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5 novembre 2005

Mer du Plomb dans le IV Sommet des Amériques

par Osvaldo Bayer*

 

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Des chœurs d’enfants aux coins des rues qui saluent dans des sauts et des vivats. Des jeunes hommes avec des pelles et des pioches qui marchent pour bâtir.

Av. Colon
Mar del Plata

Mais la réalité est autre. Mar del Plata ou Mer d’Argent, aujourd’hui. Mer de Plomb. Tout est uniforme. On a même essayé d’ajuster les corps féminins avec des pantalons et des vestes qui portent des matraques et des cartouchières. Les esprits fermés du péché et de la punition sont arrivés à enfermer cette annonce de la générosité maternelle en le mettant en boîte sous la menace. Tout est regard menaçant.

Comment vous appelez vous ?, d’où venez vous ?, où allez vous ? Identifiez-vous ! Papiers ! Tout est clôtur, obstacle, interdiction, suspicion. Péché. L’archevêque de La Plata, Héctor Aguer, surveille. Nous sommes tous mauvais tant qu’on ne vérifiera pas le contraire. Tous, nous protégeons Bush. Bush, Bush, Bush. Jusqu’aux sables des plages qui sont surveillés par un sous-marin qui prépare ses armes devant tout crabe. L’escargot et ses labyrinthes sont suspects.

Nous sommes tous terroristes. Voitures blindées. On attire des nuages pour couvrir le soleil. Depuis les toits des hôtels pour riches on surveille les collines, si jamais apparaît une certaine peau rouge ou un mapuche. La seule statue qui a des fleurs, c’est celle du grand Julio Argentino Roca qui veille sur nous. On a finalement obtenu l’unité américaine. Pinochet, Videla, oui, oui, oui, et cet Ongania, nous manquent.

Ni fleurs, ni filles avec des fleurs de par les rues, ni choeurs d’enfants. Cette fois oui, CIA, Services secrets, police montée, Infanterie, gardiens de la paix, agents, détectives privés, bien sûr, enquêtes, commissaires, caporales, sergents, fonctionnaires, fonctionnaires de premier rang, garde civile, douaniers pour qu’ils apprennent sur le futur, des maréchaux, des longues vues, des calibres.

Argentins à vos affaires. Futur Bush.

Mais le Sommet des Peuples. Des Peuples. Le nom dit tout. Chacareras, milongas, zambas (ndlr : différentes danses) « passer du fait ’que les peines sont à nous et les vaches sont aux autres’, aux joies latino-américaines, que les vaches sont à tous » (ndlr parole d’une chanson). Des voix avec des plumes et des échos de montagnes sans fin et des plages avec des poissons dorés et barques avec des guirlandes. Des uniformes avec des matraques et cartouchières, à des corps féminins nus sur des piédestaux d’art, art, art. L’évêque Aguer se couvre les yeux et crache dans la mer bleue.

Défendre le système. Deux cent vingt millions de latino-américains avec moins de deux dollars quotidiens. Défendre l’ALCA. Dix pour cent de sans emploi. Le travail esclave. Les travailleurs cul nus qui envahissent les frontières. Un coup et dans le sac. Mexicain crasseux, péruvien immonde, bolivien taré. L’Amérique pour les américains.

L’Air FORCE One de Bush nous est arrivé. Les trois caravelles de Colomb. Ceci est à moi, à moi, à moi.

Berlusconi : je suis fier d’être l’allié de Bush. Ah bon. Le dernier triomphe de Bush : proposer le juge Samuel Alito, célèbre ennemi de l’avortement, pour avoir réduit les droits aux handicapés, pour accorder à la police davantage de facilités aux perquisitions, pour éliminer certains droits aux chômeurs. Bien, tel est le chemin. Après cela, l’ALCA pour les latino-américains.

Selon la revue spécialisée The Lancet, en Irak il y eu déjà 98.000 civils morts depuis que Bush a libéré -depuis les cieux- le pétrole. Et bien. Ce n’est pas tant que ça. Après tout, ils sont morts pour « la bannière étoilée ». L’ouragan Katrina a nettoyé, entre-temps, des pauvres de la Nouvelle Orléans. La couleur de la pauvreté est noire. On le sait. Morale et force.

La ’Ligue Patriotique Argentine’ a été fondée par le Perito Moreno dans le chic Quartier Nord et a servi à balayer les travailleurs durant la « Semaine Tragique » qui demandaient la journée de huit heures. Indiscipline, hommes sans patrie, extrémistes. Ainsi les frontières ont été définies. Vive la Patrie, bordel. De Richard Nixon à Ronald Reagan et à George Bush. Vive la Patrie, merde. Mais le Sommet des Peuples. Il va être « sabrosito » à la latino.

J’ai envoyé au Sommet des Peuples mon salut. Et les rues de Mar del Plata se sont remplies de jeunes filles portant de guirlandes de fleurs, de chœurs d’enfants qui saluent dans des sauts et en levant les bras, d’hommes avec des piques et des pelles qui allaient construire l’œuvre commune des peuples. Celui-ci a été mon message : "Mar del Plata".

Le cowboy fantoche vient nous « mettre » la peur avec ses vingt mille agents, ses trois mille laquais de la CIA et ses fonctionnaires « cotés » en dollars. Mais nous n’avons pas peur de ces rapaces de la chaire putréfiée. Il veut s’approprier l’Amazonie, l’eau éternelle du Paraná et les pampas de nos tehuelches, ranqueles et mapuches. Mais il n’en sera pas ainsi. Parce qu’ici l’attendra toujours un Emiliano Zapata, un Augusto César Sandino, un Agustin Tosco, et les Mères de Place de Mai aux mains propres et aux cœurs de pur sang rebelle, égal à leurs chers enfants jamais morts.

Il ne pourra rien emporter malgré ses missiles atomiques et ses porte-avions. Regardez Monsieur Bush bien que les colonialistes aient supplicié avec la croix et à coup de couteaux Tupac-Amaru, ils n’ont pas pu arrêter le San Martín des cordillères, le Bolivar des plaines ni le Moreno aux idées indomptables. Malgré les Videla, les Somoza, les Pinochet et les Stroessner, vous n’allez pas pouvoir mettre pied à terre. Même si vous venez avec toute votre équipe de toutous et parasites, falsificateurs de la dignité américaine.

Rien ne va pas plus. Jamais vous n’allez pouvoir faire revivre les enfants de l’Irak, les roses du Vietnam, les enfants mort-nés dans le ventre des mères d’Hiroshima. Les héros latino-américains de la lutte contre l’empire. Les torturés de Guantánamo. Les exploités des sandwiches mac donaldiens et de la coca cola. Vous tirez avec votre Colt à silencieux et vous posez des questions après ou vous n’en posez même pas du tout.

La vraie vie est seulement dans la dignité.

Quand on travaille avec solidarité et avec honnêteté on n’a pas besoin d’une clôture sur 250 pâtés de maisons par laquelle on a enfermé à Mar del Plata pour votre visite, ni de milliers d’uniformes dans les rues.

Celui qui crée de la violence, reçoit la violence. Ce n’est pas comme le dit Macri (conservateur montant argentin) dans son slogan électoral : "Pour laisser ouvertes les portes de nos maisons, fermons bien les portes des prisons". Non, Monsieur Macri, donnez du travail aux gens et du pain, un toit et l’école et vous allez voir comment on n’a pas besoin de prisons.

Penser que Bush est président du pays où brillé la lumière des Martyrs de Chicago, qui ont été pendus par la Justice américaine pour avoir demandé le droit de la journée de huit heures de travail. Si Bush, avait été le juge, il les aurait aujourd’hui pendu ces êtres humains magnifiques. Cent ans plus tard, la Justice américaine a demandé des excuses en disant qu’elle s’était trompée. Bien sûr, cent ans plus tard. Bush ne ferait même pas cela après avec les crimes de lèse humanité en Irak et en Afghanistan.

On a laissé dire depuis les hautes sphères de Bush qu’en Amérique latine règne la corruption. Et qu’est ce que c’est, peut-être l’emploi de la force brute de Bush sinon la corruption de l’âme et de l’esprit ? Un vulgaire bourreau.

Quand on lira les écrits de Simon Rodriguez, cet instituteur de Bolivar, ou ceux de notre Mariano Moreno qui étaient les espoirs d’une Amérique libre et solidaire, on peut seulement exploser d’un éclat de rire sarcastique ou tomber dans la mélancolie en écoutant les discours de ce président yanqui, mesquin et trivial. Nous le savons, à Mer de Plomb il y aura des cynismes, flatteries, promesses, on changera tout pour ne rien modifier. Parce que si non, le capital américain aurait déjà changé pour un autre, ce shérif autoritaire et vide de toute éthique. Nous devons commencer par respirer à pleins les poumons. C’est pourquoi le chemin à suivre est la pensée bolivarienne des Etats-Unis latino-américains, du Mercosur au Marché Commun sans limites en Amérique latine.

A Mer du Plomb, avec cet impérialisme venu du Texas nous n’allons obtenir rien d’honorable ni d’honnête. Disons la vérité au visage à Bush et à ses hommes de la sinistre CIA. Faisons le pour nos enfants qui ont faim, pour nos jeunes sans travail, pour nos vieux humiliés. Le Che Guevara nous regarde.

Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi

Pàgina 12. Buenos Aires, 5 novembre 2005

*Osvaldo Jorge Bayer est un historien, écrivain et journaliste argentin qui se définit comme un « anarchiste et pacifiste à outrance ». Docteur Honoris Causa de plusieurs universités, il possède la double culture allemande et argentine, qu’il met au service de combats sociaux justes que l’Histoire Officielle s’obstine à gommer.

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