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27 de marzo de 2003

Les prédateurs du néolibéralisme international laissent l’Argentine : Sans destin...

por Rafael A. Bielsa

 

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Martin est apparu une nuit, il y a de cela deux ou trois années. Il était un « pibe » (gosse) au sourire facile, insouciant et robuste. Insensible au froid et à la chaleur. Dans le coin de la rue 24 novembre et Rivadavia il a marqué son territoire: il nettoyait les vitres des voitures, il demandait des monnaies et, quand les feux de signalisation le lui permettaient, courait quelques mètres jusqu’au lieu du trottoir où étaient assises ses compagnes, Roxana et une belle créature au regard fixe d’à peine un peu plus d’un an, Tamara, échangeant avec elles quelques mots de passe et il retournait à sa besogne.

La fille devait avoir le même âge que lui, et marchait avec difficulté à cause d’une dysplasie à la hanche. Avec le temps, quand elle a été enceinte de Martin, j’ai appris que la première petite fille était d’un autre père. Parfois ils logeaient dans une pension qui se trouve à une cinquantaine de mètres, ou dans un hôtel qui est un peu plus loin, ou directement dans le local du caissier automatique du coin. Martin m’a dit que s’il ne rassemblait pas douze pesos (4€) tout au long de la journée, ils devaient tous dormir dans la rue.

Même enceinte et tout, elle lui donnait la main. Avec la panse comme une cornemuse, en raison sa démarche anormale, elle se glissait parmi les voitures tandis que la petite, elle faisait des gribouillis dans un cahier, assise très posée avec le dos contre le mur. Qu’il pleuve, qu’il tonne ou que ça brûle, ils étaient toujours là, Martin souriant, elle diligente et l’enfant obéissante, comme s’ils étaient conduits par un seul fil, invisible au regard habitué.

Une nouvelle petite fille est née vers le milieux 2002 : Micaela. La femme de Martin a momentanément cessé de l’aider mais elle n’a pas abandonné le trottoir. N’importe qui, qui passait pouvait les voir, le garçon souriant et actif, et sa famille à deux pas, l’enfant avec quelques fournitures scolaires, et le bébé se nourrissant sur la poitrine de sa mère. Ce qui attirait mon attention c’était le solide lien à ciel ouvert de ces quatre êtres vulnérables, les grands gestes de Martin, les dents rongés de sa femme, la petite sainteté impassible aux yeux minéraux et bouclés, et le bébé qui poussait.

Une nuit d’été de 2003, je suis passé par le coin et Martin n’était pas. Sa femme s’était assise dans le lieu habituel, mais il tremblait sous un pullover noir en laine et il manquait les enfants. "Ils les ont emporté à la 8ème", elle m’a dite. "J’ai la fièvre. Pouvez vous lui donner un coup de main ? "
Je suis entré dans le commissariat, et j’ai demandé à l’agent en faction aux yeux clignotants et tendus s’il savait quelque chose à propos de Martin, qu’on avaient arrêté pour une contravention. "Pas pour une contravention, non", m’a répondu, en me soutenant le regard, "pour possession de stupéfiants. Nous attendons le rapport; s’il n’y a rien, il sort à minuit. Vous, qui êtes-vous? "

Quand je suis parti du commissariat, je me suis rappelé une plaisanterie que j’avait lue dans un livre d’Imre Kertész : "A bas cette morale, et ne perdons pas la désespérance". Aussi je me suis rappelé les mots de l’oncle Lajos, un personnage de l’oeuvre, avec lesquels il demandait que Dieu les aide pour que "on puisse, le plus rapide possible, nous réunir une autre fois autour de cette table, tous ensemble, en paix, santé et amour". Cette nuit là, le père du protagoniste disait adieu à sa famille parce le jour suivant il était déporté dans un camp de travail obligatoire. Le livre est appelé "Sans destin" ; Martin avait entamé son long voyage.

Je suis retourné, et j’ai dit à Roxana ce qu’on m’avait dit. Ses yeux se sont retournés comme deux insectes qui bavent. "Ce matin, il est sorti pour acheter du lait pour le bébé, et il n’est pas revenu", elle m’a répondu. Le jour suivant, il m’a juré qu’ils lui avaient mis l’enveloppe avec de la drogue dans la poche parce qu’il avait refusé de leur donner l’argent qu’ils lui demandaient.

Après cet épisode, tout est retourné à la "normalité" sans suture ni abri les enveloppant comme la lumière d’un aquarium.

Vendredi 14 mars je suis arrivé au coin de la rue, et je l’ai trouvée avec le visage défiguré et un grand sparadrap comme une étoile, jaune par le désinfectant, qui lui couvrait un oeil et une partie du front. "Martin... - me dis -... la bière, le vin. Ils nous ont jetés de l’hôtel, je voulais aller avec les filles visiter à ma mère, pas lui, on s’est engueulé et il m’a frappée avec un séchoir. Ils m’ont mis cinq points dans l’hôpital, et Martin ils l’ont arrêté ". Elle avait des taches de sang dans les manches du polo, et l’autre oeil ouvert comme un hurlement.

Martin est un des 92 sur 100 gosses de la rue dont l’État se désintéresse. Dans son registre des antécédents figure qu’il a été arrêté pour possession de drogues. Maintenant ils ajouteront des lésions graves, ou quelque chose dans le style. Demain, qui sait, homicide, ou il mourra lui-même. Sa femme restera seule, bien qu’il soit possible qu’elle n’ait jamais cessé de l’être. La belle petite fille sera un autre numéro dans va savoir quelle statistique. La bébé rentrera dans un hôpital, et un institut ensuite, difficilement dans une école ou à l’université à la fin du voyage.

Kertész rapporte un épisode dans lequel le protagoniste est retenu avec d’autres jeunes et adultes qui portaient l’étoile jaune dans les revers du veston, le sparadrap jaune de ceux de sa condition, pour être envoyé à Auschwitz-Birkenau. L’expression des deux policiers en charge de l’opération, dit, "cela m’évoquait ces souvenirs: le même dégoût et la même préoccupation, la même résignation face à un destin irrémédiable ". Aussi, quand ils marchent sur la route vers l’énorme place avec des cailloux blancs, la cour d’une caserne : "De tout ce long chemin, je me rappelle seulement la curiosité furtive, peu décidée, presque honteuse que notre défilé provoquait dans le public posté sur la chaussée". Comme le roman de Kertész, sans destin.

Traduction de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

Titre original: Sin destin...
Página 12, le 26 mars 2003

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