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20 septembre 2006

À cinq années du 11-S

Recul de Bush en Amérique latine

Bush’s Backward Slide in Latin l’Amérique.

par Raúl Zibechi *

 

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Cinq années après les attentas du 11 septembre, la superpuissance dirigée par George W Bush vit sa plus grande période d’isolement et de faiblesse en Amérique latine. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale, les Etats-Unis ont cessé d’être un acteur prépondérant dans la politique continentale, à un tel point que nous pouvons aujourd’hui dire qu’une sorte de multilatéralisme régional s’est installée sur le continent. Le Brésil est le principal contrepoids de Washington dans la région, mais on ne doit pas sous-estimer l’importance grandissante de pays comme l’Argentine, le Venezuela, y compris le Mexique post Fox, comme nouveaux facteurs de pouvoir.

La liste d’événements défavorables au « Consensus de Washington » depuis les attentas à New York et Washington, sont l’échantillon le plus frappant de qu’en dépit de la "guerre contre le terrorisme" une nouvelle situation coagule en Amérique latine. Les mouvements sociaux sont encore le facteur le plus dynamique, accompagnés maintenant d’une série de gouvernements progressistes ou de gauche qui, en dépit de leurs hésitations, forment une nouvelle réalité.

En décembre de 2001 une puissante insurrection populaire et des classes moyennes argentines a balayé le gouvernement de Fernando de la Rúa, et la continuité de l’action sociale a coincé son successeur, Eduardo Duhalde. En 2002 et 2003, à l’activisme de base a permis possible de retourner un coup d’État mené contre Hugo Chavez et la paralysie pétrolière qui a voulu annihiler son gouvernement. L’usure du néo-libéralisme au Brésil a permis l’accès au gouvernement de Luiz Ignacio Lula da Silva, et en octobre 2003 un impressionnant mouvement indigène et ouvrier a mis un terme au gouvernement répressif et néolibéral de Gonzalo Sánchez de Lozada en Bolivie. En 2005, la poursuite de la mobilisation sociale a forcé à la démission son successeur, Carlos Mesa, et a permis le déconcertant triomphe électoral du dirigeant cocalero Evo Morales. Cette même année la gauche triomphait en Uruguay, en faisant bouger pour la première fois les partis traditionnels du contrôle de l’appareil étatique.

En Équateur, en dépit de la trahison du gouvernement dirigé par Lucio Gutiérrez, les mouvements ont empêché la consolidation des tendances néolibérales et sont parvenus, dans les premiers mois de 2006, à empêcher la signature du ’Traité de libre Commerce’ avec les Etats-Unis, en même temps qu’ils ont obtenu une importante victoire contre le pétrolier américain Oxy. Même en Colombie, le pays le plus proche des Etats-Unis de tout le sous-continent, les avances des forces contraires à la politique de Washington sont indéniables : la guérilla n’a pas été mise en échec en dépit du déploiement du « Plan Colombie », et une force électorale de gauche est parvenue à casser le bipartisme traditionnel dans ce pays, en modifiant le rapport de forces. Au Pérou, en dépit de la défaite du candidat nationaliste Ollanta Humala, la puissance des couches populaires met des limites à l’alignement du nouveau gouvernement d’Alan García avec les Etats-Unis.

Échec de l’ALCA

Même au Chili, qui avait déjà signé un Traité de libre échange avec Washington à la fin des années 90, le gouvernement de la socialiste Michelle Bachelet fait face à la réactivation de mouvements comme ceux des étudiants qui met en cause plusieurs axes de la politique néolibérale comme l’abandon de l’enseignement public. Le Paraguay est peut-être le seul pays de l’Amérique du Sud où a avancé la politique militariste de Bush, à travers le déploiement de troupes avec une immunité, l’aménagement d’une grande base militaire à Mariscal Estigarribia et le déploiement de l’armée et des groupes paramilitaires formés par le Ministère de l’Intérieur dans les secteurs ruraux conflictuels.

Les événements des dernières semaines au Mexique, représentent un changement redoutable. La vaste et massive mobilisation contre la fraude électorale contre Andres Manuel López Obrador, montre une nouvelle conscience démocratique qui devrait limiter les tendances droitières du futur président Felipe Calderón. Toutefois, le facteur décisif est que la révolte zapatiste n’est déjà pas la seule : la "commune" d’Oaxaca, comme s’appelle le vigoureux mouvement qui s’est développé dans cet état contre les autorités locales corrompues, annonce un point de flexion dans la politique mexicaine. En effet, l’irruption d’une partie importante de la population mettant en question non seulement la manière dont fonctionne l’administration mais le pouvoir étatique lui même, indique qu’on arrive à un moment de crise politique et de crise du modèle de domination, qui devra avoir des conséquences profondes dans le futur immédiat.

Mais le plus remarquable a arrivé peut-être en novembre 2005 à Mar del Plata, pendant le « Sommet des Amériques ». Là, les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) plus le Venezuela, ont enterré définitivement l’ALCA, qui avait été le modèle de relation entre les Etats-Unis et le reste du continent conçu par la Maison Blanche. Il est certain qu’à partir de ce moment l’administration Bush a entrepris une offensive puissante pour la signature de TLC’s avec plusieurs pays. Et il est certain aussi qu’elle a obtenu des succès ponctuels. À la signature du TLC avec l’Amérique Centrale (CAFTA) s’ajoutent ceux signés avec la Colombie et le Pérou, et la possibilité que le Paraguay et l’Uruguay suivent ce même chemin. Mais les pays décisifs de la région (le Brésil et l’Argentine) ont fait des pas significatifs pour retourner la situation de stagnation et crise du Mercosur.

L’entrée du Venezuela au sein du bloc, le rapprochement croissant entre le Brésil et l’Argentine, qui ont dépassé de vieux conflits commerciaux et la méfiance entre leur gouvernement, et la possible entrée de la Bolivie, modifient radicalement la situation du Mercosur. Bien que certains de ces gouvernements ne puissent pas, de très loin, être considérés comme de gauche, cela a produit des changements au-delà de sa propre volonté. Lula va être réélu avec une vaste majorité sur le changement culturel que vivent les plus pauvres. Sans doute, ce changement est influencé par le plan d’aide Bourse Famille, qui consiste en des subventions de quelque 50 dollars et d’autres avantages pour 11 millions de familles, soit quelque 40 millions de personnes. Le programme a fait l’objet de critiques méritées par son caractère d’assistance, mais ce qui est certain c’est qu’il a rendu possible deux faits qui vont modifier le rapport de forces dans le pays le plus important du continent : Il a brisé la domination et le contrôle des élites de droite dans une région aussi importante que le Nord-est. Jusqu’à présent les caciques d’extrême droite pratiquaient des formes de clientélisme qui leur assuraient la loyauté- réelle ou simulée- des pauvres. C’est maintenant dans cette région que Lula a une majorité décisive pour obtenir la réélection. Deuxièmement, pour la première fois dans l’histoire du Brésil les plus pauvres ne suivent pas derrière les comportements politiques des classes moyennes, mais votent par un candidat qu’ils considèrent "propre".

Gouvernements et mouvements

Depuis cinq ans, deux tendances - annoncées depuis plusieurs années- se sont consolidées, et ont pris un nouvel élan. La liste des gouvernements défavorables à Washington s’est agrandie, ainsi que celle des gouvernements qui prennent leur distance avec les politiques de Bush et celles des organismes financiers internationaux. Aujourd’hui, Cuba est moins seul que jamais et une agression des Etats-Unis vis-à-vis de l’île doit compter sur une opposition sûre et ferme de la plupart des pays latino-américains. Mais aussi le Venezuela est plus sûr, non seulement par le renforcement de sa position interne, grâce à la consolidation du processus bolivarien et de la capacité de Hugo Chavez à tisser de multiples alliances à l’échelle globale, mais aussi par le soutien de pays comme le Brésil, l’Argentine et la Bolivie.

Quelques pays de la région, comme le Brésil et dans une moindre mesure l’Argentine, ont commencé à défier à l’empire sur un terrain aussi sensible que l’enrichissement d’uranium. Rappelons que grâce aux politiques néolibérales des années 90, ces pays ont désarticulé ou ont paralysé leur plan nucléaire, remis récemment en marche. La politique d’autonomie et de coopération militaire entre le Brésil et l’Argentine, leurs positions conjointes face aux changements que réclame le FMI et sur la dynamisation du commerce et la coopération Sud-sud et, en peu de temps, la création d’une nouvelle monnaie qui remplacera le dollar pour le commerce régional, sont les principales lignes émergentes d’une nouvelle réalité régionale.

Enfin, le plus décisif. Les mouvements sociaux de la région n’ont pas été mis en échec et gardent leur capacité d’action et leurs potentialités intactes, même si le discours progressiste et les plans focalisés vers les pauvres leur ont créés quelques difficultés sérieuses. Rien n’indique que le mouvement d’activisme de base entamé vers le milieu des années 90 s’épuise. Au contraire, cette vague de mobilisations a permis de délégitimer le modèle néolibéral et a produit les conditions pour que naisse une nouvelle carte politique dans chaque pays et dans l’ensemble de la région.

Il n’est pas certain que cette nouvelle situation ait été créée par l’"abandon" des Etats-Unis de la région, s’étant focalisé au Moyen Orient et Afghanistan. Cela serait comme surveiller le monde depuis en haut. Et, ce qui est certain, c’est que vers le bas, à la base de nos sociétés, croît une nouvelle conscience, à laquelle la "Guerre contre le Terrorisme" de Bush, livrée durant ces cinq années, n’a pas porté de coups.

Alai-Amlatinahttp://www.alainet.org/active/13304.... Equateur, le 11 septembre 2006.

Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi

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