiago, transformé en camp de détention.

La dictature chilienne et les attentats aux États-Unis ont fait à peu près le même nombre de morts, autour de 3000, constate de son côté Gladys Marin, la secrétaire générale du Parti Communiste Chilien.

« Le paradoxe, c’est que beaucoup, et spécialement les jeunes (Chiliens), sont fascinés par les images du terrorisme taliban et par la commotion que provoque la mort sur son passage, sans qu’ils n’aient pu jusqu’à présent regarder de face, et dans toute sa dimension, la catastrophe qu’a signifié au Chili notre 11 septembre », estime l’hebdomadaire « Siete mas Siete ».

Trois décennies plus tard, le coup d’État militaire continue de susciter polémiques et affrontements au Chili.

Dimanche, lors d’une marche de 3.000 personnes rendant hommage à Santiago aux victimes de la dictature et au président Allende, des dizaines de jeunes ont brûlé un drapeau américain et attaqué des locaux de la firme McDonalds.

Le rôle joué par les États-Unis dans le renversement du président Allende, qui s’est suicidé au Palais de La Moneda le mardi 11 septembre 1973, n’est plus un mystère aujourd’hui pour les Chiliens.

Selon les 30 000 documents secrets déclassifiés ces trois dernières années par la CIA, l’Agence centrale de renseignement américaine, Washington a contribué à créer des conditions propices au soulèvement militaire.