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Pourquoi un nouveau traité ? D’emblée les économistes atterrés posent la question dans « L’Europe mal-Traitée » [1]. Il est vrai que le nouveau « Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance » (TSCG) aussi appelé « Pacte budgétaire », signé le 2 mars dernier par les chefs d’Etats et de gouvernement, n’est pas la panacée aux maux dont souffre la zone euro, mais risque de les aggraver.
Au cœur de ce pacte, la dite « règle d’or » ou règle d’équilibre budgétaire, n’est rien de moins qu’un engagement des Etats à maintenir à perpétuité les budgets en équilibre, avec un déficit structurel ne dépassant jamais 0,5% du PIB ; mais comme le montrent les Economistes Atterrés, ce court traité a des implications qui vont bien au-delà de ce simple chiffre. En formulant une critique détaillée et argumentée de ce traité, les Economistes Atterrés veulent ainsi mettre entre les mains des citoyens les éléments nécessaires pour comprendre et participer au débat qui va déterminer l’avenir de l’Europe, et en partie se jouer ce week-end.
Car pour eux le constat est clair : « le traité du « Pacte Budgétaire » va accélérer la course à l’abime en radicalisant les politiques qui ont mené à la situation d’échec où nous sommes aujourd’hui » comme le souligne Thomas Coutrot, ce traité a des incidences négatives».
Petit rappel sur le traité : en durcissant les critères de déficit budgétaire, en voulant constitutionnaliser les nouvelles règles, en introduisant des mécanismes automatiques de corrections et donc de sanctions quasi automatiques en cas de non respect des dites règles, en accroissant le pouvoir de la commission européenne sur le parlement... ce traité traduit une radicalisation des principes néolibéraux.
Les Economistes Atterrés s’interrogent sur la vraie finalité suivie derrière ce pacte budgétaire qui introduit une forme « d’austérité perpétuelle » qui peut mener à un « risque d’explosion de l’euro et qui conduit aussi à un rétrécissement de la démocratie en Europe ».
En effet le nouveau traité « corsète définitivement les politiques économiques. Il indique que la situation budgétaire des administrations publiques est en équilibre ou en excédent » souligne le livre. Ce quasi équilibre des finances publiques inscrit dans le traité n’a aucune justification économique et même contraire à la vraie règle d’or des finances publiques. Car dans ce schéma on ne tient donc plus compte de la situation conjoncturelle des pays.
Un mécanisme automatique doit être mis en place pour réduire tout déficit : un pays « se trouve soumis à une procédure de déficit excessif, et doit soumettre un programme de reformes structurelles à la commission et au conseil qui doivent l’approuver et en suivre la mise en place, dit l’article 5. L’article 3 du traité précise que « les règles prennent effet dans le droit national au moyen de dispositions contraignantes et permanentes ».
De plus « le pacte instaure des mécanismes de surveillance et défiance entre les membres, en introduisant le pouvoir de chacun d’entre eux de poursuivre tout autre Etat , même si la Commission n’a rien trouvé à redire » ( article 8). Enfin, les mesures de correction automatique sont confrontées à la règle de majorité qualifiée inversée, pour y déroger, sachant que le pays concerné n’a pas le droit de voter.
Bref, difficile de ne pas y voir un recul de la démocratie : « il s’agit de réduire la politique économique à l’application d’une règle d’équilibre budgétaire, qui n’a pas de fondement économique mais qui acquiert le fondement juridique suprême avec « l’inscription dans les constitutions » souligne le livre des Atterrés. « Tout se passe comme si l’objectif recherché était de mettre la politique économique de l’union monétaire en « pilotage automatique », ajoute Henri Sterdyniak, on voit les limites de l’exercice : puisque les pays sont privés d’instruments d’ajustement, il n’y aucune marge de manœuvre ».
D’ailleurs le livre insiste sur la délicate et très controversée notion de déficit structurel; comme le souligne Dany Lang, sa méthode de calcul n’est pas consensuelle. Des écarts importants ont déjà été constatés; or c’est cette notion de déficit structurel qui est la clef de voute du traité. De plus, le pacte budgétaire repose sur un postulat faux : le manque de discipline budgétaire serait le seul responsable des difficultés de la zone euro. Faut-il rappeler que durant la période 2004 -2007, le déficit de la zone euro était de 1,5% contre 2,8% pour les USA et 2,9% pour le Royaume Uni. Et que c’est une crise des marchés, mais aussi de la recette avant d’être une crise de la dette avec l’effondrement des impôts sur 20 ans, alors même qu’on assistait à une compétition fiscale entre pays membres, sous la houlette de l’Europe.
On peut s’étonner comme le souligne Benjamin Coriat, « que l’Europe n’ait pas tiré de leçon de l’échec des pactes de stabilité précédents dont on voyait qu’ils n’étaient pas tenables avec 3% de déficit budgétaire : plutôt que de s’interroger sur l’échec, on prévoit un pacte avec des objectifs encore plus serrés, alors que rien n’est fait pour empêcher les marchés de spéculer contre les dettes publiques ».
« Alors que les Etats n’ont jamais accès aux caisses de la BCE contrairement aux banques, comme si l’Etat était un agent économique irresponsable ». C’est d’ailleurs un des points de renoncement avec les Eurobonds du gouvernement Hollande. A la veille du sommet européen, reste alors le « volet croissance ». Qu’en penser ? « Compléter le pacte par un volet de croissance n’est pas réaliste, qu’il repose sur 120 milliards d’euros, soit moins de 1% du PIB, c’est dérisoire, sans oublier que la somme est prise sur des fonds déjà inscrits, et comparé aux 240 milliards par d’austérité en oeuvre».
« Il s’agit d’imposer des règles rigides, budgétaires, qui ne semblent avoir que faire de la finalité du plein emploi ou du bien être des peuples, et le fameux pacte de croissance n’y changera pas grand-chose du moins tel qu’il se dessine », poursuit-on. « Ce traité n’a que des exigences financières et aucunes sociales ; le social est implicitement l’amortisseur, la variable de dévaluation interne », rappelle Benjamin Coriat.
Et Les atterrés de formuler douze propositions pour ouvrir d’autres perspectives, parmi lesquelles désarmer les marchés financiers, en empêchant les transactions spéculatives sur les dettes d’un Etat; faire garantir les dettes publiques par la BCE, afin que les pays puissent se financer à dix ans à 2%; remettre en cause la prise en charge par les Etats des dettes bancaires passant de fait dans la dette publique; mettre fin à la concurrence fiscale; élaborer démocratiquement un vrai traité pour la coordination des politiques économiques des pays avec des objectifs d’emploi, de transition écologique...autant de pistes pour un sursaut collectif permettant d’éviter un rétrécissement de la démocratie.
Estelle Leroy-Debiasi pour El Correo. Paris, le 26 juin 2012
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[1] Ouvrage coordonné par Benjamin Coriat, Thomas Coutrot, Dany Lang, et Henri Sterdyniak, publié aux Editions Les Liens Qui Libèrent. Juin 2012. 140 pages, 8 euros