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8 de abril de 2004

Réforme agraire au Brésil : Interview de Joao Pedro Stedile, Mouvement des Travailleurs sans terre

 

Par Roldao Arruda
Estado de Sao Paolo, 29 fevrier 2004.

Le principal dirigeant du Mouvement des Travailleurs sans Terre (MST), l’économiste Jõao Pedro Stedile, reste optimiste par rapport au fait que le président Luis Inacio Lula da Silva tiendra sa promesse (exposée en détail dans le Plan national de Réforme agraire) de permettre l’installation de 410.000 familles d’ici la fin de son mandat, non seulement par son dévouement historique à la cause mais aussi parce que cela serait « démoralisant » si cela n’était pas fait. Dans cette interview, Stedile critique la politique économique du ministre de l’Agriculture, Antonio Palloci, qui, selon lui, ne sert que l’intérêt des banquiers. Il affirme que les choses peuvent changer seulement si la population se mobilise.

Estado de Sao Paolo - C’est la fin du mois de février et jusqu’à maintenant le gouvernement n’a pas précisé d’où viendraient les fonds pour mettre en place le Plan national de Réforme agraire annoncé l’année dernière. Pensez-vous que le gouvernement atteindra les objectifs proposés ?
 Joao Pedro Stedile - Le gouvernement s’est engagé historiquement, non seulement avec le MST mais aussi avec la société brésilienne, à mettre en place la réforme agraire. Si le gouvernement Lula n’est pas capable d’organiser la plus simple des réformes capitalistes, c’est-à-dire de distribuer les bénéfices, le résultat sera une démoralisation complète. Nous croyons qu’il tiendra cette promesse et qu’il est notre allié, comme toute la population, pour mettre en échec le système du latifundio. Il est impossible de bâtir une société démocratique et juste tant que les latifundios existeront avec 10.000 ou 50.000 hectares, certains fonctionnant avec des esclaves. Sur les 350.000 hectares utilisables dans notre pays, nous plantons sur seulement 50.000 hectares. 30.000 sont utilisés par le groupe de Roberto Rodrigues pour l’agro-business et 20.000 sont divisés en petites parcelles qui fournissent les marchés intérieurs. Le reste constitue un immense latifundio utilisé à des fins spéculatives ou pour l’exploitation bovine intensive. C’est cela qu’il faut viser.

Il y a quelques jours, vous avez participé à une réunion avec les représentants des mouvements sociaux, où il a été conclu qu’il serait impossible pour le gouvernement d’atteindre ses objectifs dans le domaine social avec la politique économique actuelle.
 Les mouvements sociaux, de ceux liés aux églises aux organisations syndicales, considèrent que la politique économique actuelle se limite à préserver des intérêts et des avantages du Capital financier. Nous n’avons pas d’inflation, nous avons une stabilité macro-économique mais sans trouver de solution aux problèmes sociaux. Quels sont les bienfaits de la stabilité si les problèmes des pauvres augmentent ?

Que proposent les mouvements ?
 Nous proposons un projet de développement permettant de dépasser la politique du « riz et des haricots » de Palocci, ce qui est exactement ce que font les élites depuis 20 ans : payer l’intérêt de la dette et contrôler l’inflation. Les banquiers s’enrichissent mais les industries se détériorent et les gens se retrouvent sans emploi. Ce qui est nécessaire, c’est une politique d’investissements qui accorde la priorité aux industries de consommation de masse, permet de prendre des mesures pour distribuer les revenus, et augmente les salaires pour que les gens travaillent et gagnent suffisamment d’argent pour former un vaste marché de consommation intérieur.

Le président Lula pense différemment. Il affirme qu’il est possible de combattre le chômage en appliquant des ajustements économiques.
 Tous les mouvements sociaux sont unanimes à dire qu’il est nécessaire de changer. Le vice-président et divers ministres pensent la même chose que nous. Selon moi, le président devrait aussi avoir la même opinion. L’un des problèmes auxquels il fait face, c’est que l’Etat n’est pas préparé à procéder à des réformes. J’ai vu avec optimismes les nouvelles que le chef de cabinet de Lula, Ze Dirceu, assurerait la direction de l’INCRA (Institut national de colonisation et de réforme agraire) et du FUNAI (Fondation nationale de l’indien) et ferait des réformes administratives. C’est urgent.

S’il devait y avoir des changements, où devraient-ils commencer?
 Nous pourrions commencer par contrôler les taux d’intérêt afin qu’ils restent au même niveau que les taux américains. Puisqu’on copie déjà tellement l’Amérique, on peut copier leur taux d’intérêt. Ensuite, l’excédent budgétaire primaire ne devrait pas être utilisé à rembourser les intérêts de la dette publique intérieure, dette qui peut être acquittée grâce à de nouvelles obligations et refinancée. Cette énorme somme d’argent devrait être directement destinée aux investissements productifs des usines qui créent des emplois et des salaires et produisent pour le marché intérieur. D’un autre côté, les fonds publics devraient être concentrés sur les domaines qui visent à améliorer les conditions de vie et relancent l’économie, tels que la réforme agraire, l’agriculture familiale, l’éducation et les soins de santé.

Comment voyez-vous le nom de Dirceu impliqué dans le scandale (de corruption) de Waldomiro Diniz ?
 Tout d’abord, je maintiens que tout acte illégal de ce gouvernement ou des précédents doit être dépisté et puni. Deuxièmement, je pense que ce sujet a été exploité par les journalistes. Ladite « presse dominante » a essayé de corrompre le Ministre et de coincer le gouvernement Lula. Cela révèle le degré de manipulation que peut atteindre la concentration médiatique. (...)

Ne pensez-vous pas qu’il soit devenu plus difficile de défendre la bannière de la réforme agraire, face aux succès du négoce agricole aujourd’hui?
 Entre toutes les alternatives dont nous disposons dans notre recherche pour une politique de plein emploi maintenant urgente, les réformes agraires sont le moyen le plus économiquement et le plus rapidement effectif sur la population la plus pauvre et la moins pourvue. Le soi-disant secteur du négoce agricole, spécialisé dans les exportations, augmente la production de soja, d’oranges et de canne à sucre. Mais c’est un revenu concentré qui permet d’accroître simplement la richesse des plus aisés. Il ne permet pas d’améliorer la situation de l’emploi ou de l’utilisation des équipements. Dans les années 70, lorsque le crédit rural était meilleur marché et plus démocratique, les paysans achetaient les tracteurs et le Brésil en vendait environ 75.000 unités par an. Trente ans plus tard, avec toute cette propagande au sujet du négoce agricole, l’année dernière, l’industrie n’en a vendus que 40.000. Est-ce le modèle économique que vous souhaitez ?

Ne pensez-vous pas que le renforcement des relations entre le gouvernement et le PMDB (Parti du Mouvement démocratique brésilien), dans lequel on trouve un nombre important de ruralistes, puisse affaiblir la bannière de la réforme agraire ?
 La réaction des propriétaires fonciers contre la réforme est une position de classe, pas du parti. Certains de nos hommes politiques issus de partis différents défendent la réforme parce qu’ils sont conscients de son importance. Nous avons même des directeurs de multinationales qui y croient. J’ai trouvé brillant le dernier entretien du magazine Carta Capital avec le directeur général de Pirelli, lorsqu’il s’est fait le défenseur énergique de la réforme.

Vous avez fréquemment fait l’éloge du Président de la BNDES (Banque nationale pour le développement économique et social). Pourquoi?
 J’ai lu les déclarations de Carlos Lessa et je sens qu’il est désireux de voir les politiques économiques changer. Je vois qu’il a affirmé, devant le président de la Banque centrale, que le Brésil ne progresserait et ne se développerait pas tant que les taux d’intérêts réels resteraient supérieurs à 5 % par an.

Le président de la BNDES n’est pas le seul. Dans différentes parties du gouvernement, des voix dissidentes se font entendre sur des sujets capitaux. Tous les ministres ne sont pas d’accord, par exemple, avec la réforme agraire comme la défend le MST.
 Lors des précédentes élections, les gens ont voté pour des changements, contre le néolibéralisme. Néanmoins, le gouvernement n’a pas une composition unifiée. Nous avons des ministres néolibéraux, des ministres entre les deux qui pensent simplement à des réformes partielles, et des ministres qui se sont engagés pour un projet populaire. Mais il ne s’agit pas de la question la plus importante. Fondamentalement, le débat interne reflète un débat qui existe dans la société. Le véritable problème, c’est la définition d’un projet pour le pays. Le gouvernement seul n’a pas les forces pour virer de bord et mettre en place un nouveau projet.

Il semble que les mouvements sociaux n’ont pas non plus les forces pour le moment d’imposer des changements sur la politique économique.
 Vous avez raison. Nous avons toutes les conditions objectives pour mobiliser les gens parce que les problèmes s’aggravent. Chaque emploi à solliciter amène des milliers de personnes, formant des queues sans fin. A chaque orage, des gens meurent par manque de conditions de vie convenables et parce que les services publics ont été sucés jusqu’au dernier sou. Néanmoins, les mouvements de masse sont dans une période de déclin depuis 1989. Notre travail est d’instruire de manière permanente les masses afin de stimuler les gens à prendre conscience des choses, à se mobiliser, à discuter d’un nouveau plan pour la société et à se battre. Sans une mobilisation populaire, il n’y aura pas de changements.

Cela signifie-t-il que vous essayez de rassembler des forces ?
 Ce n’est pas le moment de planter des salades ; c’est le moment de planter des arbres. Un de ces jours, ils commenceront à porter leurs fruits.

Traduction : Cendrine Marrouat cendymarrouat@shaw.ca, pour RISAL, 5 avril 2004

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