Accueil > Les Cousins > Bolivie > Reprise des manifestations sur le gaz en Bolivie
Par Coco Cuba
AFP. La Paz, le vendredi 27 mai 2005
Après une trêve, les manifestations ont repris vendredi en Bolivie pour réclamer la nationalisation du gaz et cette crise, envenimée par les tentations sécessionnistes de régions prospères, menace de précipiter le pays dans le chaos, selon les experts.
La tension est remontée après une courte trêve jeudi liée à une fête religieuse. L’autoroute reliant La Paz au principal aéroport du pays est coupée ainsi que toutes les voies d’accès à la capitale, la menaçant de pénurie alimentaire et en carburants.
Paysans, mineurs, Indiens producteurs de coca et enseignants sont mobilisés depuis dix jours pour réclamer une prise de contrôle totale par l’État des ressources en gaz, principale richesse de ce pays très pauvre, exploitées depuis les années 1990 par des groupes étrangers.
Les manifestants rejettent une nouvelle législation du 17 mai, devant accroître les prélèvements étatiques sur le gaz qu’ils jugent trop favorable aux compagnies étrangères. Cette « guerre du gaz » a été envenimée par des revendications d’autonomie de la dynamique province de Santa Cruz - qui voudrait réduire les prérogatives de La Paz à la défense et la politique extérieure - et de la zone de Tarija, où se trouvent les principaux gisements gaziers.
Le parlement, qui a suspendu ses travaux depuis une semaine, doit reprendre son activité mardi et examiner cette question.
Pour les analystes, la crise actuelle est la pire vécue par la Bolivie depuis le retour de la démocratie en 1982, car le pays risque une sécession entre les régions andines pauvres et l’Est tropical, poumon économique du pays.
Les provinces défavorisées veulent une assemblée constituante pour limiter l’ampleur des autonomies accordées, alors que les autres régions réclament un référendum immédiat pour être indépendantes de La Paz et contrôler directement leurs ressources, dont le gaz.
Chaque camp a obtenu de petites victoires mais aucun ne s’avère plus fort que l’autre : « c’est la tragédie du pays, le poids égal des forces en présence », a estimé Alvaro Garcia, un analyste indépendant.
La situation semble d’autant plus inextricable que le président Carlos Mesa n’a ni base politique ni majorité au parlement. La « guerre du gaz » a déjà coûté le pouvoir à son prédécesseur le néo-libéral Gonzalo Sanchez de Lozada, qui avait pris la fuite en octobre 2003 après un mois de manifestations réprimées dans le sang.
Même si la classe politique les a dénoncés comme « putschistes », l’intervention télévisée mercredi d’un groupe d’officiers demandant la démission de M. Mesa et de nouvelles structures pour le pays, a réveillé le spectre de la dictature militaire en Bolivie, qui a connu près de 20 ans de régimes autoritaires (1968-82).
Ces militaires « agissent dans la perspective d’une implosion interne du pays liée à des demandes d’autonomie à la fois ethnique (les zones les plus riches sont les moins indiennes) et territoriale », a estimé Jorge Lazarte, un autre expert.
D’autres analystes ont souligné la convergence de vues entre ces officiers mis aux arrêts par leur hiérarchie et le leader des manifestations des derniers jours, le chef de la Centrale ouvrière bolivienne, Jaime Solares. Celui-ci a réclamé le départ de M. Mesa, se disant favorable à son remplacement par « un colonel ou un général du style du (président vénézuélien) Hugo Chavez ».
Pour le moment, seules les forces armées et l’influente Église catholique se maintiennent au-dessus de la mêlée, appelant les parties en présence au dialogue.
Mais pour Alvaro Garcia, M. Mesa n’a pas beaucoup d’options : il devrait, selon lui, « accélérer les préparatifs pour une Assemblée constituante et favoriser la conclusion d’accords entre les deux grands blocs régionaux ».